Madame la présidente, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de pouvoir vous présenter le rapport adopté hier par notre groupe de travail. Le moins que l'on puisse dire est que le sujet est au coeur de l'actualité depuis des années, et particulièrement depuis un an.
Le déclenchement de la crise actuelle a en effet accéléré ces mutations et rendu d'autant plus impérieuse la nécessité pour nos commerçants d'adapter leurs services aux nouvelles exigences des consommateurs. À mesure que nous avancions dans nos travaux, nos constats se trouvaient renforcés par la gravité de la crise traversée par le commerce. Nombre de sujets qui étaient déjà d'une grande importance auparavant sont désormais devenus incontournables. Le statu quo réglementaire et fiscal n'est donc aujourd'hui plus possible : la réglementation du commerce doit évoluer, sous peine d'une aggravation des distorsions de concurrence déjà à l'oeuvre entre le commerce traditionnel et les acteurs du numérique.
Tout d'abord, un point de méthode : pour rédiger ce rapport, nous avons réalisé au total 44 auditions. Cela nous a en effet paru nécessaire compte tenu de la multiplicité des interlocuteurs, des points de vue et des sujets abordés.
Nous avons ainsi reçu des fédérations professionnelles, le réseau consulaire, le ministère de l'économie, la Convention citoyenne pour le climat, des enseignes de la grande distribution ou du secteur du jouet, des sites de commerce en ligne, des personnalités qualifiées du secteur commercial ou encore des experts sectoriels. Ce rapport s'est par ailleurs enrichi de vingt contributions écrites que nous avons reçues.
Avant de rentrer dans le détail, je souhaiterais vous résumer les principaux constats.
Alors que des transformations majeures traversent aujourd'hui le secteur commercial - retour de la « proximité », recherche de sens, explosion de l'omnicanalité -, la France se singularise par une réglementation inadaptée voire contre-productive de ce secteur. Cette dernière oublie trop souvent que les évolutions du commerce répondent avant tout aux aspirations des consommateurs ; elles reposent ainsi sur l'illusion que nous pourrions arrêter à mains nues une vague déferlante, autrement dit, que des normes unilatérales et rigides seraient en mesure d'étouffer ces nouvelles exigences des consommateurs, sur fond d'opposition stérile entre commerce physique et commerce en ligne.
Ce faisant, la compétitivité de nos commerçants s'en trouve fragilisée, d'autant qu'ils subissent d'importantes distorsions de concurrence en matière fiscale et réglementaire. Dans le même temps, les pouvoirs publics n'accompagnent qu'insuffisamment les commerçants dans leur nécessaire transition numérique, enjeu majeur de la période actuelle.
Rentrons dans le détail...
Le rapport est construit selon trois axes : premièrement, une étude analytique et détaillée des mutations actuelles du commerce ; deuxièmement, le constat que les politiques publiques en matière commerciale accusent, depuis longtemps, un retard préjudiciable à la compétitivité de nos commerçants ; troisièmement, un ensemble de chantiers à mener urgemment.
Tout d'abord, nous avons analysé les trois révolutions principales, porteuses d'opportunités majeures, que connaît actuellement le commerce : la recherche de sens, la recherche de proximité, et enfin le boom de l'omnicanalité.
Concernant la révolution du sens, un fait me semble particulièrement marquant : l'essentiel de la croissance du secteur de la grande distribution est tiré par le bio, les produits locaux et les produits dits plus sains, qui connaissent une croissance de 20 à 25 % par an, toutefois dans un contexte de relative atonie de la demande.
En effet, le consommateur cherche de plus en plus à conférer du sens à son achat. Dans un nombre croissant de cas, ce dernier ne vise plus la simple satisfaction d'un besoin mercantile, mais tend également à matérialiser concrètement les aspirations sociétales du consommateur. Cette mutation, appelée à s'accélérer, représente un défi important pour les commerçants : conception des emballages, développement de la location, place et quantité des produits locaux et bio dans les rayons de la grande distribution, transparence sur l'approvisionnement, etc., sont autant de nouvelles exigences des consommateurs qui structurent et réorganisent le positionnement des marques.
Lorsque le consommateur a les moyens, il est désormais bien davantage disposé à payer plus cher pour satisfaire cette quête de sens.
Au-delà du sens, le consommateur recherche également la proximité, qui ne se confond toutefois pas avec le seul centre-ville. Plusieurs facteurs expliquent cette recherche de proximité, malgré la hausse des prix des produits qui y sont vendus : le vieillissement de la population, la réduction de la taille moyenne des foyers, l'augmentation des temps de transport, l'augmentation du prix du logement en centre-ville ou encore la fragmentation des achats alimentaires.
Face à ces évolutions, plusieurs enseignes ont su développer de nouveaux formats de proximité afin de réinvestir, entre autres, les centres-villes. Le rapport les détaille. En tout état de cause, ces mutations fragilisent le modèle traditionnel des grandes enseignes et les obligent à trouver de nouveaux leviers de croissance, notamment afin de rentabiliser leur foncier. Il s'agit donc désormais, pour ces commerces, de travailler davantage sur l'ancrage et l'offre de service, et de consacrer une partie de leurs magasins et entrepôts à l'approvisionnement des formats de centre-ville et au développement d'espaces expérimentaux.
La troisième révolution, la plus importante, est celle de l'omnicanalité. Désormais en effet, le consommateur utilise une multiplicité de canaux, physiques et numériques, afin de s'informer sur un produit, de le comparer, de le tester, de l'acheter, de le retirer, ou encore de le retourner au vendeur. L'aspect le plus visible de la numérisation du commerce est, bien entendu, le développement fulgurant du commerce en ligne, qui a augmenté en 2019 de 11,6 % pour atteindre 103,4 milliards d'euros, soit 10 % du commerce de détail. Notons tout de même au passage que cela signifie que 90 % des transactions continuent d'avoir lieu dans les magasins physiques !
À de rares exceptions près, tant les grands acteurs du numérique que l'ensemble des commerçants physiques ne pourront donc envisager de croissance pérenne, voire de survie, sans combiner les avantages du numérique et du physique, ce qui correspond aux nouvelles exigences du consommateur. En effet, plus de la moitié des acheteurs aimeraient vérifier en ligne la disponibilité d'un produit avant de se rendre en magasin. Ce sont ces nouvelles attentes qui expliquent, notamment, que 22 millions de Français aient acheté sur Amazon en 2019 et que ses ventes aient encore augmenté de 37 % au troisième trimestre 2020 en France, alors même que le confinement était terminé.
Le rapport détaille l'ensemble des opportunités que l'omnicanalité emporte pour le consommateur comme pour le commerçant. Il analyse également les défis de logistique urbaine et numérique qui émergent du fait des réapprovisionnements plusieurs fois par jour des magasins et des livraisons ponctuelles, parfois à l'unité, chez le client.
La France oscille entre contraintes contre-productives et accompagnement insuffisant.
C'est la deuxième partie du rapport, qui traite du mal français en termes de réglementations du commerce : trop souvent nos règles sont fondées sur l'espoir que nous puissions étouffer les aspirations des clients d'un coup de norme magique. Il nous semble préférable de réguler le commerce afin d'éviter les excès et d'accompagner nos entreprises à la nouvelle compétition numérique dans laquelle elles sont, en fait, déjà plongées.
La réglementation de l'urbanisme commercial, particulièrement instable, s'est fortement complexifiée et a perdu en clarté, au détriment de la visibilité dont ont besoin les porteurs de projets. Elle est insuffisamment souple, ce qui empêche les évolutions pourtant nécessaires du commerce.
Je souhaiterais m'attarder un instant sur la réglementation des horaires d'ouverture : la grande majorité des commerçants rencontrés s'en sont plaints et ont déploré sa complexité. Aujourd'hui en effet, il existe une distorsion de concurrence importante entre les pure players du numérique et les magasins physiques, en ce qui concerne le dimanche ou le travail en soirée.
Concernant le travail du dimanche, nous ne pensons toutefois pas qu'il s'agisse d'un sujet devant être traité de façon uniforme. Tous les secteurs, en effet, ne souffrent pas de cette distorsion avec la même intensité. C'est pourquoi nous recommandons de laisser la main au ministre de l'économie pour décider, après consultation des organisations syndicales et des fédérations professionnelles, de l'ouverture ou non le dimanche des secteurs d'activité qui en font la demande, notamment ceux en concurrence frontale avec les acteurs du numérique. Un Decathlon ou une boutique André doit, en effet, rester fermé le dimanche, dès lors qu'on ne se situe plus dans une zone touristique ou dans le cadre des douze dimanches du maire. Chacun d'entre vous l'a constaté dans son propre territoire.
Il s'agit donc avant tout d'apporter aux commerçants la souplesse dont ils ont besoin. C'est un débat ancien, mais qui se pose dans des termes nouveaux en raison de l'essor du commerce électronique. N'oublions jamais que le premier service qu'un commerce peut apporter à son client est celui d'être ouvert, a fortiori quand tous les concurrents numériques sont ouverts comme ils le souhaitent.
Concernant le travail de nuit, il existe aujourd'hui une dérogation qui permet aux commerçants situés en zone touristique internationale d'ouvrir jusqu'à minuit, à condition bien entendu qu'un accord collectif soit signé en ce sens. Or il ne nous semble pas cohérent de limiter cette dérogation aux zones touristiques internationales (ZTI). Les clients français ont les mêmes exigences que les touristes : pouvoir trouver des commerces ouverts. Surtout, une telle distinction oublie que, encore une fois, la concurrence avec les spécialistes du numérique comme Amazon, Cdiscount ou eBay, ou avec les entreprises hybrides comme Fnac-Darty, a lieu partout en France. Il faut donc plus de souplesse. Nous recommandons ainsi que cette dérogation s'applique à tous les commerçants de détail, et non uniquement à ceux situés en ZTI.
Bien entendu, un tel travail de soirée serait fortement encadré : premièrement, il ne pourrait avoir lieu qu'en cas d'accord d'entreprise ou de branche, et uniquement si le salarié a donné son accord écrit. Deuxièmement, les heures travaillées seraient rémunérées le double, et le salarié se verrait octroyer un repos compensateur. Troisièmement, le salarié bénéficierait d'un moyen de transport à la charge de l'employeur pour rentrer chez lui, ainsi que de mesures facilitant l'articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Quatrièmement, le refus de travailler le soir ne pourrait être un motif valable de licenciement. Il nous semble que nous introduirions là de fortes garanties et contreparties et que nous parviendrions ainsi à un bon équilibre entre la protection du salarié et la souplesse recherchée par les commerçants.
Je tiens également à préciser que nous estimons que le risque est très faible que cette mesure accentue l'asymétrie entre les petits commerces et les grands. En effet, dans les ZTI actuelles, qui mêlent petites et grandes entreprises, nous ne constatons pas le déclin des plus petits commerces, qui seraient incapables d'ouvrir le soir.
Par ailleurs, le Sénat avait déjà voté cette mesure dans la loi Pacte, à l'époque pour les seuls commerces alimentaires, avant que l'article ne soit censuré par le Conseil constitutionnel pour cavalier législatif.
Par ailleurs, nous avons également étudié la proposition d'un moratoire sur les surfaces commerciales, formulée par la Convention citoyenne pour le climat. La proposition sera davantage expertisée dans le cadre des débats autour du projet de loi, mais il nous semble que cela reviendrait à prendre le risque de reproduire les mêmes erreurs du passé. Il nous semble en effet que cette proposition omet le fait que le commerce évolue avant tout en fonction des attentes des consommateurs.
Bien entendu, il est nécessaire de lutter contre les externalités négatives du commerce en matière environnementale, mais il faut noter que le commerce n'est responsable que d'environ 5 % de l'artificialisation des sols, contre 42 % pour le logement et 30 % pour les infrastructures de transport. On ne pense qu'à celle-là parce qu'elle est très visible à la périphérie des villes, alors que les autres, bien que dix fois plus importantes, sont moins connues.
Un moratoire empêcherait toute évolution de l'offre commerciale rendue pourtant nécessaire par la prise en compte des transformations démographiques, économiques et sociales et il figerait le commerce en l'état et octroierait une rente aux acteurs déjà en place.
Il nous semble donc préférable d'assouplir les règles de modernisation de l'existant, afin d'inciter les porteurs de projets à privilégier cette piste, plutôt qu'interdire purement et simplement toute installation commerciale. Pour cela, nous recommandons notamment de procéder rapidement à une mesure de l'évolution des coûts d'implantation commerciale résultant de l'inflation des règles d'urbanisme commercial. Nous proposons également de confier à la commission de concertation du commerce - 3C - une réflexion sur les évolutions possibles du contenu et de la formulation des critères d'appréciation d'un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale. Il nous paraît également indispensable de clarifier la notion d'artificialisation et de friche, ainsi que d'effectuer un recensement de ces friches, qu'aucun document ne retrace aujourd'hui de façon exhaustive.
Vous le voyez, depuis plusieurs recommandations, ce rapport appelle donc à une véritable prise en compte des enjeux environnementaux du commerce. En cherchant à faciliter le recours aux friches, à simplifier les règles de modernisation de l'existant pour éviter les nouvelles installations, nous souhaitons privilégier un développement durable du commerce, sans le figer pour autant.
Nous recommandons par ailleurs que soit élaborée une charte environnementale du commerce en ligne, qui engagerait ses signataires à mettre en oeuvre un ensemble de mesures de restriction de l'empreinte environnementale de la chaîne de distribution - emballage 3D, optimisation des cargaisons, livraisons 100 % électriques, gestion des invendus, etc. Le respect de cette charte pourrait donner lieu à une notation environnementale de la part d'associations de consommateurs ou de défense de l'environnement. Les acteurs auraient donc un véritable intérêt à accélérer la transition écologique du e-commerce. On a pu mesurer que les acteurs français du e-commerce étaient favorables à cette charte et travaillent sur des éléments le concernant.
Cette même préoccupation nous a conduits également à recommander un renforcement de la sensibilisation des élus locaux à la prise en compte des problématiques logistiques lors de l'élaboration des documents de planification territoriale. Les mutations actuelles du commerce, comme le réinvestissement des centres-villes et l'éclatement des livraisons exigent, par exemple, que les entrepôts, bien entendu de petite taille, ne soient pas situés trop loin des centres. Autrement, le rallongement des trajets aurait un impact environnemental certain, et serait source de congestion des axes routiers. Il faut donc intégrer cette problématique très en amont, et force est de constater qu'elle a longtemps été oubliée, repoussant de plus en plus les entrepôts, ce qui multiplie les allers-retours.
Enfin, alors que la révolution majeure de l'omnicanalité implique pour nos commerçants de s'engager dans la transition numérique, nous n'avons pu que déplorer le fait que nos politiques publiques restent insuffisantes en la matière. C'est d'ailleurs ce qui explique en partie l'insuffisante numérisation de nos commerçants, par rapport à leurs homologues allemands. Alors que 70 % des consommateurs achètent et paient en ligne, seule une PME sur huit fait usage de solutions de vente en ligne en France, et 500 000 sociétés n'ont aucune présence sur internet. Bien qu'une prise de conscience de ce retard par les pouvoirs publics ait lieu, notamment depuis le début de la crise, force est de constater que les réponses doivent encore gagner en intensité. L'urgence est donc à la numérisation des entreprises françaises.
Le rapport formule donc plusieurs recommandations en la matière, dont celle de créer un crédit d'impôt à la formation et aux équipements numériques. Le Sénat avait déjà adopté une telle mesure lors de l'examen de la troisième loi de finances rectificative, mais le Gouvernement ne l'avait pas reprise. C'est fort dommageable, car la simplicité et l'ampleur d'un tel dispositif sont demandées par les professionnels sur le terrain. Nous recommandons également d'améliorer la précision des offres que les professionnels du numérique comme les développeurs web peuvent déposer sur le site France Num, qui sont à destination des PME désirant se numériser. En effet, se numériser ne signifie pas uniquement avoir un site internet. Il y a d'autres étapes : le paiement en ligne, la livraison, connecter les différents stocks entre eux, la cyber sécurité, etc. C'est pourquoi nous recommandons que les offres soient classées selon ces étapes, de même que les différentes aides publiques qui existent. Cela simplifierait grandement la tâche pour les petits commerces.
Enfin, la crise actuelle renforce encore l'urgence d'aider les commerçants à épouser ces nouvelles formes du commerce. La crise sanitaire amplifie et accélère la triple révolution du commerce dont j'ai parlé.
Plusieurs phénomènes accentuent et accélèrent ces mutations, comme l'usage du smartphone qui se développe - on parle maintenant de m-commerce à propos du mobile -, les innovations qui se multiplient, ou encore l'ouverture de nouveaux marchés. En outre, la crise sanitaire et les deux confinements se sont traduits par une chute brutale de l'activité commerciale physique en 2020, qui a représenté - 18 %, et par une hausse du taux de pénétration du commerce en ligne. Les ventes en ligne des enseignes ont ainsi crû de 85 % en décembre 2020 et de 80 % sur l'ensemble de l'année 2020.
Outre le crédit d'impôt à la numérisation et la simplification des aides existantes, il convient donc de renforcer la formation des personnels, tant l'évolution du contenu des métiers est rapide. En effet, une entreprise dispose de deux voies principales pour pourvoir aux nouveaux emplois créés par les mutations du commerce : le recrutement externe ou la mobilité interne, qui implique de faire monter les collaborateurs en compétences et en polyvalence et d'élargir leur périmètre d'action. Devenir webmaster, ce n'est pas être vendeur en magasin. Cela ne fait pas appel aux mêmes compétences. En intensifiant la formation des salariés, ces derniers disposeraient de réelles perspectives d'évolutions, tandis que l'entreprise réduirait les coûts engendrés par les procédures de recrutement.
Par conséquent, le crédit d'impôt proposé s'appliquerait également à la formation des salariés et du dirigeant d'entreprise.
L'équité fiscale et réglementaire est un enjeu majeur des années à venir. Il n'est pas possible de s'intéresser aux nouvelles formes du commerce sans aborder le sujet majeur des distorsions de concurrence qui s'appliquent en matière de fiscalité.
Nous ne nous sommes volontairement pas appesantis sur la problématique de l'optimisation fiscale de certains acteurs, considérant qu'il s'agit là d'un sujet européen. Nous appelons toutefois à davantage de transparence concernant les négociations et débats menés par le Gouvernement sur ce sujet et à une meilleure association du Parlement.
En revanche, nous avons porté notre analyse sur la fiscalité, notamment foncière, qui pèse sur le commerce physique et qui est inadaptée aux évolutions du secteur. Les commerçants traditionnels s'acquittent d'un grand nombre de taxes liées à leur implantation locale, assujettissement qui ne s'applique pas aux pure players et qui leste donc les premiers d'un désavantage compétitif.
La taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) est l'exemple le plus emblématique de la nécessité de lancer un vaste chantier de refonte de la fiscalité du foncier. Outre le fait qu'elle ne frappe que les commerçants disposant d'un magasin physique, ses modalités d'application interrogent aujourd'hui sa cohérence : il existe en effet de multiples dérogations, liées à la date de création, au chiffre d'affaires réalisé par mètre carré, au type de produits vendus, etc. La taxe n'a aujourd'hui plus aucun lien avec ses objectifs initiaux d'aménagement du territoire. Pourtant, elle a augmenté de 600 % en dix ans !
Le rééquilibrage concurrentiel entre le commerce physique et le commerce en ligne ne peut plus attendre : trop peu d'évolutions ont eu lieu, octroyant aux pure players un avantage compétitif qui ne récompense pas une productivité ou une efficacité plus grande, mais qui symbolise plutôt l'obsolescence du système fiscal français qui repose sur le foncier.
C'est pourquoi une vaste réforme de la fiscalité du commerce devrait commencer par la disparition de la Tascom, impôt devenu injuste et déconnecté de la réalité. Bien entendu, les collectivités bénéficieraient d'une compensation intégrale. C'est le sens d'une des recommandations du rapport. Je précise par ailleurs que les collectivités ne bénéficient aujourd'hui d'aucun pouvoir de taux en la matière, seulement de la possibilité de légèrement moduler le montant, sachant par ailleurs que celui-ci a tendance à diminuer du fait de la fermeture de grandes surfaces et qu'il n'existe plus de grands projets de création. Il vaut donc mieux s'en tenir à une compensation.
Le combat n'est plus, depuis plusieurs années, celui des grandes surfaces contre le petit commerce de centre-ville. Aujourd'hui, c'est celui du commerce physique contre les pure players numériques, comme en atteste le fait que tant la grande distribution que les PME sont malmenées par l'essor et les pratiques de certains acteurs. Un chiffre permet de rappeler la différence de situation dans laquelle sont placées ces deux formes de commerce : le profit d'Amazon a triplé en France au dernier trimestre 2020.
Bien que cela ne soit pas l'objet du rapport, il me semble utile et nécessaire de rappeler que la réforme plus vaste de la fiscalité, que nous appelons de nos voeux, devra également réfléchir aux façons de mieux et davantage assujettir l'économie numérique à la fiscalité. Certains concepts et notions semblent dépassés, et permettent à quelques acteurs d'échapper à la règle commune. Le consentement à l'impôt dans notre pays souffre de cet état de fait. Les réflexions à venir devront donc faire converger les deux types de fiscalité, et lutter avec plus de vigueur encore contre les stratégies d'évitement et d'optimisation fiscale de ces acteurs.
Il existe plusieurs pistes aujourd'hui avancées dans le débat public pour moderniser le cadre fiscal applicable à l'économie numérique. Je pense par exemple à la taxation des livraisons, à l'évolution de la définition de l'établissement, à une meilleure taxation des revenus issus de la publicité, etc. Ces différentes pistes devront être expertisées dans des travaux ultérieurs.
Voilà, mes chers collègues, les principaux constats et recommandations du rapport.
Je vous remercie de votre attention.