chargée de mission outre-mer auprès du directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages à la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). - Le recours à l'auto-construction encadrée et à l'auto-réhabilitation encadrée comme levier pour participer à la résorption de l'habitat insalubre et informel a été identifié dans le cadre du PLOM comme faisant partie du panel des solutions à apporter. À la fin des années 80 et dans les années 90 beaucoup d'opérations d'habitat individuel ont été menées avec succès à Mayotte et à La Réunion, mais également aux Antilles après le passage du cyclone Hugo. En revanche, au fil des ans, ce type d'opérations est tombé en désuétude. Aujourd'hui, nous nous interrogeons sur le degré d'assouplissement des normes qui pourrait être nécessaire pour mettre en place une auto-construction encadrée, sur le niveau de l'encadrement et la part d'intervention qui doit être laissée à l'occupant. Ces mesures ont une grande influence sur la réussite des opérations et leur tenue dans le temps. Les expérimentations en cours tentent de répondre à ces contraintes, mais elles sont pour l'instant peu nombreuses. Aujourd'hui, on peut signaler qu'en Guyane L'établissement public foncier et d'aménagement de la Guyane (EPFA Guyane - ex EPAG) a annoncé récemment un appel à compétences pour recruter des opérateurs qui accompagneraient des habitants dans la construction de modules simples. L'objectif affiché, pour donner un ordre de grandeur, serait une centaine de logements par an, à mettre en relation avec la réalisation de 2 000 à 3 000 logements sociaux par an, qui est le régime de croisière en Guyane. À Mayotte, une réalisation plus significative peut être relevée : à Majicavo 30 logements sont en cours de réalisation sur un terrain appartenant à l'État. Ce n'est pas à proprement parler de l'auto-construction totale mais plutôt un principe d'auto-finition encadrée. Nous essayons d'introduire cette nouvelle notion dans la mesure où les constructions arrivent sous forme de modules pré-industrialisés qui sont montés par des artisans locaux formés à cette occasion. Les fondations sont réalisées également par ces artisans. L'habitant intervient par la suite, avec un encadrement, pour finir son logement. Nous nous sommes rendu compte qu'il est préférable de faire réaliser le gros oeuvre et la toiture, ainsi que les éléments qui sont soumis à des contraintes fortes comme le risque cyclonique ou sismique, par une entreprise. Cette façon de procéder fait suite également à la prise en compte du fait que l'auto-construction totale est un processus très long.
Plus récemment, au Vieux-Pont, en Martinique, 2 ou 3 maisons ont été réalisées en auto-construction encadrée mais la procédure a également été relativement longue.
À l'inverse, les expériences d'auto-réhabilitation sont plus nombreuses. Elles se pratiquent dans le cadre des opérations groupée d'amélioration légère (OGRAL) qui ont été introduites par la loi Letchimy qui pose le principe de réhabilitations légères avec un encadrement. L'association des Compagnons bâtisseurs encadre l'OGRAL de Maripasoula en Guyane que nous avons eu récemment l'occasion de visiter. Plusieurs communes sont engagées dans ces OGRAL, notamment à La Réunion dans des zones rurales sur la commune de Saint-Paul, ou sur la commune de Petite-Île, par exemple,
Pour poursuivre sur les initiatives qui permettraient de développer une architecture s'appuyant sur l'habitat vernaculaire et les styles architecturaux locaux, on peut citer un programme du Plan urbanisme construction architecture (PUCA) qui s'intitule « opération d'habitat renouvelé en outre-mer » et qui est expérimenté en Martinique sur la commune du Prêcheur. Ce programme vise à démontrer la possibilité d'innover durablement en renouant avec le mode de vie locale et les fondamentaux de l'architecture locale. L'objectif est de privilégier des habitats qui offrent une grande perméabilité entre l'intérieur et l'extérieur du domicile et de protéger les occupants lors d'événements extrêmes comme les cyclones ou les séismes. Pour la commune du Prêcheur il y a aussi le phénomène des lahars à prendre en compte. Cet habitat doit répondre à une exigence de résilience. L'expérimentation va commencer cette année. Il y a d'abord eu une phase de sélection de candidatures dans le cas d'un partenariat étroit associant la ville du Prêcheur, l'Agence des cinquante pas et le PUCA. Un prototype en bambou a été sélectionné parmi les prototypes. Le bambou constitue un matériau biosourcé, facilement renouvelable avec une excellente empreinte environnementale. Un autre prototype va être réalisé en gabions.
Sur la question des tiny houses et d'un habitat plus léger, nous travaillons également avec le PUCA sur un 2ème appel à projets plus large - appelé « un toit pour les plus démunis en outre-mer » - puisqu'il devrait concerner l'ensemble des cinq DROM. Il vise à développer une offre de petits logements à coût abordable et, potentiellement, des logements plus légers en termes de conception architecturale, beaucoup moins coûteux grâce aux techniques employées. Ces logements auraient vocation à accueillir soit des structures d'hébergement, du logement locatif social classique ou du logement locatif très social adapté. Il sera demandé de proposer soit des constructions pré-industrialisées sur le modèle de ce que j'ai présenté sur Majicavo à Mayotte, soit d'autres projets qui peuvent être mis en place relativement facilement. Pour cela, vous avez raison, Monsieur le sénateur, il faudra revoir certaines normes. Si des logements plus petits que les standards actuels sont développés pour le logement social, des règles seront peut-être à revoir. Ainsi, pour ces logements, et à titre expérimental en matière d'accessibilité, si les bâtiments ont peu d'étages, il pourrait être envisagé de revoir l'obligation d'ascenseur à partir du R + 2. Il faudra peut-être également revoir et simplifier les règles en matière d'acoustique et de thermique.
Les architectes qui travaillent sur l'opération de Mayotte sont aussi des chercheurs. Ils sont en train de concevoir des solutions techniques de type « vélum », utilisées dans la marine, qui seraient tenues par des filins en acier pour tenir au vent. Ces structures seraient plutôt destinées à des structures d'hébergement.
Vous avez évoqué la nécessité de mettre en place des Assises de la construction ultramarine. Cette remarque nous semble tout à fait pertinente et nous la retenons. Nous serions effectivement favorables au développement d'un échange sur les initiatives et expériences à l'échelle des régions ultramarines au sens large, pour la construction en secteur tropical.