Le profil-type de la famille pauvre, aujourd'hui, est représenté par une famille jeune, monoparentale et urbaine. En milieu rural, le taux de pauvreté s'élève en moyenne à 8 %, contre 15 % en milieu urbain.
Dans la contractualisation avec les départements, nous poursuivons aussi un objectif d'accueil inconditionnel à 30 minutes de chez soi. Je ne crois pas qu'il existe un endroit où l'on pourra répondre à toutes vos questions et apporter une solution à tous vos problèmes d'accès au droit. Le système est beaucoup trop complexe pour trouver des personnes qui maîtrisent parfaitement tous les droits. En revanche, nous pouvons assurer un accueil de premier niveau. La moitié du territoire est déjà maillée par ces accueils à moins d'une demi-heure. Les maisons France Services se développent également et nous menons de nombreuses démarches, notamment vis-à-vis des jeunes. Il ne suffit pas d'ouvrir une mission locale. Il faut faire en sorte que les jeunes connaissent l'offre. Pour ce faire, nous envisageons par exemple d'organiser des maraudes numériques et de faire du marketing sur les réseaux sociaux et les sites sur lesquels ils se connectent pour leur expliquer les offres existantes. La démarche d'accès au droit s'accompagne d'une démarche de marketing social, d' « aller vers », qui nécessite un profond changement de mentalité. Cela fait partie des évolutions à introduire dans le plan de formation des travailleurs sociaux. Dans les missions locales et les CAF, les personnels sont très investis, mais encore faut-il que les personnes viennent à eux. D'ailleurs, la démarche lancée dans les centres d'hébergement a énormément plu aux services. Ce mouvement doit se développer.
Les travaux de concertation sur le RUA ont été stoppés par le premier confinement. Le Premier ministre a annoncé en octobre qu'ils allaient reprendre. Il ne s'agit pas de relancer une concertation, mais de capitaliser sur tous les travaux de simulation de différents modèles qui ont été réalisés pour établir un rapport qui sera rendu public à l'automne, avec un chiffrage précis de chaque scénario, sans que ce rapport engage le Gouvernement. Ces sujets se révèlent très complexes. Tout le monde partage l'idée d'équité de traitement et de lisibilité. Pour autant, pour les personnes concernées, une somme de 20 euros peut être absolument fondamentale. Au vu du calendrier parlementaire, je doute que nous ayons le temps d'adopter une loi avant la fin de ce quinquennat. Le sujet n'est pas encore assez mûr. Nous souhaiterions néanmoins élaborer un rapport technique pour présenter des éléments à la réflexion publique en vue du prochain quinquennat. Même si nous l'avions décidé l'été dernier, la mise en oeuvre du RUA n'aurait pas eu lieu, au mieux, avant 2023.
La cantine à 1 euro constitue un sujet fondamental de la stratégie vis-à-vis de la jeunesse. Lors du premier confinement, la fermeture des cantines a eu un impact immédiat et catastrophique pour de nombreuses familles. La mesure ne fonctionne pas pour l'instant, car elle a été sous-calibrée. Depuis le 1er janvier, la subvention a augmenté de 2 à 3 euros et nous élargissons les critères d'éligibilité. Seules 4 000 communes sont éligibles aujourd'hui et toutes n'ont pas de cantines. Nous nous limiterons à des communes de moins de 10 000 habitants. Au-delà, de nombreuses communes ont déjà mis en place une tarification sociale. Il s'agit d'aider à combler le manque sans se substituer complètement aux responsabilités des collectivités. Pour beaucoup de petites communes, il est compliqué de gérer une tarification sociale. Nous devons trouver des outils pour faciliter le travail de ces petites mairies.
Je suis très attentive au sujet des frais bancaires. Des modifications réglementaires sont intervenues en novembre et nous attendons de voir si elles suffisent. Nous avons versé des aides exceptionnelles ; elles ne doivent pas servir uniquement à payer des frais bancaires. Ce serait contraire à la logique du système.
Les points conseil budget (PCB) rencontrent un franc succès. Nous avons accéléré leur déploiement. Nous en avions labellisé 150 en 2019. Nous en avons validé 250 en 2020 et nous avons obtenu 100 points supplémentaires en 2021, ce qui permettra un maillage assez complet. Pour la vague 2020, nous avions plus de 600 candidats. Cet outil doit être actif dès aujourd'hui. Il permet d'accompagner gratuitement et de manière inconditionnelle des personnes qui, pour l'instant, ne le connaissent pas. Nous avons donc lancé une campagne de communication et nous voudrions vraiment activer ces PCB qui offrent une réponse très concrète à nos concitoyens.
Enfin, nous disposons de 13 commissaires en métropole et un dans chaque département/région d'outre-mer. Ces personnes sont placées auprès des préfets de région et jouent un rôle d'animation. Elles assurent le lien entre les administrations régionales (ARS, rectorats, etc.), mettent en réseau les services de l'État qui ont des fonctionnements parfois très différents. Les secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) coordonnaient déjà les acteurs, mais la pauvreté n'était pas leur priorité. Ces commissaires ont créé un dialogue assez nourri avec les conseils départementaux à un niveau politique et ont noué des liens très forts avec les associations qui ont parfois du mal à se repérer dans la maille de l'administration de l'État. Ils s'appuient sur les équipes des services de l'État, mais jouent un rôle de portage politique auprès du préfet de région pour l'alerter sur certains sujets, d'arbitrage de différends éventuels entre les administrations de l'État.
Les commissaires à la lutte contre la pauvreté apportent une expertise et peuvent lever des interrogations ou des blocages. Finalement, ils jouent un rôle de « super chef de projet ». De ce point de vue, leur positionnement n'est pas très simple, car l'État fonctionne en silo. Contacter tous les services de l'État qui traitent de cette population particulière est indispensable, mais il faut un temps d'acculturation des acteurs à cette logique. Après un an et demi d'existence, ils commencent à être identifiés comme les référents pauvreté dans différents territoires. A la faveur de la crise, ils ont également pris en charge la précarité étudiante qui ne relevait pas de leur champ jusqu'à présent. Seuls sur leur territoire, ils ne peuvent toutefois pas répondre à toutes les sollicitations qu'ils reçoivent aujourd'hui, ce qui démontre aussi qu'il existait un vrai besoin d'animation et de portage politique de ces sujets.