Après l'audition la semaine dernière de la Présidente-Directrice générale de France Médias Monde, Mme Marie-Christine Saragosse, nous vous présentons aujourd'hui notre proposition d'avis sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde, qui définit les orientations de notre principal opérateur de l'audiovisuel public extérieur pour les deux prochaines années.
En effet, ce projet de COM a été transmis au Sénat juste avant la suspension des travaux parlementaires et, selon l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 sur l'audiovisuel, le Parlement dispose de 6 semaines à compter de sa transmission pour formuler, s'il le souhaite, un avis sur ce document. S'il nous paraît important que la commission prenne position à ce sujet, nous regrettons la transmission tardive de ce projet, en cours d'élaboration depuis des mois et qui porte sur une période déjà entamée (2020-2022) !
C'est d'autant plus regrettable que ce nouveau COM est conclu pour une durée plus courte que les précédents (trois ans). Le gouvernement a souhaité, en effet, que sa durée soit en phase avec la trajectoire financière à l'horizon 2022 arrêtée en juillet 2018.
Cette trajectoire, on s'en souvient, a imposé un important plan d'économies au secteur de l'audiovisuel public et avait remis en cause de facto la validité du précédent COM de France Médias Monde et des autres opérateurs de l'audiovisuel public.
Nous prenons acte de la volonté de cohérence et de sincérité que manifeste cet alignement de la durée du COM sur la trajectoire financière 2018-2022.
Toutefois, comme l'a souligné la Présidente-Directrice générale de France Médias Monde lors de son audition, la question de l'après-2022 reste entière en ce qui concerne le financement. En effet, une incertitude plane sur l'avenir de la contribution à l'audiovisuel public, dite « redevance télé » qui, avec la fin annoncée de la taxe d'habitation, va être privée de son support de collecte. Pour l'instant, rien n'est décidé, mais le risque à nos yeux est que cette recette fiscale affectée, gage de sécurité et d'indépendance pour les opérateurs de l'audiovisuel public, soit remplacée à terme par une simple contribution budgétaire. C'est une réelle inquiétude pour France Médias Monde, que nous partageons. D'autant que les perspectives d'évolution des ressources propres, sur lesquelles le projet de COM met l'accent, demeurent incertaines, qu'il s'agisse des recettes publicitaires ou des apports des bailleurs de fond. Le dynamisme des recettes publicitaires est en effet affecté par la conjoncture actuelle et freiné par l'important morcellement du marché publicitaire au plan international. Quant aux contributions des bailleurs de fonds - comme l'Agence française de Développement (AFD), qui appuie la diffusion en langues régionales en Afrique, et l'Union européenne (qui va cofinancer le projet de plateforme numérique ENTR), elles sont évidemment très précieuses, mais la difficulté est qu'elles sont attribuées pour des durées limitées et doivent sans cesse être renégociées.
Au final, la question de la sécurité et de la pérennité des financements est le sujet crucial que ce projet de COM laisse pendante.
Outre sa durée plus courte, l'autre particularité de ce projet de COM est qu'il comporte une feuille de route commune et des objectifs communs avec ceux des autres opérateurs de l'audiovisuel public. Tous ces COM, qui couvrent la même période (2020-2022), s'inscrivent en effet dans la politique de transformation du secteur de l'audiovisuel public à l'ère numérique lancée par le gouvernement en 2018 dans le but - je cite l'avant-propos du COM - de « proposer un service public à haute valeur ajoutée et pleinement adapté à l'évolution des usages ».
La feuille de route énonce des priorités communes à l'ensemble des opérateurs publics, comme le soutien au secteur de la culture et de la création, le développement de l'offre destinée à la jeunesse ou encore - nous nous en réjouissons - la place donnée aux enjeux européens et au contexte international. Cette partie du COM mentionne le rôle de l'audiovisuel extérieur comme « relais essentiel du rayonnement international de la France » et indique que ses missions « font écho aux priorités de la politique extérieure française » (développement, stabilisation des zones de crise...), ce qui nous paraît un point très important. L'action et le positionnement de FMM nous paraissent ainsi explicitement consacrés.
Les objectifs communs à tous les acteurs de l'audiovisuel public sont au nombre de cinq : proposer une offre de service public s'adressant à tous les publics, développer des synergies et des partenariats entre opérateurs du secteur, réduire les coûts de structure, assurer la maîtrise de la masse salariale et faire preuve d'exemplarité en tant qu'entreprise de médias dans le champ de la responsabilité sociale et environnementale. Si ces objectifs communs ne paraissent pas soulever de problèmes particuliers, ils appellent cependant deux remarques de notre part :
- les synergies et partenariats sont évidemment des démarches positives. Ils peuvent, en effet, favoriser un enrichissement mutuel, en particulier au plan éditorial, et générer des économies d'échelle. Si le projet de COM prévoit légitimement la poursuite de coopérations structurantes engagées de longue date comme franceinfo, Culture Prime ou l'offre éducative Lumni, ainsi que le développement de mutualisations dans les fonctions support (achats, formations, sécurité informatique...), on peut s'interroger, en revanche, sur l'ambition de lancer autant de partenariats (près d'une vingtaine figurent sur la liste annexée au projet de COM) dont certains sont très vagues (par exemple « proposer des actions communes pour mieux promouvoir et faire connaître les offres de l'audiovisuel public »). Sans parler des projets de pactes « culture », « jeunesse », « visibilité des outre-mer »... Il faut prendre garde au risque d'une dispersion des efforts et des énergies, au détriment des missions fondamentales que l'opérateur doit assurer, et alors que ses moyens sont limités.
- Notre deuxième remarque concerne les objectifs de diminution des coûts de structure et de maîtrise de la masse salariale. A ce sujet, il importe de souligner les économies déjà réalisées par FMM (réduction des coûts de diffusion, renégociation de certains gros contrats de bail immobilier ou de prestations) ainsi que le plan de départs volontaires portant sur 30 personnes qui sera mis en oeuvre cette année. Je veux aussi insister sur le fait que cet opérateur n'achète pas de programmes, mais les produit en interne grâce aux journalistes qu'il emploie et qui représentent 70 % de ses personnels. Par ailleurs, la possibilité de réduire la masse salariale rencontre des limites, liées notamment à sa structure (primes d'ancienneté qui génèrent une augmentation automatique) et à la nécessité de financer de nouveaux emplois, notamment dans les fonctions administratives et le numérique.
Je passe la parole à mon collègue Jean-Noël Guérini qui va maintenant évoquer les objectifs spécifiques du COM de France Médias Monde.