Intervention de Patrick Levy-Waitz

Délégation aux entreprises — Réunion du 11 février 2021 à 8h30
Audition de M. Patrick Lévy-waitz président de la fondation travailler autrement

Patrick Levy-Waitz, président de la Fondation Travailler autrement :

Vous avez raison, le nombre de travailleurs dans les tiers lieux est peu important. Cependant, dans notre recensement, nous constatons que plus de deux millions de personnes ont transité par ces tiers lieux, un chiffre tout à fait considérable. Je rajoute qu'il y a trois ans, on dénombrait à peine un millier de tiers lieux et ils n'étaient pas toujours structurés comme ils le sont aujourd'hui.

En outre, les tiers lieux accueillent souvent de nombreuses PME et TPE qui développent une activité rayonnant dans tout le territoire.

Par ailleurs, nous constatons un nombre croissant d'entreprises et d'industries qui prototypent dans les tiers lieux et dont les activités hybrides créent elles-mêmes des entreprises. Nous allons par ailleurs lancer, à l'initiative de France Tiers-Lieux, la création de manufactures de proximité pour permettre aux artisans et indépendants très touchés par la crise de créer des ateliers partagés, de louer des machines et de pratiquer leurs activités. Des centaines de personnes transitent par ces lieux, créent de l'activité, créent de petites entreprises en étant présentes de façon intermittente. Beaucoup d'utilisateurs ne sont pas comptabilisés comme salariés, mais comme clients ou usagers.

Vous m'avez demandé si les tiers lieux représentent un phénomène marginal en matière d'emploi ou l'opportunité de déployer de nouvelles façons de créer des entreprises et du travail. Nous avons la conviction que les tiers lieux sont un phénomène de société, alors qu'en 2018, ils représentaient un phénomène émergent. Le mouvement évolue à grande vitesse. Pour les raisons que j'évoquais, les tiers lieux sont au coeur des transitions et les transitions sont au coeur des tiers lieux. La France se montre souvent résistante au changement, mais quand elle se lance dans un projet, elle est souvent très efficace. Je suis convaincu que les tiers lieux transformeront les territoires et permettront à des urbains de revenir dans les villes moyennes qui seront ainsi en capacité de retrouver le chemin du développement.

Sur la question qui concerne l'organisation institutionnelle des tiers lieux, je dirais qu'il faut règlementer, mais en y laissant beaucoup de capacité d'initiative. Dans le rapport de 2018, j'avais mis l'accent sur les raisons pour lesquelles un tiers lieu fonctionne bien. Tout d'abord, la vie du lieu doit être pilotée par une communauté de porteurs de projet. Ensuite, une gouvernance partagée est nécessaire, permettant de construire à la fois avec les acteurs du territoire et les acteurs locaux. Les lieux qui fonctionnent le mieux sont portés par une gouvernance partagée et ont souvent signé une convention avec la collectivité.

Sur la règlementation elle-même, nous avons des difficultés d'ordre réglementaire et j'ai sollicité le gouvernement pour réfléchir sur ce sujet. Les tiers lieux accueillent des salariés d'entreprises dont la réglementation du travail, les règles sociales ou d'hygiène ne peuvent s'appliquer dans un tiers lieu. Comment fabriquer un modus operandi qui convienne à tous les partenaires et qui permette au lieu d'accueillir ces travailleurs ? Je vous citerai un exemple frappant. Quand la crise de la Covid a commencé, les tiers lieux se sont mobilisés pour fabriquer plus de quatre millions de masques, de visières ou de pièces détachées pour les hôpitaux. Ils se sont révélés comme des lieux d'hyper proximité avec une capacité à faire. Jusqu'au jour où il leur a été interdit de fabriquer des masques car ils ne respectaient pas les normes applicables, alors que les pouvoirs publics auraient pu les accompagner pour leur permettre de jouer leur rôle. La question serait de savoir quelles règles conserver et avec quelle souplesse pour permettre aux tiers lieux de s'emparer des besoins d'intérêt général.

Nous allons émettre une quinzaine de grandes recommandations ainsi qu'une quarantaine de propositions dans le rapport 2020 de France Tiers-Lieux. Je pense qu'il faut construire de nouvelles réglementations adaptées à un monde du travail plus horizontal et moins hiérarchisé. Pour terminer, nous devons nous demander, dans un monde aux activités hybrides, comment faire évoluer et simplifier nos normes verticales pour permettre l'expression de nouvelles activités ou formes de travail.

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