Intervention de Virginie Lasserre

Mission d'information Lutte contre la précarisation et la paupérisation — Réunion du 16 février 2021 à 15h30
Audition de Mme Virginie Lasserre directrice générale de la cohésion sociale

Virginie Lasserre, directrice générale de la cohésion sociale :

Le rapprochement de l'emploi et des politiques sociales part du principe que certains de nos concitoyens qui sont éloignés de l'emploi peuvent s'en rapprocher grâce à différents leviers (IAE, PEC, garantie jeunes, etc.) qui relèvent du ministère du travail plutôt que du ministère des solidarités et de la santé. Au niveau territorial, le rapprochement va être incarné par la fusion des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) et des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et leurs pendants au niveau départemental au 1er avril.

Je pense que l'acculturation des uns et des autres devrait se révéler très intéressante. Nos DRJSCS peuvent parfois se trouver en difficulté, faute des moyens suffisants pour exercer leurs missions. Elles ont tout à gagner à se rapprocher des DIRECCTE, puisqu'elles seront plus proches des grandes entreprises avec lesquelles des actions d'accompagnement social peuvent être menées, notamment dans le cadre de plans de sauvegarde de l'emploi (PSE). Ce rapprochement des cultures professionnelles et des directions constituera un plus au niveau local. Il ne faut néanmoins pas oublier qu'une partie des personnes éloignées de l'emploi ne pourra probablement jamais se rapprocher, du moins, d'un emploi classique.

Au niveau de l'administration centrale, le sujet me semble moins important. Certains dispositifs sont travaillés à l'échelle du ministère des solidarités et de la santé, la délégation interministérielle à la lutte contre la pauvreté, le haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises et le délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), comme le service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE). Ce dispositif doit nous permettre d'avoir une vision globale des choses et de mettre tous les leviers en place pour accompagner les personnes les plus éloignées de l'emploi vers un emploi.

Nous croyons beaucoup à ce SPIE qui devrait nous aider à avancer ensemble, de même que le travail que nous menons actuellement sur les jeunes de moins de 26 ans qui ne perçoivent pas le RSA, avec l'aide de la DITP et du ministère du travail. Ce groupe de travail a pour objectif d'identifier sur l'ensemble du territoire les jeunes de moins de 26 ans décohabitants et désocialisés en vue de construire des parcours pour que ces jeunes soient accompagnés et disposent quand même d'un minimum pour vivre. Ce travail conjoint ne vise pas forcément à créer de nouveaux dispositifs, mais à organiser au mieux les dispositifs existants pour répondre à ces besoins. Comme Elisabeth Borne l'a indiqué, nous devons relever l'enjeu de la garantie jeunes.

Au niveau central, contrairement à l'échelon territorial, ce rapprochement ne se traduit pas par une fusion de la DGCS et la DGEFP. La question ne s'est pas posée. Pour autant, j'ai instauré des bilatérales mensuelles avec le DGEFP afin de travailler ensemble. Nous devons essayer d'attirer vers l'emploi les plus éloignés de nos concitoyens et prendre en charge tous ceux qui ne pourront pas revenir vers l'emploi.

Comment pouvons-nous moderniser le travail social en France ? J'ai dirigé un CCAS voilà quelques années. A l'époque, les personnels refusaient catégoriquement l'aller vers. Nous avons quand même avancé sur le sujet même s'il reste des marges de progrès. Une question de lisibilité du travail social se pose. Les travailleurs sociaux exercent leur mission dans des lieux extrêmement divers (départements, Pôle emploi, hébergement d'urgence, etc.). Faire progresser le travail social exige tout d'abord de travailler sur les leviers essentiels de la formation initiale et la formation continue. Au sein de la DGCS, nous gérons les 13 diplômes sociaux. Nous mettons actuellement en place un centre de ressources du travail social pour apporter, via des MOOC ou des kits de formation, un flux continu qui puisse contribuer à la modernisation du travail social. Nous devons notamment rappeler aux travailleurs sociaux que l'emploi et l'accès au logement entrent dans leur champ d'intervention et leur donner les moyens de se rapprocher de spécialistes ou de traiter eux-mêmes ces volets essentiels. Nous devons veiller à rendre le plus accessible possible à nos concitoyens l'accès à un travailleur social. Pour ce faire, nous devons rendre nos dispositifs plus lisibles. Nous avons identifié 250 000 travailleurs sociaux agissant en faveur de la lutte contre la pauvreté, tous employeurs confondus (associations, départements, CCAS, organismes de sécurité sociale, etc.).

Sur le RSA, nous disposons d'un certain nombre de chiffres témoignant de l'impact de la crise. Le nombre de bénéficiaires du RSA et les dépenses consacrées à son versement ont augmenté du fait de la crise sanitaire. Selon les dernières estimations de la CNAF, à fin 2020, le nombre de bénéficiaires du RSA s'établissait à 2,08 millions de foyers, contre 1,9 million à fin 2019, soit une augmentation de 8,3 %.

Le nombre de demandes de RSA, selon les estimations de la DGCS de février 2021, a crû de 5 % entre 2019 et 2020. Nous comptons en moyenne 109 demandes de RSA supplémentaires par jour. Selon la CNAF, aux trois premiers trimestres 2020, la hausse du nombre de bénéficiaires a été causée par de moindres sorties du RSA plutôt que par des entrées accrues. Entre mai et décembre 2020, les demandes de RSA ont augmenté de plus de 15 % dans 50 départements par rapport à la même période en 2019. Les plus fortes hausses s'observent à Paris (+ 47 %), devant la Haute-Savoie (+ 43 %) et les Hauts-de-Seine (+ 41 %).

Les départements qui bénéficiaient d'une forte activité économique, notamment touristique ont été les plus touchés. Le nombre de foyers bénéficiaires du RSA semble se stabiliser à un haut niveau depuis le mois d'août.

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