Nous avons dégagé 7 pistes d'action que je vous présente brièvement.
D'abord les forces armées devraient mieux communiquer sur leur action pour préserver la biodiversité dans la forêt amazonienne. Qui a conscience que la France est une nation amazonienne ? Qui a conscience que nos légionnaires, nos marsouins se battent pour protéger la biodiversité ? Qui sait que sans eux, ce sont des milliers de km2 de forêt primaire équatoriale qui disparaitraient, si l'on en croit ce qui se passe actuellement au Brésil ? Qui sait qu'en Guyane les armées agissent en liaison avec le parc naturel régional et l'ONF ? Un effort de communication me semble indispensable.
Deuxième proposition, il faut adapter le droit aux spécificités guyanaises. La commission des lois a fait le même constat dans un rapport de février 2020 : il faut s'affranchir de rigidités qui résultent de l'application d'un logiciel administratif et normatif hexagonal à une réalité guyanaise totalement différente. Il faut adapter les règles de l'action publique. Quand il n'y a pas de route comme c'est le cas pour les communes de l'intérieur, et qu'il faut une journée pour rallier Cayenne, on comprend bien la difficulté. Des adaptations pourraient être le recours à la visioconférence. De même quand une interpellation a lieu dans la forêt amazonienne, le délai de transfert en pirogue fait courir un risque de procédure eu égard au délai de garde à vue : son point de départ serait retardé. Le procureur de la République est très gêné dans son action. Compte tenu du nombre important de reconnaissance de naissances frauduleuses, des procédures simplifiées sont nécessaires. Enfin, créer un délit minier aggravé quand il s'agit d'un espace naturel protégé permettrait de punir plus sévèrement les orpailleurs. L'article 73 de la Constitution prévoit la possibilité de telles adaptations ; nous allons les transmettre à la commission des lois.
Troisième proposition : évaluer périodiquement le niveau de la menace pesant sur le Centre spatial guyanais. Les moyens de protection sont aujourd'hui adaptés, mais il faut toujours veiller à ce que n'apparaissent pas des « trous dans la raquette ». En haut du spectre : on peut craindre une attaque de type terroriste par un aéronef par exemple ; il est possible de faire venir chasseurs, ravitailleurs, et Awacs en renfort, c'est la configuration renforcée « Bubo », mais en pratique cela n'est pas systématique et ne concerne que les mises en orbite de satellites sensibles.
En bas du spectre : le risque est évidemment la menace « drones ». Une intrusion ou un survol est un risque réputationnel important dans un contexte de concurrence ultra exacerbée des lanceurs spatiaux. Il faut que le Centre de Kourou soit dans une sécurité absolue. Le Centre spatial guyanais est donc responsable de la lutte anti-drones. Je ne dévoilerai pas publiquement leur stratégie et leurs moyens, sauf à dire que les moyens sont en place ou se mettent en place. C'est tout l'enjeu de ce qu'on appelle la protection « multicouche » qui est à la fois vitale et complexe. À notre sens c'est un point essentiel.
Quatrième proposition : étudier des ajustements mineurs liés au milieu équatorial. Nous rentrons avec une « liste de courses » pour le ministère des armées, que je vais transmettre à la ministre, qui est d'importance très variable.
L'ensemble des responsables militaires sur place passent un message et un seul : les FAG sont des forces « heureuses », le format est bien dimensionné, les moyens sont adaptés aux missions. « les FAG vont bien », c'était le mot introductif du général qui les commande, le Général Xavier Buisson, et cela fait plaisir à entendre.
Nous dirions plutôt, quant à nous, que les moyens théoriques sont adaptés aux missions, mais que les moyens réels peuvent progresser. Par exemple :
- Les gendarmes n'ont pas de liaison satellitaire en forêt ; or cela ne coute que 10 000 euros/an ;
- Le système des « pots thermiques », explosifs qui permettent de détruire les installations d'orpaillage, ne sont plus fabriqués il faut les remplacer ;
- L'armée de terre devrait compléter son paquetage « jungle » avec des chaussures Crocs et des réchauds de type « jet boil » mieux adaptés à ce milieu humide ;
- L'absence de tubes de déchargement pour les fusils HK416 fait peser un risque de sécurité au retour de mission.
Nous ferons rapport de ces différents points aux ministres concernés.
Cinquième proposition : développer l'économie touristique
« La Guyane n'attire pas mais elle séduit ». Les militaires, les gendarmes, les fonctionnaires rencontrés sur place disent tous la même chose : c'est le moins demandé des outre-mer, mais la demande de renouvellement ou de prolongation est très élevée.
Le potentiel touristique est sous-exploité ; la Guyane a un problème d'attractivité. Or les ressources sont nombreuses :
- Le tourisme de mémoire autour des iles du Salut et de l'histoire du bagne ;
- Le tourisme « high tech » autour du centre spatial guyanais qui ouvre des visites au public ;
- Le tourisme vert ou écotourisme. La forêt amazonienne est fascinante.
La Guyane pourrait devenir une vitrine française de la gestion durable de la forêt amazonienne qui trancherait avec les réalités voisines. Cela pourrait générer des ressources pour la population du fleuve, jeune, désoeuvrée, cible de trafic en tous genres. Un engagement des collectivités locales et de l'Etat est nécessaire.
Sixième proposition : Faire un effort ponctuel de coopération vis-à-vis du Suriname.