Intervention de Franck Deveughele

Délégation aux entreprises — Réunion du 11 février 2021 à 8h30
Table ronde sur « les nouveaux modes de travail et de management » en présence de chefs d'entreprise

Franck Deveughele, fondateur et président de Clef Job (Seine-Saint-Denis) :

Je vous remercie. Il y a cinq ans, en réfléchissant sur la situation de l'emploi en France, j'ai constaté que la mutation des métiers était déjà en marche au sein des entreprises avec l'accélération de la digitalisation et de la robotisation ainsi que l'intelligence artificielle, qui en est à ses débuts mais qui générera des changements rapides. Au regard de cette évolution, j'ai pensé qu'il serait intéressant de créer les conditions d'un monde nouveau pour le salariat. J'ai essayé de trouver un cadre juridique qui permette de répondre à la flexibilité nécessaire aux entreprises ainsi qu'aux besoins des générations d'aujourd'hui, plus volatiles et plus exigeantes. Les jeunes de cette « slash génération » changeront régulièrement de métier.

En cherchant, j'ai donc trouvé le cadre du groupement d'employeurs sous forme associative. Ce cadre permet de faire adhérer des entreprises qui utiliseront les ressources du groupement et les partageront selon tous les modes possibles, avec une utilisation hebdomadaire ou sur le long terme. La méthode rend assez simple le partage de personnel tout en garantissant aux salariés une certaine sécurité et de la stabilité.

J'ai remarqué que ce statut était souvent utilisé pour un public cadre. M'intéressant à un public non qualifié, souvent non diplômé, j'ai souhaité créer un groupement adapté. Afin de toucher ce public, il fallait trouver des moyens de les repérer ou de les attirer. Nous avons donc créé les kiosques Clef Job city, petites surfaces dispersées dans des gares en dur ou sous forme de containers de 30 mètres carrés aménagés. Elles permettent de rencontrer le public, de discuter de l'emploi ou de la formation, de faire passer un entretien, voire de conclure des embauches. Ces formats attirent davantage que les sites institutionnels, les jeunes viennent nous voir plus facilement, même les très précaires. Cela nous permet de connaître leurs attentes et d'identifier les compétences possibles dans leur profil.

Nous avons décidé de ne recruter que sur la base des compétences ; le CV et les années d'expérience ne nous intéressent pas. Nous proposons alors des postes confiés par nos adhérents pour lesquels les compétences sont transférables. Nos algorithmes permettent de mieux croiser les compétences des candidats pour ensuite développer la polyvalence, voire la polycompétence, marque de fabrique de Clef Job. Nous pensons que l'avenir est là. Le candidat signe un contrat de travail et sa valeur ajoutée peut être transférée dans d'autres métiers.

Qu'est-ce qu'un métier aujourd'hui ? La plupart des métiers de 2030 n'existent pas encore. Nous garantissons aux entreprises une large utilisation de nos ressources et un recrutement beaucoup plus facile. Nous embauchons tous les jours, des CDI exclusivement. Plus de 600 salariés ont été embauchés en trois ans dans le groupement et nous prévoyons 1 000 salariés de plus d`ici la fin de l'année. Nous souhaitons devenir une usine à développer des compétences et à apporter une offre de service réclamée par les entreprises qui n'ont pas le temps de recruter.

Aujourd'hui, nous avons ajouté une brique essentielle à l'entreprise : la formation. Vous pouvez entrer à Clef Job pour y rester toute votre vie. Encore faut-il vous apporter les compétences nécessaires pour changer de mission régulièrement. Certains métiers nécessitent des permis, des habilitations. Play Job Académie a été conçue pour assurer une formation permanente.

Quels sont les freins à notre développement ? Le premier est le besoin en fonds de roulement. Nous embauchons tous les jours, nous payons les salariés chaque fin de mois, tandis que les adhérents ne règlent pas à réception de facture. C'est dommage qu'un organisme tel que la BPI ne permette pas de suivre les besoins d'un groupement d'employeurs. En outre, les opérateurs de compétence ne comprennent pas la logique des groupements d'employeurs. S'ils nous suivaient, nous aurions pu déjà embaucher 200 ou 300 personnes en contrat d'apprentissage. Pourtant, notre logique est très adaptée au public jeune, qui constitue plus de 36 % de nos effectifs. Notre modèle correspond bien à une génération qui ne souhaite pas s'inscrire pour la vie dans un seul métier. Ces freins n'empêchent pas notre développement. Les collectivités commencent à s'intéresser aux groupements. Nous avons des partenariats avec des départements et des communautés de communes qui nous accompagnent sur des implantations, car elles voient combien ce modèle peut être une solution pour le tissu économique local ainsi que pour le public en recherche d'emploi ou de formation.

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