Intervention de Marine Jeantet

Mission d'information Lutte contre la précarisation et la paupérisation — Réunion du 16 février 2021 à 15h30
Audition de Mme Marine Jeantet déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté

Marine Jeantet, déléguée interministérielle à la lutte contre la pauvreté :

J'ai inauguré le poste de commissaire à la lutte contre la pauvreté en Ile-de-France et j'ai travaillé en direct avec les départements sur ce sujet. Je pense que cette logique territoriale et la redynamisation des relations avec les conseils départementaux constituent l'un des apports de cette stratégie. L'État a repris langue avec les départements sur des sujets qu'il avait décentralisés pour demander des éléments de pilotage et assurer une égalité de traitement sur différentes politiques. C'est le cas par exemple de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Il n'y a pas de raison que les jeunes de l'ASE ne soient pas traités de la même manière ou n'aient pas les mêmes capacités d'accompagnement d'un territoire à l'autre.

Nous partions de loin, car cette démarche de contractualisation était très nouvelle. Or, 99 départements sur 100 ont signé. Elle a vraiment permis un dialogue très constructif entre l'État et les départements à un niveau politique avec une logique de co-construction qui a réactivé une dynamique locale. Nous avons mis en place des comités de suivi de ces conventions en mobilisant d'autres acteurs que les départements ne parvenaient pas à toucher (CAF, Pôle emploi, ARS, rectorats, etc.). Les acteurs ont besoin de se connaître et d'appréhender leurs rôles respectifs.

Cette animation territoriale, que j'ai testée en Île-de-France en tant que commissaire à la lutte contre la pauvreté, ne soulève pas une question financière, mais une question de compréhension réciproque. Au niveau régional, j'effectuais de nombreuses comparaisons interdépartementales, sans juger, pour que les départements s'inspirent des meilleures expériences. Cet échange de pratiques n'était pas forcément usité dans les conseils départementaux, mais elle commence à émerger sous la houlette de l'État. S'agissant des jeunes de l'ASE, les financements de l'État ne sont pas très importants par rapport aux investissements des conseils départementaux, mais grâce à cette démarche, nous avons arrêté de ne parler que des mineurs non accompagnés (MNA) pour commencer à travailler sur l'accès au logement, l'accès à l'apprentissage, etc. Ce dialogue a bousculé fortement les pratiques des départements.

Nous avons mis en place des indicateurs. Il faut bien sûr les examiner avec prudence, car cette culture n'était pas très ancrée dans le fonctionnement des conseils départementaux. Nous avons d'ailleurs constaté une grande hétérogénéité dans la manière de renseigner ces indicateurs. Nous avions relevé qu'un tiers de départements n'était pas capable d'identifier le nombre de jeunes de l'ASE qui devenaient majeurs l'année suivante, ce qui témoignait de l'absence de pilotage. De ce point de vue, nous avons bousculé les pratiques. Cette démarche doit s'inscrire dans le moyen terme. Il faudra un peu de temps. Nous avons signé les premières conventions mi-2019 et leur mise en oeuvre démarrait au moment du premier confinement. Cette année, nous allons sans doute négocier les avenants pendant les élections. Le contexte n'est donc pas très propice à un dialogue serein. Pour autant, la démarche a créé un fort engouement.

Nous avons aussi contractualisé avec les métropoles en 2020. Alors que les élections étaient en cours et que nous étions en pleine crise, je pensais qu'elles ne donneraient pas forcément suite. Toutes les métropoles ont signé. Nous avons également signé avec cinq conseils régionaux. Finalement, les acteurs y prennent goût. Il nous revient désormais d'organiser des échanges de pratiques, de capitaliser sur les bonnes expériences. De nombreuses initiatives sont menées au niveau départemental. Je dresse actuellement une cartographie de ces actions que je diffuserai sur l'espace de travail collectif. Les idées foisonnent, ce qui complique l'exercice de bilan national. Je pense que c'est ainsi que nous construirons un dispositif pérenne.

S'agissant de l'accès au droit, je partage votre sentiment. Pour avoir beaucoup travaillé dans les caisses de sécurité sociale, je connais bien le sujet. Il nous a été demandé de dématérialiser toutes nos procédures. Or les populations précaires ont besoin d'être accompagnées sur le sujet. Nous avons l'ambition de développer les démarches d' « aller vers ». En mai-juin, j'ai profité que les centres d'hébergement soient maintenus ouverts avec le prolongement de la trêve hivernale et j'ai demandé aux CAF et aux caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) de se rendre dans ces centres d'hébergement pour réaliser directement les ouvertures de droits. 300 équivalents temps plein (ETP) ont été mobilisés à cet effet. Nous avons ouvert plus de 3 000 droits. Nous devons réaliser un mélange des deux.

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