Merci Monsieur le Président. Je suis le P.-D.G. de Tokay Cobex Savoie, le nouveau nom de notre entreprise. Tokay Cobex est une entreprise qui fabrique du carbone et du graphite pour l'industrie de la chimie, principalement pour l'industrie de l'électrolyse de l'aluminium primaire. Plus récemment, nous nous sommes intéressés à l'industrie de la mobilité électrique, car les batteries lithium ion qui équipent les véhicules électriques sont constituées à 15 % de graphite. Notre entreprise emploie 360 personnes et réalise environ 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. Elle a été rachetée récemment par le groupe japonais Tokai carbone, spécialisé dans le carbone et le graphite dans le monde entier.
Je suis là aujourd'hui pour présenter les particularités de nos modes de management dans le cadre du redressement de l'entreprise Carbone Savoie de 2016 à 2021. L'entreprise a été forcée de changer ses modes de travail et de management pour retrouver une compétitivité et une dynamique. Cela s'est traduit par son rachat ainsi que par une reprise très forte du dialogue social, concrétisée en 2018 par la signature d'un des premiers accords de performance au niveau national. Cet accord est notable par sa composition, car il a comme objectif de redonner de la performance mais aussi de donner du sens au travail pour les salariés.
Tokay carbone compte beaucoup d'activités et d'ateliers avec des rythmes et des charges de travail différents. Un des éléments clés de cet accord était d'apporter davantage de flexibilité encadrée, que ce soit en matière de rythme de travail ou d'affectation dans les ateliers, mais aussi de donner aux salariés un délai de prévenance suffisant dans le cadre d'éventuels changements d'affectation ou de rythme de travail.
En parallèle, afin de soutenir la polyvalence, l'accord comporte un fort volet sur le développement, la reconnaissance des compétences liées à la polyvalence et l'ensemble des dispositifs de formation associés. Cette reconnaissance s'est traduite par la signature d'un accord d'intéressement qui permet de reverser plus de 10 % de l'Ebitda aux salariés. Au démarrage de cet accord, l'Ebitda était faible. Sa forte progression permet aujourd'hui de reverser ces 10 % d'Ebitda de manière égalitaire, représentant ces dernières années, y compris en 2020, jusqu'à deux mois de salaire pour les salaires les plus faibles.
Cet accord d'intéressement a par ailleurs amélioré les conditions de santé et de sécurité au travail. En effet, une enveloppe destinée à l'amélioration des conditions de travail est allouée à la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) du CSE (Comité social et économique), à hauteur de 20 % de l'intéressement distribué l'année précédente. Cela représente quelques centaines de milliers d'euros mis à disposition de la CSSCT pour mettre en oeuvre des projets jugés prioritaires qui remontent du terrain, arbitrés de manière collégiale par la CSSCT. La direction n'intervient que dans la mise en oeuvre. Cette mesure a contribué à rétablir un dialogue social et à améliorer significativement les résultats de santé et de sécurité. Les indicateurs classiques de la sécurité ont été divisés entre trois et cinq, voire dix en prenant le taux de gravité. Cette évolution nous permet d'être au niveau des entreprises de la chimie, voire d'obtenir un meilleur taux de gravité.
Je souhaitais souligner un dernier point, toujours dans le cadre de cet accord de performance : nous avons signé un accord collectif sur l'absentéisme qui permet de travailler sur les causes racines et de mettre en place des solutions collectives et individuelles. Pour travailler sur ce sujet compliqué, un travail de fond est réalisé aujourd'hui avec la CSSCT. Il nous a déjà permis d'améliorer significativement les résultats : l'absentéisme a été divisé par deux et il est inférieur à ce qui est observé dans l'industrie de la chimie.
Enfin, en ce qui concerne la façon de gérer la crise sanitaire, la société n'était pas bien armée pour y faire face et la CSSCT a été un élément clé dans les dispositifs mis en oeuvre. Les mesures sanitaires ne sont pas très originales, mais elles ont été décidées de manière participative.
Je voulais insister sur la mise en oeuvre du télétravail qui a été compliquée, voire conflictuelle. Au départ de la crise, les fonctions support souhaitaient un télétravail à 100 %, ce qui posait un problème d'équité par rapport aux équipes opérationnelles ainsi qu'un problème de fonctionnement, car nous n'étions pas équipés pour cela. Nous avons mis en place des moyens informatiques mais nous nous sommes rendu compte rapidement que ce fonctionnement de travail n'était pas efficace. Les équipes support perdaient le contact avec la réalité de l'entreprise et les salariés nous ont rapidement fait part de leurs difficultés personnelles. Cela nous a amenés à travailler avec la CSSCT pour trouver un mode de fonctionnement plus nuancé. Aujourd'hui, les fonctions support sont divisées en deux équipes qui télétravaillent la moitié du temps. Ce fonctionnement permet de limiter le nombre de personnes en même temps sur site et d'avoir deux équipes totalement séparées. Si un cas de Covid se déclare, cela évite de contaminer l'ensemble des équipes. Surtout, cette organisation permet à chacun de trouver un équilibre entre télétravail et qualité de vie au travail. Il est bénéfique pour les salariés qui ont besoin du contact avec leurs collègues et les équipes opérationnelles afin de rester dans la dynamique de l'entreprise. Je pense que le télétravail doit être nuancé, tout en respectant les conditions sanitaires.