Merci de votre invitation, je suis très sensible à cette intervention devant la Chambre Haute qui est aussi celle des collectivités locales. Notre volonté réaffirmée est de travailler très étroitement avec les territoires ultramarins et avec leurs élus.
Pour répondre sur la façon dont nous allons déployer de façon encore plus volontariste le PIV outre-mer, je rappellerai d'abord que les partenaires sociaux ont décidé de porter un plan d'investissement de long terme de 9 milliards d'euros. Il comprend des mesures qui s'appliquent à tous les territoires hexagonaux et ultramarins avec une enveloppe spécifique supplémentaire de 1,5 milliard d'euros pour les cinq départements ultramarins sur lesquels nous intervenons. Il n'y a pas de mesure applicable sur l'Hexagone qui ne le soit en outre-mer. Les seules limites sont des contraintes techniques. La situation actuelle ne nous a pas permis pour l'instant de déployer les aides aux personnes physiques sur les territoires de la Guyane et de Mayotte. Il s'agit notamment des mesures d'accompagnement au prêt à taux zéro, afin d'aider les ménages à régulariser leurs constructions et finir leurs logements.
Concernant le sujet de la démolition des logements sociaux, nous disposons d'une enveloppe substantielle pour l'accompagner. Elle concerne les territoires sur lesquels l'offre serait surabondante par rapport à la demande et/ou insuffisamment adaptée, et où le coût de réhabilitation des logements serait beaucoup plus lourd que celui de la construction neuve. Nous avons financé des opérations de démolition sur les territoires ultramarins pour un peu plus de 1 milliard d'euros. Nous allons lancer un deuxième appel à manifestation d'intérêt (AMI) auprès des bailleurs sociaux afin de continuer à les accompagner sur la démolition.
L'important pour nous était de nous rendre sur chacun des territoires et de constater l'état des besoins afin de déployer une enveloppe de 1,5 milliard d'euros.
En Guyane, l'économie est essentiellement liée à la fonction publique et dans une faible proportion au tertiaire avec la forte prédominance du Centre spatial de Kourou. L'agriculture reste à structurer. Les besoins en logements sont très forts : autour de 4 500 à 5 500 logements à construire par an. Beaucoup d'habitats informels se sont développés, faute d'offre de logements. L'enjeu est donc d'accélérer la construction de logements, notamment très sociaux, sur tout le territoire de la Guyane et avec une attention particulière pour accompagner la rénovation des centres-villes et centres-bourgs. Le déploiement dans quelques semaines d'une offre de prêt à taux zéro pour les propriétaires constitue un deuxième axe fort.
En Guadeloupe, on estime à plus de 15 000 le nombre de logements manquants. La production de logements sociaux et très sociaux doit être accélérée. Il faut par ailleurs porter un effort de réhabilitation majeur sur les habitats insalubres. Les contraintes climatiques entraînent une moindre durabilité des logements avec des réhabilitations moyennes tous les cinq et huit ans sur les territoires ultramarins.
À la Martinique, la réhabilitation des centres-villes et centres-bourgs est un sujet majeur. De nombreux bâtiments sont désertés. Cette réhabilitation doit également permettre aux jeunes d'être à proximité des lieux de travail et de faciliter leur accès à l'emploi.
À La Réunion, l'effort de réhabilitation doit être porté sur la résorption de l'habitat insalubre. Nous devons également développer une offre en logements intermédiaires.
À Mayotte, les besoins en logements sociaux sont colossaux. L'évolution des logements informels se poursuit avec une problématique de gestion du foncier. Nous avons discuté avec le préfet, M. Jean-François Colombet, des problématiques d'adduction d'eau et des capacités à éviter la pollution de l'île sur un écosystème fragile. Les Mahorais aspirent à la propriété. Nous souhaitons les accompagner grâce à une offre en accession très sociale à la propriété. Notre offre doit correspondre à un besoin du territoire.
Le PIV spécifique outre-mer a permis, en cette première année de déploiement, d'investir 320 millions d'euros, avec un effet de levier multiplié par trois, correspondant à 950 millions d'euros d'investissements. Cela concerne 185 opérations financées, soit plus de 10 000 logements et plus de 15 fois notre financement habituel sur les territoires ultramarins. L'investissement a été plus poussé sur les territoires de la Guadeloupe et de la Guyane. Nous l'avions lancé sur l'arc Antilles et Guyane et devions l'inaugurer sur les territoires de La Réunion et de Mayotte. Avec la crise du Covid, cela a dû être repoussé.
Ce déploiement doit être effectué en lien étroit avec les collectivités locales. Nous souhaitons travailler de plus en plus dans le cadre de conventions-cadres de territoire avec les grands bassins d'emploi et les grands élus des territoires. Le logement doit s'intégrer dans un processus global d'aménagement du territoire intégrant notamment les problématiques du centre-ville. Sur les 320 millions d'euros d'investissements, 180 millions d'euros ont concerné des centres-villes et des centres-bourgs et notamment les quinze communes labellisées Action Coeur de Ville.
S'agissant des problématiques de coûts de construction et de normes, celle des normes est récurrente. La Fédération régionale du bâtiment de La Réunion porte d'ailleurs actuellement un projet d'évolution des normes. La loi devrait nous laisser les moyens de les adapter localement pour construire mieux et plus vite en tenant compte des coûts de construction et de la capacité à obtenir des produits de construction plus en lien avec les besoins. Les territoires de l'océan Indien par exemple sont plutôt un bassin de construction anglo-saxon. Nous pourrions très bien imaginer utiliser des produits venant d'Australie ou d'Afrique du Sud qui sont certainement d'aussi bonne qualité que les produits certifiés Communauté européenne (CE) ou Afnor (Association française de normalisation). Le sujet de la réglementation est lié à celui des assurances. Elles doivent pouvoir valider la capacité de maintenir les assurances dommages-ouvrage liées à l'utilisation de produits qui ne seraient pas forcément certifiés Afnor et pour lesquels nous aurions une dérogation.
Une enveloppe de 50 millions d'euros sur le montant de 1,5 milliard d'euros est dédiée à l'expérimentation et l'innovation. Nous sommes volontaires pour tester sur un territoire de nouvelles normes ou de nouveaux procédés constructifs. Au lieu de grandes annonces, je préfère que l'on agisse. Si cela ne fonctionne pas, nous réfléchirons alors à restructurer et adapter ces actions.
L'inflation du coût des matières premières a fait grimper les coûts de construction. À La Réunion, le prix de revient moyen d'un logement social frôle les 185 000 euros en raison du coût du foncier. Le travail étroit avec les collectivités locales doit nous permettre de nous projeter dans une vision d'un foncier aménagé sur les territoires.
Par ailleurs, les normes ne sont pas toujours adaptées à la réalité des territoires. À La Réunion, les terrains sont extrêmement pentus. La pente progressive demandée par la réglementation relative aux personnes à mobilité réduite n'est pas toujours compatible avec la pente naturelle du terrain, ce qui renchérit le coût de construction.
La fragilité de l'écosystème local de la construction peut également venir peser sur le coût de construction. Les entrepreneurs majeurs répondent sur les grandes opérations de plus de cinquante logements. Les petites entreprises n'ont pas forcément les moyens financiers et humains pour prendre en charge les chantiers de moindre importance. Beaucoup d'appels d'offres restent infructueux sur ces territoires. L'enveloppe de 50 millions d'euros doit donc concourir à structurer des filières de formation.
Sur les questions des filières locales de production, nous sommes tout à fait prêts à recourir à des matériaux locaux. Nous savons néanmoins qu'il existe un certain nombre de territoires où les matériaux biosourcés ne sont pas suffisamment disponibles pour y avoir massivement recours. Un travail de structuration de filière de production doit être initié, qui permettra de créer des emplois locaux et de développer un habitat plus en lien avec les territoires. Je souhaiterais que nous puissions être force de proposition sur ce type de procédé, comme la construction en brique en terre crue à Mayotte.
Concernant l'habitat vernaculaire, il n'est plus vraiment présent. Les habitats sont plutôt classiques. Je n'identifie pas vraiment sur ces territoires d'habitats spécifiques. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas travailler sur ces sujets. Ce qui me semble important, c'est que l'habitat s'adapte aux conditions et modes de vie des habitants qui sont différents d'un territoire à l'autre.
Concernant les Assises de l'Habitat, nous aurions besoin, à mon sens, de poser les constats de façon collective pour définir des projections sur un échéancier d'aménagement du territoire accompagnant le logement sur cinq, dix et quinze ans. Cela permettrait d'accélérer la production de logements avec une prise en compte des territoires avec leurs spécificités.
Vous m'avez posé des questions sur le deuxième PLOM et sa différence par rapport au premier PLOM. Le deuxième PLOM est certainement beaucoup plus ancré dans la réalité de chacun des territoires. Peut-être doit-il l'être encore davantage avec plus d'interactions avec les élus locaux et un dispositif de pilotage renforcé et séquencé qui intègre bien l'ensemble des sujets évoqués précédemment. Le risque serait de ne pas parvenir à dépenser suffisamment pour intervenir sur ces territoires.
Concernant l'évolution sociologique des territoires, la problématique des jeunes se pose notamment à Mayotte, en Guyane et en Guadeloupe, ainsi que celle d'un vieillissement accéléré sur certains territoires comme La Réunion, mais plus spécialement la Martinique. Nos filiales immobilières intègrent de plus en plus ces sujets d'adaptation du logement au vieillissement. Je souhaite que, dans le cadre d'un avenant au PIV outre-mer, l'axe réhabilitation soit beaucoup plus fortement ancré. Il doit intégrer l'adaptation du logement au vieillissement, mais également porter des engagements de maîtrise de l'évolution des loyers. Nous avons beaucoup discuté de ce sujet avec les élus à La Réunion où nous connaissons l'effet d'exclusion de la réhabilitation.
Sur la problématique du vieillissement, nous avons constitué la filiale Énéal pour porter la réhabilitation et la rénovation d'EHPAD y compris sur des territoires ultramarins. Ces EHPAD peuvent être portés par des communes ou par des structures privées à but non lucratif. Notre objectif est d'injecter les fonds pour réhabiliter ou construire du neuf, mais surtout d'apporter suffisamment de fonds propres pour que l'évolution du prix de la journée soit le plus minime possible.