Intervention de Stéphane Le Rudulier

Commission mixte paritaire — Réunion du 2 mars 2021 à 12h15
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant diverses mesures relatives à l'élection du président de la république

Photo de Stéphane Le RudulierStéphane Le Rudulier, sénateur, rapporteur :

À titre liminaire, je tiens à remercier mon collègue Alain Tourret, rapporteur pour l'Assemblée nationale, avec qui j'ai échangé à deux reprises pour préparer cette commission mixte paritaire. Son esprit constructif nous permet de vous proposer un texte commun. Je salue son attachement au bicamérisme, qu'il veut renouveler, mais également sa grande expérience de parlementaire. Je songe notamment au rôle qu'il a joué dans l'adoption de la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale.

Le projet de loi organique qui nous est soumis a été conçu comme un texte technique. Il s'inscrit dans la continuité des textes de « toilettage » adoptés avant chaque élection présidentielle depuis 1988 pour mettre en conformité les mesures d'organisation de l'élection présidentielle avec les évolutions du code électoral. La loi organique du 6 novembre 1962 a d'ailleurs été modifiée à vingt-trois reprises.

L'enjeu est majeur : au printemps prochain, plus de 47 millions d'électeurs seront appelés aux urnes pour l'élection présidentielle, qui constitue la « clef de voûte » de nos institutions pour reprendre la formule, déjà citée par Alain Tourret, de Michel Debré.

Le texte a malheureusement pris une dimension politique, avec le dépôt devant le Sénat d'un amendement très tardif - moins de 24 heures avant la réunion de la commission - du Gouvernement sur le vote anticipé par machines à voter. Notre assemblée s'y est fermement opposée, toutes tendances confondues, à l'exception d'un groupe, et l'amendement a été rejeté par 321 voix contre 23.

Nous ne refusons pas de réfléchir à des évolutions de notre droit électoral : j'en veux pour preuve la récente mission d'information de la commission des Lois du Sénat sur le vote à distance, dont le rapporteur était le président Buffet. Mais notre réflexion doit se faire de manière apaisée, à bonne distance des échéances électorales.

Sur la forme, l'amendement du Gouvernement avait été déposé devant la seconde chambre saisie, sans consultation préalable des forces politiques ou du Conseil d'État, et sans que l'Assemblée nationale ait été appelée à se prononcer. De nombreux députés, dont certains d'entre vous, s'en sont émus. Il s'agissait d'une question de respect du Parlement et, plus globalement, de nos institutions. Nous ne pouvions accepter une telle manière de procéder, ce que la ministre déléguée a d'ailleurs reconnu en séance publique.

L'amendement posait également des problèmes de fond, qui devront être de nouveau abordés de manière plus sereine.

Comment voter par anticipation alors que la campagne électorale n'est pas terminée ? Le débat entre les deux tours peut modifier la perception qu'ont les électeurs des candidats.

Comment garantir la sécurité des machines à voter ? Le Gouvernement prévoyait notamment de conserver les machines à voter jusqu'au dimanche du dépouillement, pour que le dépouillement puisse avoir lieu en même temps que celui des bulletins de vote physiques.

Comment organiser ce dispositif sur le plan matériel, notamment si des dizaines de milliers d'électeurs se rendent dans la commune chef-lieu de département pour voter par anticipation ?

Ces problèmes auraient pu remettre en cause la sincérité du scrutin présidentiel et, partant, la légitimité du candidat élu.

Une fois l'amendement du Gouvernement repoussé, l'accord en commission mixte paritaire nous a paru tout à fait possible.

Certains apports du Sénat n'ont soulevé aucune difficulté.

Je pense, d'abord, à l'accessibilité de la campagne électorale aux personnes en situation de handicap. Il s'agit d'une avancée majeure, même si elle présente un caractère essentiellement incitatif pour les candidats, qui pourront s'appuyer sur l'expertise du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Je pense, ensuite, à l'actualisation de la liste des « parrains » pour tenir compte des dernières réformes territoriales et l'élargir aux présidents des conseils consulaires des Français de l'étranger ; à la publication des marges d'erreur des instituts de sondage ; au caractère expérimental de la dématérialisation des comptes de campagne et des reçus-dons, afin d'évaluer ce dispositif avant toute extension aux autres élections ; et à la publication des comptes de campagne en open data, comme pour les autres scrutins.

Trois sujets ont fait l'objet de discussions plus approfondies.

Deux points étaient d'ordre technique. Ils sont issus de deux amendements du groupe socialiste du Sénat, que nous vous proposons de conserver : la fixation d'une date limite plus précoce pour la publication de la liste des candidats, ce qui permettra de sécuriser la « période intermédiaire » tout en laissant suffisamment de temps au Conseil constitutionnel pour contrôler la validité des parrainages ; et l'augmentation de l'avance versée à l'ensemble des candidats pour financer leur campagne, qui passerait de 153 000 à 200 000 euros. Sur ce point, nous ne faisons que prendre en compte l'inflation - le montant de l'avance était gelé depuis 1995.

Le sujet le plus délicat a été celui de la durée des comptes de campagne. Cette durée est aujourd'hui d'un an pour l'élection présidentielle, au lieu de six mois pour les autres scrutins. À titre exceptionnel et en raison de la crise sanitaire, nous vous proposons une durée de neuf mois : la période de financement de la campagne en vue de l'élection présidentielle débuterait ainsi le 1er juillet 2021.

Notre objectif est clair : éviter tout chevauchement avec les élections régionales et départementales, reportées en juin prochain. Il s'agit ainsi de se prémunir contre les difficultés de ventilation des dépenses entre ces différents scrutins, qui pourraient placer les candidats dans une situation d'insécurité juridique.

Au cours des auditions, les critères de répartition évoqués par la CNCCFP nous ont paru trop incertains. La situation n'est d'ailleurs pas comparable avec l'élection des députés : un candidat malheureux à l'élection présidentielle n'entame sa campagne en vue des élections législatives qu'une fois sa défaite consommée, au premier ou au second tour. Nous ne sommes pas dans cette chronologie pour les prochaines élections régionales et départementales.

Je rappelle, enfin, que le délai d'un an avait été maintenu pour l'élection présidentielle afin « d'englober » d'éventuelles primaires. Or, à ma connaissance, aucun parti politique n'a prévu l'organisation de primaires d'ici au 1er juillet prochain.

Le délai de neuf mois, qui correspond d'ailleurs à l'idée initiale du Gouvernement, nous semble donc plus adapté pour la prochaine élection présidentielle. Il s'agit d'une mesure ponctuelle, et non d'une modification pérenne de la loi de 1962.

Voilà, à grands traits, le texte que nous vous proposons.

Je renouvelle mes remerciements à mon collègue rapporteur Alain Tourret.

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