Nous avions beaucoup complexifié le dispositif national de versement des aides, « erreur de jeunesse », sans doute. La Commission propose un nouveau modèle de mise en oeuvre de la PAC. Nous devons nous en saisir de manière efficace et profiter des marges de manoeuvre que nous laisse le règlement financier européen pour définir des circuits de financement plus rapides. Les retards de versement valent aussi pour les fonds de cohésion, comme nous l'avons constaté en 2017.
Trois accords commerciaux sont en négociation, si l'on met à part le CETA qui est d'application provisoire. Notre position est très claire sur le Mercosur, dans la mesure où les engagements en matière de biodiversité, de standards alimentaires, sanitaires et environnementaux, et le respect général de l'accord de Paris ne sont pas assurés.
Quant aux projets d'accord avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, il n'y a aucune urgence à les conclure, dès lors qu'ils ouvrent une concurrence potentielle dans les filières du lait et de l'élevage : nous ne les sacrifierons pas à l'aune d'une « religion de l'accord commercial ».
L'accord sur le Brexit a été l'occasion de mettre en place pour la première fois des règles de concurrence équitable, qui prévoient de vérifier le respect de nos standards en matière agricole, environnementale et industrielle, ainsi que pour les aides d'État, ce qui est inédit. Une boîte à outils supplémentaire est désormais à notre disposition, que nous pourrons utiliser dans le cadre d'autres accords commerciaux. Par exemple, nous devons considérer le respect de l'accord de Paris comme une clause essentielle de toute négociation.
Sans fermer la porte à tout accord commercial, nous devons réformer en profondeur le modèle européen, encore trop imprégné de sa logique d'origine, celle de l'ouverture à tout prix et de la baisse des droits de douane la plus rapide possible. Les discussions en cours sur le Mercosur et le Brexit sont l'occasion de relever notre niveau d'exigence.
En ce qui concerne les ressources propres, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières changerait profondément notre modèle commercial, en obligeant tout exportateur vers l'Union européenne à respecter nos standards en matière climatique et environnementale, ou à payer pour se mettre au niveau de nos ambitions.
Cette taxe carbone, qui en réalité n'est pas une taxe, reste cependant difficile à créer sur le plan juridique et technique. Avec le ministère de l'écologie, nous travaillons sur un système en miroir d'échange de quotas, dans lequel les pays exportateurs vers l'Union européenne devront acheter des quotas carbone pour se mettre au même niveau d'exigence que nos propres producteurs. Nous restons convaincus qu'il est possible de rendre ce système juridiquement compatible avec les règles de l'OMC, en raison de sa finalité environnementale. La Commission européenne fera une proposition juridique en ce sens, d'ici la fin du semestre.
De mon point de vue, pour lever les doutes juridiques ou opérationnels qui subsistent, il faudrait commencer par appliquer ce système à quelques secteurs comme le ciment, l'acier, les fertilisants ou l'aluminium, où les processus de production sont suffisamment harmonisés au niveau mondial pour que l'on puisse évaluer facilement le prix du carbone.
Enfin, nous espérons que la présidence française de l'Union européenne servira d'accélérateur et verra l'aboutissement des mécanismes de ressources propres, qu'il s'agisse du carbone ou du numérique. Il s'agit d'une ambition commune que le Parlement et le Conseil de l'Union européenne se sont engagés à faire aboutir avant la fin de 2022.