Ma venue au Sénat me rappelle René Garrec, un ancien président de la commission des Lois que j'ai très bien connu, et Gaston Monnerville, un ami qui fut une grande figure de la République et un défenseur de la Haute Assemblée.
Présenté à la fin du mois de décembre dernier par le Gouvernement, le projet de loi organique qui nous occupe aujourd'hui a été examiné par l'Assemblée nationale mi-janvier et adopté par le Sénat le 18 février dernier. Ce texte présente une dimension que l'on peut qualifier de « technique » : il vise essentiellement à actualiser certaines dispositions de la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l'élection présidentielle. Le Président de la République constitue la « clef de voûte » de nos institutions, selon la formule de Michel Debré : en tant que législateurs, nous devons veiller à ce que son élection soit parfaitement sécurisée, dans un souci légitime de sincérité du scrutin.
Je ne reviendrai pas en détail sur l'ensemble des dispositions du projet de loi. Je veux néanmoins citer la date de publication du décret de convocation des électeurs, la procédure de parrainage des candidats, le vote par correspondance des personnes détenues, sur lequel nous avons vraiment progressé, la mise en place de la déterritorialisation des procurations conformément à ce que prévoit la loi dite « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 ou encore l'adaptation de dispositions relatives aux listes électorales consulaires et au vote des Français de l'étranger.
Lors de son examen au Sénat, le texte a été enrichi par plusieurs dispositions que j'estime tout à fait opportunes, à l'image, pour n'en mentionner qu'une seule, de l'article 1er bis, aux termes duquel les candidats veillent à l'accessibilité de leurs moyens de propagande aux personnes handicapées.
Les débats se sont quelque peu échauffés en séance publique au Sénat à la suite du dépôt tardif d'un amendement du Gouvernement visant à mettre en place un dispositif de vote anticipé sur des machines à voter, sans même tenir au courant le rapporteur que je suis... Cet amendement a suscité des réactions fortes, ce qui a conduit à son rejet massif.
Sur la forme, je regrette que l'amendement ait ouvert un débat sur un enjeu d'une aussi haute importance, dans des conditions qui ne pouvaient pas, compte tenu de l'état d'avancement de l'examen parlementaire, être pleinement satisfaisantes. En effet, nous ne disposions ni de l'avis du Conseil d'État sur cet amendement ni d'aucune analyse des conséquences de celui-ci.
En ce qui concerne le projet de loi organique, ce sujet est donc derrière nous. À titre personnel, je suis cependant convaincu de la nécessité, au cours des prochaines années, en prenant bien sûr le temps de la réflexion, de revoir l'ensemble des modalités opératoires des scrutins, de façon apaisée et transparente.
Avec mon collègue rapporteur du Sénat, dont je salue ici l'engagement et la force de conviction, nous avons travaillé en bonne intelligence pour parvenir à un consensus à l'issue de l'adoption du projet de loi organique par le Sénat.
Au-delà de quelques amendements techniques introduits par nos collègues sénateurs, nous avons essentiellement discuté, de façon ouverte et constructive comme cela doit se faire dans le cadre d'un bicamérisme rénové, modernisé et intelligent, d'un point soulevé par l'article 2 : la durée de la période de financement de la campagne électorale.
Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, cette période s'étendait sur douze mois, à compter d'avril 2021. Le Sénat a fait le choix de raccourcir cette période à neuf mois, afin qu'elle débute le 1er juillet 2021. L'objectif est d'éviter le chevauchement de deux périodes de financement de campagne électorale : d'une part, celle des élections départementales et régionales qui ont été reportées à juin 2021 et, d'autre part, celle de l'élection présidentielle.
Dans son avis rendu sur le projet de loi organique, le Conseil d'État a considéré que ce chevauchement de quelques mois, très en amont de la date du scrutin présidentiel, ne présentait pas de difficulté particulière. Ce fut également la position de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
Cependant, je reconnais que les arguments du Sénat, tels que développés par son rapporteur, sont tout à fait recevables, pour faciliter et rendre plus lisible le contrôle des financements.
Dans un esprit de dialogue, je pense que nos deux assemblées peuvent s'accorder sur ce point, en acceptant la position exprimée par nos collègues sénateurs. Cette convergence nous permet donc de soumettre à la commission mixte paritaire un texte complet. Le choix de maintenir l'ensemble des dispositions insérées par le Sénat témoigne sincèrement de ma volonté, qui rejoint - je l'espère - celle de notre assemblée, de parvenir à un accord entre nos deux chambres.
Je forme donc le voeu que le texte que nous vous présentons soit celui de cette commission mixte paritaire.