Intervention de Richard Yung

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 janvier 2021 à 9h30
Déplacement en guyane — Communication de mm. christian cambon et cédric perrin mme hélène conway-mouret mm. jacques le nay et richard yung

Photo de Richard YungRichard Yung :

Je présente le dernier volet de notre mission, celui de la lutte contre le narcotrafic.

En préambule, je rappellerai que le taux de criminalité de la Guyane est le plus élevé de France, on compte par exemple 144 vols à main armée par an.

La situation est bien connue depuis le rapport de nos collègues Olivier Cigolotti et Antoine Karam, en septembre dernier, sur les passeurs ou « mules » qui ramènent la cocaïne de Guyane vers la métropole. Le rapport s'est surtout intéressé au trafic de cocaïne par voie aérienne.

Les chiffres donnés à Cayenne par le Procureur de la République sont saisissants : la production mondiale de cocaïne en Colombie, au Pérou et en Bolivie a triplé en 10 ans. Les trafiquants ont une stratégie d'inondation des marchés et de saturation des dispositifs de contrôle. La Guyane est la porte d'entrée vers l'Europe.

Le trafic entre Cayenne et Orly est estimé à 4 tonnes par an soit 20 % des entrées de cocaïne en France. Dans chaque vol Cayenne-Paris il y aurait 20 à 30 passeurs, dissimulant en moyenne 2 kg de cocaïne, soit 40 à 60 kg de cocaïne par vol ! Il y a peu de temps, c'est même un militaire de Maripasoula qui a été attrapé à Orly.

Sur 800 comparutions immédiates en Guyane en 2020, 600 concernaient le trafic de drogue.

Comme l'a très bien décrit le rapport Cigolotti-Karam, outre l'enjeu qu'il représente en termes de santé publique, le trafic de cocaïne en provenance de Guyane pose des problèmes d'ordre public. Il gangrène tout le territoire métropolitain, avec une prédilection pour les villes de province, où il alimente la délinquance et l'économie parallèle.

En Guyane, ce trafic est très rentable : acheté 3 500 € le kilo, la cocaïne peut être revendue dix fois plus cher dans l'Hexagone. Les actes de violence liés au trafic se développent. L'Ouest du département est particulièrement touché et le Procureur de la République n'a pas caché le risque d'une dérive mafieuse.

Un détachement de l'office anti-stupéfiant, l'OFAST, a été créé à Cayenne et un plan interministériel a été mis en place. Il a permis une intensification des contrôles et une meilleure coordination entre les acteurs.

Sur le plan judiciaire, les acteurs ont mis en place une procédure simplifiée de plaider coupable et de déferrement, de telle sorte que seuls les récidivistes paraissent en comparution immédiate. 12 officiers de police judiciaire de l'OFAST se concentrent sur le traitement des filières logistiques ; les donneurs d'ordre sont au Suriname. Des arrêtés préfectoraux d'interdiction d'embarquer, procédure inventée à Cayenne, surnommée « arrêtés anti mules » s'est révélée particulièrement efficace (700 arrêtés ont été pris en 2019).

Sur le plan des moyens, en juin dernier, ont été installés à l'aéroport de Cayenne, deux scanners à ondes millimétriques permettant de mieux détecter la cocaïne dissimulée par les passeurs, qui ont permis la saisie de 22 kg de drogue.

Des saisies récentes - 600 kg saisis dans un véhicule en direction du port ; une saisie dans des containers sous un bâtiment ravitaillant le centre spatial - font craindre une massification et une diversification des flux logistiques. Le service des douanes a estimé que la voie postale était également utilisée.

En outre, les filières de soutien logistique sont communes à tous les trafics : drogue, or, migrants, etc. Ce sont les mêmes gangs qui mènent toutes ces activités illégales. Elles concentrent donc les efforts des services de lutte.

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