Permettez-moi tout d'abord de rendre hommage au travail de notre collègue Dominique Vérien, qui est à l'initiative de cette proposition de loi. Depuis sa création en 1996, la Fondation du patrimoine est peu à peu devenue l'un des principaux acteurs de la protection du patrimoine, au point de s'imposer comme le partenaire privilégié de l'État et des collectivités territoriales dans ce domaine. Ses missions se sont considérablement étoffées à mesure que s'est renforcé l'engouement des Français pour leur patrimoine et que sa préservation, sa valorisation et sa transmission aux générations futures sont devenues un véritable enjeu de politique publique.
Depuis 2013, la Cour des comptes a formulé plusieurs recommandations pour rendre l'action de la Fondation plus efficace sur l'ensemble des territoires. Cette proposition de loi traduit plusieurs de ces préconisations. Elle vise trois objectifs principaux.
Premièrement, elle tend à réformer les conditions de délivrance du label pour couvrir une diversité de patrimoine plus importante sur une plus large partie du territoire : les parcs et jardins seront désormais éligibles, et la labellisation pourra s'étendre aux immeubles situés dans des communes allant jusqu'à 20 000 habitants. Deuxièmement, elle vise à rendre le conseil d'administration plus opérationnel. Troisièmement, elle a pour objet de donner de nouvelles marges de manoeuvre financières à la Fondation.
Vous le savez, l'ADN de la Fondation, c'est la protection du « petit patrimoine », aussi appelé patrimoine de proximité, celui qui ne bénéficie pas du soutien de l'État parce qu'il n'est pas protégé au titre des monuments historiques, mais qui mérite d'être conservé parce qu'il contribue à donner à nos territoires leur cachet et leur identité. Jean-Pierre Leleux, qui était le rapporteur de cette proposition de loi en première lecture, avait été particulièrement vigilant à ce que cette proposition de loi ne conduise pas la Fondation à s'écarter de son coeur de métier en la poussant à se spécialiser peu à peu dans la rénovation urbaine. Il avait aussi cherché à rapprocher le fonctionnement de la Fondation des règles classiques des fondations reconnues d'utilité publique.
Nos collègues députés ont totalement souscrit à ces orientations. C'est pourquoi j'estime que le texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale constitue, sur le fond, un excellent compromis.
Sur les huit articles que comptait la proposition de loi à l'issue de son examen par le Sénat en première lecture, trois ont été approuvés par les députés sans modification. Il s'agit de l'article 2 relatif à l'extension du label aux parcs et jardins, dont les dispositions avaient été intégrées par le Sénat à l'article 1er lors de son examen en première lecture : les députés ont maintenu sa suppression. L'Assemblée nationale a également adopté dans des termes identiques l'article 4 autorisant la Fondation à bénéficier de dotations en actions ou parts sociales d'entreprises, et l'article 6 retirant à la Fondation ses prérogatives de puissance publique. Ces trois articles ne sont donc plus en discussion au stade de la deuxième lecture.
Deux autres articles ont fait l'objet de modifications exclusivement rédactionnelles. Il s'agit de l'article 3, relatif à la composition du conseil d'administration de la Fondation, et de l'article 6 bis, inséré par le Sénat en première lecture pour faciliter le contrôle par le Parlement de la Fondation dans la perspective de la suppression des sièges attribués à des parlementaires au sein de son conseil d'administration. Ces modifications n'altèrent nullement l'esprit des dispositions adoptées par le Sénat en première lecture et ne soulèvent aucune difficulté particulière.
L'article 1er relatif aux conditions d'octroi du label a été complété par les députés par des dispositions qui s'inscrivent dans la droite ligne des préoccupations exprimées par le Sénat en première lecture. Soucieuse que la Fondation ne délaisse pas sa mission en matière de défense du patrimoine de proximité, l'Assemblée nationale a jugé utile de préciser que seule la labellisation des immeubles non habitables « caractéristiques du patrimoine rural » échappait à toute condition de périmètre géographique. Elle a souhaité également étendre le bénéfice des avantages fiscaux associés au label aux propriétaires qui s'engageraient à rendre leur bien accessible au public lorsque celui-ci ne serait pas visible de la voie publique. Il n'y a pas lieu, à mon sens, de revenir sur ces modifications.
Les députés ont également inséré un nouvel article, l'article 1er bis, qui vise à remplacer dans l'un des articles du chapitre du code du patrimoine consacré à la Fondation une terminologie obsolète faisant référence aux immeubles inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Sur le fond, l'appellation « inventaire supplémentaire » ayant été abandonnée depuis 2005, cette modification est tout à fait heureuse.
L'article 7, qui mettait en place un gage pour compenser les conséquences financières susceptibles de résulter pour l'État de l'extension des conditions d'octroi du label, a été supprimé par les députés après avoir obtenu l'accord du Gouvernement pour lever ce gage. Cette suppression manifeste l'adhésion du Gouvernement aux objectifs visés par la présente proposition de loi. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Reste la question de l'article 5, qui a été supprimé par les députés en raison du risque d'inconstitutionnalité qu'il soulève. Cet article mettait en place un mécanisme à portée rétroactive facilitant la réaffectation, par la Fondation, à un autre projet, des dons devenus sans objet, soit parce que le projet pour lequel ils avaient été récoltés serait devenu caduc, soit parce qu'il aurait déjà été intégralement financé. Il constituait un enjeu important pour la Fondation, qui espérait ainsi pouvoir réinjecter dans différents projets quelque 10 millions d'euros qui sont immobilisés dans ses caisses faute d'avoir obtenu l'accord du porteur de projet pour leur réaffectation.
Le Sénat était parfaitement conscient des fragilités juridiques de ce dispositif et la suppression de cet article par les députés n'est donc pas vraiment une surprise. Jean-Pierre Leleux espérait que le Gouvernement serait en mesure de proposer une rédaction alternative au moment de l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale, mais il semble que la Chancellerie ait estimé qu'aucune solution législative n'était possible.
En effet, l'intérêt de ce dispositif pour la Fondation réside exclusivement dans sa portée rétroactive. Depuis 2014, les conventions qu'elle signe avec les porteurs de projet avant de lancer une souscription à leur bénéfice comportent des clauses prévoyant des possibilités de réaffectation des dons ainsi que leurs modalités. Quant aux donateurs, ils ont toujours consenti à la réaffectation de leurs dons, une mention en ce sens figurant sur les bulletins de souscription émis par la Fondation. L'objet de l'article 5 était donc avant tout de faciliter la gestion du « stock » de dons qu'elle ne peut pas utiliser. À partir du moment où il est impossible de mettre en place un mécanisme à portée rétroactive, l'article perd tout son sens. C'est pourquoi je vous propose d'en maintenir la suppression.
Nos discussions autour de cet article n'auront toutefois pas été vaines puisque la Fondation m'a indiqué qu'un de ses bénévoles s'était porté volontaire pour contacter tous les porteurs de projet dont les dons devaient être réaffectés afin de se mettre d'accord avec eux sur le projet qui pourrait leur convenir. La Fondation a bon espoir que la situation se règle à plus ou moins long terme.
C'est une excellente nouvelle, car même si le texte de notre collègue Dominique Vérien est antérieur à la crise sanitaire ces sommes, comme l'extension des conditions de délivrance du label, devraient être particulièrement utiles pour permettre à la Fondation du patrimoine de participer plus efficacement à la relance du secteur des patrimoines. Il est important pour les entreprises de restauration du patrimoine situées sur l'ensemble de nos territoires de retrouver de l'activité pour surmonter les pertes qu'elles ont enregistrées l'an passé. Les souscriptions et le label de la Fondation peuvent être des instruments de la relance, en complément des crédits consacrés par l'État aux monuments historiques dans le cadre du budget. Il s'agit donc d'une étape importante pour la Fondation.
Malheureusement, nous ne serons pas en mesure d'adopter définitivement cette proposition de loi à ce stade. Il y manque quelques coordinations légistiques, pour lesquelles je vous proposerai dans quelques instants des amendements. L'article 1er est devenu sans objet dans la mesure où ses dispositions ont été intégrées à la troisième loi de finances rectificative en juillet dernier et sont déjà entrées en vigueur. Il nous faut donc le supprimer. De même, l'article 1er bis n'a remplacé qu'une seule des deux références à l'« inventaire supplémentaire des monuments historiques » dans l'article L. 143-2-1 du code du patrimoine et il nous faut donc y revenir pour garantir la cohérence de la rédaction de cet article.
J'espère que vous souscrirez à ces modifications formelles qui retardent certes l'adoption de ce texte, mais font partie de notre rôle de législateur, garant de l'intelligibilité de la loi.