Intervention de Jean-François Rapin

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 février 2021 à 9h00
Institutions européennes — Suivi des résolutions européennes du sénat - Audition de M. Clément Beaune secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, président :

Nous accueillons aujourd'hui le secrétaire d'État chargé des affaires européennes pour un exercice désormais rituel : chaque année, nous sollicitons l'audition du ministre en charge de ce portefeuille assurer un suivi des résolutions européennes adoptées par le Sénat durant l'année parlementaire écoulée. C'est un moment important pour notre commission, qui contribue au contrôle parlementaire sur l'action du Gouvernement en matière européenne. Et cette audition contribuera à alimenter le rapport que je proposerai bientôt à la commission pour présenter publiquement ce bilan.

Comme chaque année, nous nous proposons donc de faire avec vous, Monsieur le Ministre, un point sur le sort qu'ont connu les résolutions européennes qui sont l'instrument prévu à l'article 88-4 de la Constitution pour permettre au Sénat d'indiquer au Gouvernement les orientations qu'il souhaite voir défendues dans les négociations au Conseil sur les projets de texte européens, avant que ces textes ne soient définitivement adoptés.

Ce sont 852 textes européens qui ont été soumis à notre commission des affaires européennes au cours de l'année parlementaire 2019-2020. L'examen de ces textes, qui n'ont pas tous une portée politique, a donné lieu à dix-sept résolutions européennes du Sénat. Le temps nous manquera pour toutes les évoquer aujourd'hui. Aussi, nous nous focaliserons sur une partie d'entre elles. Je vous suis reconnaissant, Monsieur le Ministre, d'avoir accepté d'entrer avec notre commission dans ce dialogue approfondi, déjà en partie alimenté par les fiches de suivi des résolutions, fiches que je remercie le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) d'avoir établies.

Je vous propose de structurer notre échange en deux temps. D'abord, un débat général sur trois résolutions européennes, que je vais commencer par évoquer avant que vous n'apportiez, au nom du Gouvernement, des éléments de réponse sur les sujets qu'elles abordent. Il s'agit du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, de la réforme de la politique agricole commune (PAC) et de la modernisation de la politique européenne de la concurrence. Les rapporteurs concernés pourront ensuite vous interroger s'ils souhaitent des compléments. Dans un second temps, nous aurons un débat plus interactif, grâce à des questions et réponses, qui vous permettra, Monsieur le Ministre, de répondre aux rapporteurs qui vous interrogeront sur quatre autres résolutions, respectivement relatives au Fonds européen de défense (FEDef), à la lutte contre la fraude sociale transfrontalière, à l'évaluation des technologies de santé et à la lutte contre la cybercriminalité.

La première résolution que nous souhaitons aborder concerne le texte relatif au CFP 2021-2027. Elle a été présentée par mon prédécesseur Jean Bizet et notre ancien collègue Simon Sutour en juin 2020, juste après la publication par la Commission européenne de sa nouvelle proposition de CFP qui doublait quasiment la mise et proposait un instrument de relance de 750 milliards d'euros, financé par un endettement commun, pour répondre à la pandémie. Le Sénat a ainsi marqué son soutien de principe à cette réponse d'inspiration franco-allemande, tout en s'inquiétant de son financement. Le Conseil européen du 21 juillet 2020 a validé son architecture globale et s'est accordé sur les grandes lignes du budget et du plan de relance. Je ne reviendrai pas sur les inévitables compromis qu'a impliqués la négociation, même si nous regrettons fortement que les rabais n'aient pu être supprimés à la faveur du départ du Royaume-Uni... Mon collègue Patrice Joly, qui est désormais rapporteur avec moi sur ce sujet, vous interrogera certainement. Pour ma part, je souhaite simplement vous demander comment le Gouvernement entend se positionner dans la négociation en cours sur l'attribution des fonds de la réserve d'ajustement Brexit : cette ligne de près de 5 milliards d'euros, dont la répartition est actuellement débattue, est destinée à compenser les effets du Brexit, et nombreux sont ceux qui veulent leur part du gâteau !

La deuxième résolution européenne que nous souhaitons évoquer est relative à la réforme de la PAC. Sur ce sujet, le Sénat a adopté trois résolutions européennes depuis que la Commission a publié, en 2018, sa proposition, la dernière de ces résolutions datant de juin 2020. La négociation a bien avancé depuis : l'enveloppe financière a été arrêtée, les ministres de l'agriculture ont trouvé un accord en octobre 2020 sur les orientations de la prochaine réforme, et le Parlement européen a adopté dans la foulée les trois projets de règlement, largement amendés, ouvrant la voie aux négociations en trilogue. Pourtant nous restons sur notre faim : de nombreuses interrogations et ambiguïtés demeurent à ce stade, en particulier sur l'articulation entre la future PAC 2021-2027 et la transition verte, avec le fameux Green Deal. Nous attendons toujours que la Commission publie les études d'impact des stratégies intitulées « Biodiversité » et « De la ferme à la table ». Nous savons que le ministère américain de l'agriculture estime leur impact à une réduction de 12 % de la production agricole de l'Union européenne à l'horizon 2030. Que deviendrait, dans un tel contexte, l'objectif de souveraineté alimentaire européenne ? Monsieur le Ministre, nos résolutions n'ont-elles pas suffisamment alerté le Gouvernement sur ce point ?

Enfin, je vous propose d'évoquer en première partie la modernisation de la politique européenne de concurrence. Sur ce sujet, le Sénat a adopté une résolution ambitieuse en juillet 2020, fondée sur le rapport d'information très documenté de nos collègues Alain Chatillon et Olivier Henno au nom du groupe de travail sur la stratégie industrielle commun aux commissions des affaires économiques et des affaires européennes. Le Sénat appelait à une réforme d'ampleur de la politique européenne de cette politique. La large consultation ouverte par la Commission sur ce sujet nous avait donné l'espoir qu'une évolution profonde pouvait s'envisager. Depuis, nous assistons à certaines avancées, la révision de lignes directrices et d'interprétations, l'annonce d'assouplissements dans la mise en application des règles européennes de concurrence ainsi que des propositions d'encadrement plus substantielles, mais limitées au seul champ du numérique. Nous craignons toutefois qu'une véritable modernisation d'ensemble de la politique de concurrence, y compris ex ante, n'intervienne finalement jamais : nous savons combien cet exercice est difficile dans la mesure où la modernisation des règles de concurrence exigerait l'unanimité des États membres. Pouvez-vous nous dire si cette réforme est toujours à l'agenda et si la France reste mobilisée en ce sens ?

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