Intervention de Sébastien Grobon

Mission d'information Lutte contre la précarisation et la paupérisation — Réunion du 9 février 2021 à 14h35
Mesure et évolution de la précarité et de la pauvreté — Audition de Mme Valérie Albouy cheffe du département des ressources et conditions de vie des ménages de l'insee Mm. Patrick Aubert sous-directeur de l'observation de la solidarité de la drees et sébastien grobon adjoint au chef de mission analyse économique de la dares

Sébastien Grobon, adjoint au chef de mission analyse économique de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) :

Je souhaiterais, pour ma part, évoquer les perspectives en lien avec le marché du travail. Nous travaillons notamment sur le concept de travailleur pauvre, soit une personne en emploi, mais dont le niveau de vie se situe sous le seuil de pauvreté. Il n'existe pas d'indicateur établi pour analyser cette population, car l'emploi relève d'une notion individuelle alors que le niveau de vie concerne le ménage, ce qui les rend difficiles à articuler.

Le phénomène des travailleurs pauvres ne se limite pas au niveau de salaire ; il est également la conséquence d'un temps de travail insuffisant puisque le salaire horaire minimum fixe un plancher de rémunération. La prime d'activité, récemment revalorisée, permet de suivre partiellement son évolution.

Le sujet concerne, en outre, les conditions de travail et le fait d'exercer un emploi instable, voire menacé. La Dares réalise un suivi des risques psychosociaux intéressant pour montrer leur évolution. Les enquêtes périodiques menées tous les trois ou quatre ans nous permettent de disposer d'éléments structurels. La dernière enquête, menée en 2016, indique ainsi qu'un quart des salariés craint pour l'avenir de son emploi. Cette proportion a augmenté de sept points depuis 2005, surtout après la crise de 2008. Le sentiment d'inquiétude quant à l'emploi est majoritairement exprimé par les ouvriers, notamment non qualifiés.

Nous observons également un développement des formes atypiques de travail. Les contrats à durée déterminée (CDD) ont connu une croissance soutenue entre les années 1980 et 2000, puis plus limitée ensuite. En 2017, neuf embauches sur dix se font en CDD, contre huit sur dix en 1997. À partir des années 2000, les contrats très courts se sont multipliés, entrainant une réduction de la durée moyenne des CDD. Ainsi, en 2017, un tiers des CDD était conclu pour moins d'une journée, en particulier dans les secteurs de la restauration et de l'audiovisuel. Le mode d'utilisation des CDD a donc évolué vers davantage de roulement de personnel dans les entreprises, conduisant à une segmentation du marché du travail entre les emplois stables et les contrats précaires. Avec la crise sanitaire, les premiers ajustements sur l'emploi ont été les non-renouvellements de CDD, tandis que la politique de financement de l'activité partielle soutenait les emplois plus durables.

Enfin, le temps partiel a considérablement augmenté sur une longue période, passant d'un vingtième des emplois en 1960 à un cinquième en 2015. Cette évolution s'explique par le développement du travail des femmes, mais aussi par le recours renforcé au sous-emploi, vecteur d'instabilité.

Au-delà du type de contrat et de la précarité de l'emploi exercé, les changements opérationnels subis sans concertation peuvent dégrader les conditions de travail et nuire à la santé psychologique des salariés.

Une évaluation quantitative rigoureuse des politiques de l'emploi n'est pas simple d'un point de vue méthodologique. Il faut anticiper sa mise en oeuvre et s'en donner les moyens, comme ce fut le cas pour la garantie jeunes. La Dares a également évalué, sur des publics définis, les résultats obtenus par les dispositifs des contrats aidés, des emplois francs et de l'insertion par l'activité économique (IAE). Ainsi, la garantie jeunes, qui s'adresse aux jeunes sans emploi ni formation et propose un accompagnement intensif, montre un effet sur l'emploi durable. De même, l'IAE, destinée aux personnes les plus éloignées du marché du travail, permet, pour certains publics - travailleurs âgés, femmes, personnes un peu plus qualifiées - un infléchissement de la trajectoire d'emploi.

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