Je veux tout d'abord remercier notre rapporteur pour son rapport circonstancié ainsi que pour l'organisation des auditions, qui nous ont permis sur ce sujet récurrent de cerner les points de convergence émergents que l'on aime, au sein de cette institution, à faire fructifier, et de pointer les éléments encore en débat - je partage la volonté du rapporteur d'aboutir à un consensus.
Voilà un peu moins d'un an, à la demande de Catherine Morin-Desailly, Françoise Laborde, que je salue, et moi-même, avons commis un rapport d'information qui montrait que nous étions arrivés à la croisée des chemins sur ce sujet. Nos points de vue convergeaient avec celui du rapporteur.
Premier point de convergence : les directeurs d'école se trouvent confrontés à des charges de travail croissantes de plus en plus complexes et face auxquelles ils se sentent de plus en plus seuls. Cette solitude peut conduire à l'exaspération, voire à la désespérance. L'administration est toujours plus demanderesse de rapports, de statistiques, d'évaluations. L'exigence des parents s'est également accrue à l'égard du directeur, qui est, comme le maire, « à portée d'engueulades », pour reprendre une expression chère au président Larcher. Enfin, ces charges sont amplifiées par les règles sécuritaires et les protocoles sanitaires toujours plus nombreux à mettre en oeuvre.
Les directeurs n'ont plus de temps pour exercer leurs missions, alors que, dans les petites écoles les temps de décharge, déjà insuffisants sur le papier, ne sont même pas effectifs, faute de capacité de remplacement. L'aide administrative fait également défaut, alors que les contrats aidés ont disparu et que le numérique a augmenté la soif de remontées en tout genre. Paradoxe de notre système : le principal d'un collège de 200 élèves est doté d'un secrétariat et d'un intendant, tandis qu'un directeur d'une école de 500 élèves en est dépourvu...
Deuxième point de convergence : les directeurs d'école réclament plus de formation pour faire face à des problématiques de plus en plus complexes. Or de jeunes professeurs sont bombardés directeur d'école sans être passés par la liste d'aptitude et sans aucune formation, sous la seule influence de l'IEN de circonscription qui se transforme pour l'occasion en sergent recruteur.
Troisième point de convergence : les directeurs d'école réclament plus de reconnaissance, non seulement indemnitaire, mais aussi morale et institutionnelle. Si personne ne réclame un statut, et encore moins la création d'un corps spécifique, beaucoup souhaitent que l'emploi de directeur soit reconnu comme un emploi fonctionnel nécessitant une formation, plus de temps et de moyens pour l'exercer.
Cette proposition de loi, adoptée à l'Assemblée nationale sur l'initiative de Cécile Rilhac au moment où nous approuvions le rapport sur les directeurs d'école, acte ce consensus. Les avancées en la matière sont à portée de main. En effet, le texte modifie le code de l'éducation afin que le directeur dispose d'une délégation de compétences de l'autorité académique. À juste titre, notre rapporteur propose de rayer l'ajout concédé à l'Assemblée nationale sur le fait qu'il n'exerce pas d'autorité hiérarchique, ce qui annihilerait ladite délégation de compétences.
Le présent texte acte également que le directeur doit avoir un minimum d'expérience, de formation, et qu'il est un cadre du système éducatif. Ce n'est pas si simple, car là s'arrête le consensus. Le débat se poursuivra dans l'hémicycle comme au sein des écoles et des organisations syndicales. Sur ce sujet, les positions dogmatiques n'ont aucun sens. Donner une autorité fonctionnelle à un jeune directeur d'une école de deux classes n'a pas grand sens. Dans une école de 20 classes, tout le monde reconnaît que le directeur doit être déchargé de tout enseignement, disposer des moyens en adéquation avec ses responsabilités et bénéficier de la formation nécessaire. N'est-il pas normal que l'institution prenne également en compte ces dimensions dans son évolution de carrière ?
Ces débats, nous les aurons en séance au travers d'amendements que nous déposerons, car si ce texte va dans le bon sens, il est loin d'apurer la complexité du sujet. Par exemple, l'alinéa 4 de l'article 2 pourrait bloquer certaines expérimentations en matière de mobilité entre corps. Ces débats, nous les aurons également sur la grande diversité des écoles et des situations qui requièrent des réponses diversifiées, notamment en termes de formations qualifiantes, voire certifiantes, de délégations de compétences de l'autorité académique, ou encore de parcours de carrière avec la possibilité de déroger aux règles communes d'avancement.
Dans l'attente de ces débats, le groupe Les Républicains suivra les préconisations du rapporteur et approuvera le texte modifié, tout en se réservant la possibilité de l'enrichir encore en séance publique.