À la suite de la pandémie de covid-19, la Commission européenne a souhaité renforcer l'action de l'Union dans le domaine de la santé, pour répondre à une crise sanitaire future.
Le rapport que Laurence Harribey et moi vous avions présenté en juillet dernier et dont vous aviez autorisé la publication contenait un certain nombre de propositions en ce domaine. Ce rapport avait été transmis à la Commission européenne, et nous pouvons constater aujourd'hui une convergence de vue sur de nombreux sujets.
Premier point, le programme « santé » de l'Union européenne, inclus dans le cadre financier pluriannuel pour 2021-2027, a été doté d'un budget de 5,1 milliards d'euros. Si la Commission prévoyait initialement un financement à hauteur de 10,397 milliards d'euros, les chefs d'États ou de gouvernement l'avaient réduit à seulement 1,7 milliard d'euros lors du Conseil européen extraordinaire du 21 juillet dernier. Ce n'est qu'à la suite des discussions avec le Parlement européen que ce montant a finalement été porté à 5,1 milliards d'euros, soit dix fois le montant alloué au programme « santé » dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020. Il s'agit donc là d'un vrai progrès !
Ce programme permettra de renforcer les capacités de l'Union en matière de prévention, de préparation et de réaction face aux menaces transfrontières graves pour la santé. Les financements serviront au déploiement de moyens sanitaires d'urgence, à la collecte de données et à la surveillance dans un cadre davantage coordonné et intégré. Il s'agira également de garantir la disponibilité, dans l'Union, de personnel médical, ainsi que de réserves ou de stocks de produits pertinents.
Le programme prévoit également de développer la coopération entre États membres, particulièrement dans les régions frontalières.
Enfin, il financera des mesures structurelles permettant de surmonter les difficultés pointées dans le cadre du semestre européen. Ces fonds pourront ainsi permettre d'améliorer les capacités de réorganisation des établissements de soin en cas d'urgence sanitaire, ainsi que la résilience, l'accessibilité et l'efficacité des systèmes de santé des États membres.
Deuxième point, la Commission a fait des propositions pour sécuriser l'approvisionnement de l'Union en médicaments et dispositifs médicaux, tant en période d'urgence que pour répondre aux difficultés structurelles que connaît l'Union. La proposition de règlement COM(2020) 725 final vise à étendre les compétences de l'Agence européenne des médicaments pour répondre à une urgence de santé publique, de sorte que cette Agence puisse surveiller et atténuer les effets des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux, d'une part, et assurer le développement en temps utile de médicaments sûrs et efficaces, d'autre part. Cette proposition de règlement reprend certaines de nos recommandations notamment :
- pérenniser et renforcer les moyens de l'Agence européenne des médicaments ;
- établir une liste de médicaments critiques ;
- et développer l'implication des fabricants de dispositifs médicaux.
En revanche, la stratégie pharmaceutique pour l'Union, présentée par la Commission le 25 novembre dernier, nous apparaît peu ambitieuse au regard de nos propositions, de celles du Gouvernement français ou du Parlement européen. En effet, l'un des objectifs de cette stratégie est d'assurer la souveraineté sanitaire de l'Union de manière pérenne et de répondre ainsi aux déséquilibres structurels que présente le marché du médicament. Pour cela, la Commission propose de lancer une étude en vue de recenser les causes des pénuries. Cette étude pourrait déboucher sur un renforcement des obligations d'approvisionnement continu de l'industrie. La Commission préconise aussi de diversifier les chaînes de production et d'approvisionnement et de constituer des stocks stratégiques. Elle encourage les États membres à coordonner leurs politiques nationales de prix et de remboursement pour permettre des procédures de passation de marché conjointes.
Pour notre part, nous avons proposé des actions plus interventionnistes pour favoriser la croissance des entreprises du médicament et des dispositifs médicaux, en développant l'investissement et la soutenabilité des filières. Nous recommandons également, tout comme le Parlement européen, de prévoir que la capacité à garantir les approvisionnements soit un critère d'évaluation des soumissionnaires aux marchés publics.
De son côté, le Gouvernement français a approuvé la proposition du Parlement européen qui préconise de créer un ou plusieurs établissements pharmaceutiques européens à but non lucratif, notamment pour la production de médicaments matures et jugés indispensables. En outre, dans sa résolution du 25 novembre 2020 sur la stratégie industrielle de l'Union européenne, le Parlement européen a demandé à la Commission de favoriser la relocalisation de la production de produits de santé.
Le débat reste donc ouvert entre les tenants d'un interventionnisme plus poussé afin d'assurer l'autonomie stratégique de l'Union en matière sanitaire, comme le Parlement européen ou le Gouvernement français, et ceux qui souhaitent simplement une meilleure régulation d'un marché fondamentalement concurrentiel, comme la Commission qui ne semble pas prête à aller dans notre sens pour le moment.
Enfin, troisième point, les dispositions encadrant la réaction de l'Union face aux menaces transfrontières graves pour la santé ont montré leurs limites. Consciente de cette situation, la Commission a présenté deux propositions de règlement pour permettre à l'Union de se préparer à une crise sanitaire et se donner les moyens d'y répondre. Il s'agit de la proposition de règlement COM(2020) 727 du Parlement européen et du Conseil concernant les menaces transfrontières graves pour la santé et de la proposition de règlement COM(2020) 726 du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement instituant le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Dans notre rapport, nous recommandions de renforcer le rôle de ce Centre, notamment ses capacités de surveillance et de traitement des données. Nous recommandions également de favoriser la coordination et la coopération entre États membres, mais dans le respect des compétences des États membres. Or, cette dernière recommandation ne semble pas avoir été complètement entendue, ce qui explique que nous vous présentions aujourd'hui trois propositions de résolutions portant avis motivé. Laurence Harribey va vous les détailler.