Intervention de Jocelyne Guidez

Commission des affaires sociales — Réunion du 3 mars 2021 à 14h00
Proposition de loi relative au monde combattant — Procédure de législation en commission - examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jocelyne GuidezJocelyne Guidez, rapporteure :

Vous connaissez mon attachement au monde combattant et à la politique de reconnaissance et de réparation envers celles et ceux qui servent notre pays sous les drapeaux.

C'est donc avec grand plaisir que je rapporte aujourd'hui cette proposition de loi dont je suis l'auteure et qui a reçu le soutien de nombreux cosignataires de différents groupes politiques.

Avant toute chose, il m'appartient de vous proposer un périmètre pour l'appréciation des irrecevabilités au titre de l'article 45 de notre Constitution. Cette proposition de loi comprend une unique disposition qui vise à renommer l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Tous les amendements visant à proposer une dénomination alternative ou à modifier sa date d'entrée en vigueur seraient recevables. En revanche, tout amendement visant à modifier la composition ou les missions de cet établissement public, relatif à la politique de reconnaissance envers les anciens combattants ou relatif à la politique mémorielle serait, selon moi, irrecevable.

Je l'ai dit, cette proposition de loi est très circonscrite dans son objet. Il s'agit de changer le nom d'un établissement public que nous connaissons tous : l'ONACVG. Cette proposition est bien entendu sans impact sur le fonctionnement et les missions de l'Office.

Avant de débattre du nom que je vous propose, je souhaite revenir sur les raisons qui m'ont conduite à rédiger cette proposition de loi.

Tout d'abord, il me faut définir la notion d'ancien combattant, qui correspond de fait aux titulaires de la carte du combattant. Cette carte est décernée à tous les militaires qui justifient d'au moins 4 mois de présence sur un théâtre d'opérations. Dans les faits, compte tenu de la durée des missions, la plupart des militaires peuvent se voir reconnaître la qualité de combattant dès lors qu'ils ont fait un séjour opérationnel, et ce même s'ils continuent leur carrière au sein de l'armée. On peut donc être ancien combattant à 20 ans, comme on peut être ancien combattant et néanmoins continuer à combattre.

Il y a aujourd'hui près de 2 millions d'anciens combattants dans notre pays. Il s'agit essentiellement d'anciens de la guerre d'Algérie, qui sont aujourd'hui au moins octogénaires. Cette troisième génération du feu va, comme les deux précédentes, s'éteindre naturellement dans les années à venir.

On voit aujourd'hui se développer une quatrième génération, composée de ceux et, de moins en moins rarement, celles qui ont été engagés en opérations extérieures (OPEX).

Ces opérations extérieures se sont intensifiées depuis le début des années 1990 et surtout depuis les années 2000. Pour autant, les ordres de grandeur ne sont plus les mêmes. Alors que près de 2 millions de soldats ont servi en Afrique du Nord, environ 200 000 cartes du combattant ont été décernées au titre des opérations extérieures depuis les années 1970.

Ainsi, comme nous le soulignons chaque année à l'occasion du projet de loi de finances, le remplacement progressif de la génération des conflits d'Afrique du Nord par celle des OPEX s'accompagnera d'une décroissance rapide et extrêmement forte du nombre d'anciens combattants.

En outre, nous devons nous attendre à une évolution sociologique de cette population.

Alors que les anciens d'Algérie et des conflits antérieurs sont pour la plupart des anciens appelés, parfois incorporés contre leur gré, les militaires des OPEX sont tous des soldats de métier. Le rapport qu'ils entretiennent à l'égard de leur service sous les drapeaux n'est donc pas le même.

Plus jeune et plus féminisée, la population des combattants compte également davantage d'actifs, que ce soit au sein des armées ou dans le civil.

En outre, le monde combattant ne se limite pas aux militaires. L'ONACVG accompagne également les veuves et les pupilles de la Nation, qui pourraient être à l'avenir plus nombreux, en valeur relative. L'Office doit également de plus en plus souvent accompagner les parents de soldats morts pour la France.

Cette évolution sociologique entraînera une évolution des attentes et des besoins des ressortissants de l'ONACVG. En effet, les questions liées à la perte d'autonomie et aux invalides de guerre seront certainement moins prégnantes, alors que les enjeux de formation et de reconversion professionnelles deviendront plus importants. L'ONACVG devra donc faire évoluer son action, et je sais que sa directrice générale est pleinement engagée dans cette évolution.

Or les termes « anciens combattants » renvoient souvent à une image dans laquelle les jeunes militaires ne se reconnaissent pas. Nous constatons sur nos territoires que les associations qui entretiennent la mémoire peinent, même si les choses évoluent lentement, à fédérer la quatrième génération du feu. C'est d'autant plus problématique que ces associations voient le nombre de leurs membres décliner et qu'elles ont de plus en plus de difficultés à animer les cérémonies patriotiques.

Pour la même raison, le nom même de l'Office peut dissuader certains jeunes anciens combattants de le solliciter alors qu'ils en auraient besoin. La directrice de l'ONACVG estime à environ 30 000 le nombre de personnes éligibles à la carte du combattant qui, pour une raison ou pour une autre, n'en ont pas fait la demande.

La proposition de loi vise donc à modifier le nom de cet établissement public pour faire disparaître le mot « ancien ».

Le texte que j'ai rédigé prévoyait de retenir le nom « Office national du monde combattant ». Au terme de mes travaux et de mes échanges avec les parties prenantes, je vous proposerai un amendement tendant à retenir plutôt le nom « Office national des combattants et des victimes de guerre ». Cette appellation permet de rassurer les acteurs associatifs quant à la continuité des missions de l'Office. Elle permet en outre de conserver le sigle ONaCVG et sa sonorité. L'ensemble des associations que j'ai auditionnées m'ont fait part de leur accord avec cette proposition.

Ce changement de nom n'aura bien entendu pas d'impact sur les missions de l'Office, qui continuera notamment à entretenir la mémoire des conflits du passé.

Je vous proposerai en outre de fixer par amendement la date d'entrée en vigueur de ce texte au 1er janvier 2023. Cela laissera le temps de faire un effort de pédagogie et de mettre en oeuvre les mesures pratiques nécessaires.

Je connais, madame la ministre, votre engagement en faveur du monde combattant et l'attention que vous portez aux demandes qui en émanent. Cette proposition de loi constitue une étape dans l'adaptation de l'action de l'ONACVG aux évolutions du monde combattant.

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