Sur l'IAE, les travaux disponibles ont une approche économique. Un rapport de la Cour des comptes de 2019 a confirmé, dans un travail approfondi, que l'IAE était une politique à renforcer et à améliorer. Elle a analysé les coûts de l'IAE par rapport aux impacts en termes de retour à l'emploi durable et donc de lutte contre la précarisation. Le rapport Borello a été la préfiguration de politiques que j'ai mises en oeuvre auprès de Muriel Pénicaud, puis d'Élisabeth Borne. Puis les travaux que l'on a conduits avec le Conseil de l'inclusion dans l'emploi ont abouti au Pacte d'ambition pour l'IAE qui traduit notre analyse de l'IAE en un plan d'action partagé avec l'ensemble des parties prenantes, les réseaux, les associations, les services publics de l'État, les entreprises et les élus locaux. Une bonne articulation de ces acteurs est nécessaire pour que cela fonctionne bien. La conclusion bienveillante de la Cour des comptes sur l'IAE est due en partie au constat qu'il s'agit d'un outil de retour à l'emploi destiné à des demandeurs d'emploi souvent de longue durée, bénéficiaires de minima sociaux, qui disposent de très faibles revenus, et que ce dispositif avait fait ses preuves. Elle avait également souligné, tout en notant que le bilan devait être renforcé, que l'IAE touchait aussi à l'accès à la qualification. Nous investissons beaucoup dans ce domaine avec le Pacte pour l'IAE et les parcours d'insertion permettent de développer des compétences et des qualifications. Ce bagage en termes de qualification, qui fait que les populations restent ou sortent durablement des situations de précarité, doit être amélioré. Nous avons mis, dans le cadre du PIC, 72 millions d'euros par an fléchés sur les personnes en situation d'IAE. Il a aussi fallu renforcer le volet professionnalisant : le décret sur le contrat de professionnalisation-inclusion vient de paraître. Nous avons aussi mis en place un certain nombre de mesures de soutien, notamment pour les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ) et pour les actions de formation en situation de travail (AFEST). Nous avons enfin accompagné l'accès aux compétences de base et la lutte contre l'illectronisme.
Je vous propose une réponse à trois niveaux sur l'IAE. Par définition, il s'agit d'une amélioration immédiate de la situation des personnes, qui se retrouvent salariées. Il y a également une amélioration de leur situation sociale globale portant sur des questions de santé, de logement, d'accès au droit, etc. qui contribue à leur déprécarisation. Enfin, l'objectif affiché et partagé de l'accès à l'emploi durable est atteint.
Les contrats aidés sont très variés et peuvent relever de logiques différentes. Les parcours emploi-compétence (PEC), dont le nombre a été réduit à environ 90 000, ont été renforcés en s'appuyant sur le triptyque mise en situation de travail/accompagnement/formation. Le PEC répond à cette aspiration de renforcer la qualité des contrats aidés. Dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », l'objectif est de doubler le nombre de personnes en PEC. Nous avons aussi réactivé les contrats initiative emploi (CIE) avec comme objectif d'en créer 50 000 en 2021. Les taux de retour à l'emploi sur les CIE sont à plus de 70 %. C'est un outil qui a fait ses preuves.
J'interviens enfin en appui au service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE). Aujourd'hui, il n'y a aucun organisme capable de connaître l'exhaustivité des besoins d'accompagnement sur un même territoire. Le département connaît les besoins des personnes de son territoire en matière de RSA, Pôle emploi et les missions locales ceux des demandeurs d'emploi. C'est pourquoi on a inventé le terme d' « invisibles ». L'enjeu avec le SPIE est de s'assurer que l'on connaît toutes les personnes sur un territoire pour conduire une politique d'éradication de la précarité et d'accompagnement des personnes. Cela renvoie à ce que l'on a lancé avec notre plateforme de l'inclusion qui nous permet progressivement d'avoir tous les travailleurs sociaux, toutes les agences Pôle emploi, toutes les missions locales, un certain nombre de centres communaux d'action sociale (CCAS), d'associations caritatives, le service public d'administration pénitentiaire, tous les acteurs qui, de près ou de loin, sont en contact avec des personnes éloignées de l'emploi et qui peuvent orienter les personnes vers la plateforme de l'inclusion. Progressivement, on va réussir à identifier sur un même territoire toutes les personnes qui croisent un travailleur social quelle que soit leur situation, et à leur donner la faculté de s'orienter vers une solution d'emploi inclusif. Quelque 10 000 personnes sont arrivées sur la plateforme en une semaine et ce nombre s'accroit de 7 à 8 % par semaine. L'objectif est de tendre vers l'exhaustivité. Ensuite, il faudra assurer la logique du SPIE, le parcours sans discontinuité. Aujourd'hui, je traite l'emploi mais pas la santé, la santé mais pas le logement, etc. Or, on sait très bien que c'est dans l'accompagnement global que l'on peut avoir une action efficace dans la lutte contre la précarité. Le SPIE doit pouvoir combattre cette discontinuité et y répondre. Nous luttons aussi contre la discontinuité dans les accompagnements avec des diagnostics partagés sur un territoire. Cela renvoie au rapport de Frédéric Bierry sur la question de l'implication. Quelle est la nature de la contractualisation entre la personne et la société ? Nous développons des outils de diagnostics partagés et des contrats d'engagements réciproques qui permettent de déterminer les objectifs de la personne en termes d'insertion, d'accompagnement social, de retour à l'emploi, et comment les atteindre. Tous ces outils sont en accès libre sur beta.gouv.fr pour les 14 territoires expérimentateurs du SPIE. La période de démarrage n'a pas toujours été facile avec la crise sanitaire mais nous avons déjà des retours très intéressants.
Nous accélérons avec un appel à projets lancé en décembre pour 30 territoires d'expérimentation supplémentaires. Il y a beaucoup de demandes. Nous prévoyons déjà d'intégrer 50 autres territoires dans un troisième temps. On accompagne ces territoires pour mettre en oeuvre les principes du SPIE. In fine, nous sommes toujours dans une logique de retour à l'emploi même s'il y a de nombreux freins périphériques, notamment l'apprentissage du français, qu'il faut régler au préalable. Le SPIE passe par la confiance aux acteurs a priori et l'évaluation a posteriori. On se dote des outils d'évaluation pour que, sur un territoire, on puisse bien identifier le parcours des personnes, leurs évolutions, le retour à l'emploi, les conséquences en termes de santé, de logement... A chaque acteur, on propose de mieux piloter l'offre de service sur son territoire.
Il faut donner les moyens aux acteurs des territoires d'accéder à l'ensemble de la cartographie dynamique de l'offre de service. C'est ce que l'on trouve sur inclusion.beta.gouv.fr. Pour l'instant, l'outil fonctionne dans le champ de l'emploi, de l'IAE, des entreprises adaptées et va inclure au fur et à mesure l'ensemble de l'offre de service du territoire en termes de santé et de logement. L'objectif est d'offrir un accès complet, visible, dynamique et concret à l'ensemble de l'offre de service du territoire. Ceux qui pilotent les moyens publics au service de ces politiques doivent pouvoir identifier précisément les territoires où l'offre est insuffisante ou défaillante pour pouvoir prendre des décisions collectives.
Les travaux de Frédéric Bierry ont contribué à cette réflexion sur la notion d'implication, voire de contractualisation. Je suis d'accord avec lui sur ce point même si je ne partage pas toutes ses préconisations. Un parcours d'insertion ne peut fonctionner que s'il est basé sur un respect mutuel dans une dynamique interpersonnelle positive. Chaque personne doit faire le maximum pour atteindre ses objectifs et les chargés d'accompagnement doivent faire le reste. C'est là où l'équilibre est subtil car parfois le niveau d'autonomie est très variable selon les individus. Le niveau d'exigence de l'accompagnement doit être adapté au contexte de la personne et à la situation dans laquelle elle est. C'est un point de vigilance, c'est pourquoi on fait ce travail de diagnostic, de contractualisation et de partage de pratiques au sein du SPIE afin de parvenir à un travail individualisé dans une logique d'exigence réciproque.
Une partie des défaillances de notre système tient au fait que l'on a trop séparé le lien entre le social et l'économique, entre les travailleurs sociaux et l'entreprise, entre le monde du social et le monde de l'emploi, en termes de culture, de gouvernance, de coopération et d'insertion professionnelle. Notre objectif est de reconnecter concrètement ces deux mondes. Dans plus de 50 % des recrutements, les prescripteurs sociaux ne connaissaient pas l'employeur avant d'utiliser la plateforme. Il est difficile pour un travailleur social d'avoir tous les éléments et c'est notre engagement, c'est là où l'on se rejoint avec Frédéric Bierry. Une partie du chemin doit être fait par les personnes et l'autre par les entreprises.