Intervention de Marine Jeantet

Mission d'information Lutte contre la précarisation et la paupérisation — Réunion du 16 février 2021 à 15h30
Audition de Mme Marine Jeantet déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté

Marine Jeantet, déléguée interministérielle à la lutte contre la pauvreté :

Nous avons déjà réalisé de nombreux ajustements sur une stratégie décidée voilà à peine un an et demi, notamment sur le champ de la santé qui constitue pour moi un élément fondamental. D'autres ajustements ne sont d'ailleurs pas exclus. Je travaille actuellement sur des propositions relatives au volet psychologique. Nous avons beaucoup de retard sur la santé mentale en France, en particulier sur les publics précaires. Il était urgent de compléter ces volets. Nous l'avons fait.

Dès le mois de juin, nous avons lancé une alerte sur le sujet des jeunes. Le plan « 1 jeune, 1 solution » répond en partie à cette alerte. Nous ne sommes pas certains de saturer toutes les offres qui ont été créées, car nous sommes confrontés à la difficulté de l'aller vers. Pour ces jeunes, un appel à projets a été lancé par le ministère du travail sur le plan d'investissement dans les compétences (PIC) « Invisibles ». Nous finançons des actions d'aller vers pour aller chercher ces invisibles. Nous pouvons encore amplifier cette démarche pour améliorer le maillage territorial aujourd'hui imparfait.

Outre les étudiants qui doivent survivre dans ces temps de crise, les jeunes diplômés éprouvent des difficultés à trouver un emploi et commencent à tomber dans la précarité. Une étude de la Fédération française des banques alimentaires le montre. Enfin, nous devons traiter le sujet des jeunes très précaires que nous ne voyons pas du tout, qui ne sont pas soutenus par des associations. Hébergés chez des tiers ou dans des centres d'hébergement, ils cumulent des problèmes d'accès au logement, d'accès à l'insertion professionnelle et très souvent des problèmes de santé mentale et d'addiction. Nous essayons actuellement de dresser un état des lieux des dispositifs. Il faut prendre garde à ne pas créer trop d'outils et, malgré l'urgence, prendre le temps de faire le point. De nombreux dispositifs existent déjà. Sur les jeunes très précaires, par exemple, nous avons mené une étude de terrain avec la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) pour tenter d'identifier tous les dispositifs et chercher à mieux les coordonner. Il ne s'agit pas de créer une offre nouvelle, mais de mieux repérer celle qui existe et de faciliter son appropriation.

Sur l'insertion professionnelle, de nombreuses actions ont été menées. Nous avons validé 100 PCB supplémentaires pour lutter contre le surendettement qui risque d'exploser. Je n'ai pas le pouvoir de décision sur tous les sujets. Je peux jouer un rôle d'aiguillon vis-à-vis des services de l'État. Je peux demander des comptes, formuler des propositions. Pour l'instant, l'offre et les droits sont nombreux. Sans notre système de redistribution sociale, le taux de pauvreté atteindrait 22 % en France, contre 15 % aujourd'hui.

20 % des personnes qui pourraient prétendre au RSA ne le demandent pas. Je pense que l'enjeu principal réside dans l'aller vers. Avant de créer d'autres droits, expliquons à nos concitoyens les droits qui existent, assurons-nous que tous ceux qui peuvent prétendre à certains droits y ont effectivement accès.

Nous avons mené avec les CAF des travaux de Data Mining. L'exercice est cependant limité. Il ne touche que les personnes déjà inscrites dans les bases. Il ne fonctionne pas très bien sur le RSA. Sur la prime d'activité, nous récupérons 10 % d'allocataires. Je souhaitais rendre la Complémentaire santé solidaire automatique. Aujourd'hui, elle est proposée systématiquement lors de la demande de RSA, mais elle ne peut pas être rendue automatique, car elle n'est pas gérée que par l'Assurance maladie. Elle peut en effet être gérée par des organismes complémentaires et le droit de la concurrence nous interdit de l'imposer.

Nous avons déjà créé de nombreux dispositifs. Pour 2021, j'ai pour objectif de les mettre en oeuvre. Nous devons aussi donner de la visibilité. Sans parler de plate-forme, je pense que les outils numériques doivent nous aider à valoriser toutes les offres disponibles. Il n'est pas simple de se retrouver dans tous les dispositifs qui existent. Il s'agirait de créer une sorte de guichet unique, avec un premier niveau d'information et une formation régulière des personnes pour leur permettre de s'approprier les nouveaux dispositifs. Nous pourrions ainsi déjà toucher un grand nombre de personnes.

Il nous faudra ensuite nous ajuster. Nous ne savons pas où nous mène cette crise. Je m'attendais à un hiver plus compliqué. L'été se révélera peut-être beaucoup plus difficile. Il faut rester très humble, car la situation reste extrêmement fragile. Tout dépendra aussi de la façon dont l'activité repart. Durant le premier confinement, nous avons maintenu les droits, mais les personnes ne vivent pas avec le RSA. Or tout le complément informel s'est effondré d'un coup, les files d'aide alimentaire explosant dans le calme. Retrouver une activité qui permette à chacun de gagner sa vie dignement reste la priorité.

Nous pouvons corriger certains points mais je pense que nous disposons déjà d'un arsenal assez maillé sur le sujet et que nous devons nous attacher à mettre en oeuvre les nouvelles mesures mises en place. Créer des centres de santé participatifs dans les quartiers, par exemple, prendra du temps. Il faut trouver le modèle économique, développer un cahier des charges, susciter des actions de terrain. Nous devons bâtir des projets très concrets pour embarquer les personnes, leur donner le sentiment que nous ne les laissons pas sur le bord du chemin. Nous devons en effet prendre garde au sentiment d'abandon.

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