Intervention de Étienne Blanc

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 2 mars 2021 à 8h30
Proposition de loi relative à la sécurité globale — Examen du rapport pour avis

Photo de Étienne BlancÉtienne Blanc, rapporteur pour avis :

Comme l'a rappelé Monsieur le président, ce texte ne comptait au départ que deux articles portant respectivement sur la sécurité dans les transports et la sécurité routière, mais dans la mesure où ce volet a été enrichi au cours de son examen à l'Assemblée nationale, nous nous sommes saisis pour avis de neuf articles, c'est-à-dire des sept articles du titre V « Sécurité dans les transports et sécurité routière » et des articles 19 bis et 20 ter, qui traitent de la détection des drones par des agents privés et de la possibilité, pour des agents des services de sécurité interne de la SNCF et de la RATP, de visionner un certain nombre d'images sous le contrôle des services de police et de gendarmerie.

Bien qu'il puisse paraître relégué dans le titre V de la proposition de loi - et dans les débats médiatiques -, ce volet « transports » est, en réalité, essentiel. C'est en tout cas ce qui ressort de nos constatations de terrain et des auditions, importance relayée notamment par les opérateurs de transport.

Le secteur des transports a récemment connu de profonds bouleversements, notamment sous l'effet de la crise sanitaire, qui a changé les habitudes des Français en matière de fréquentation des transports publics et conduit à une forte diminution du trafic de voyageurs. En parallèle, on observe une hausse du sentiment d'insécurité dans les transports.

Les véhicules et emprises immobilières nécessaires aux services de transport sont, en règle générale, des espaces au sein desquels la problématique de sécurité se pose en des termes complexes, compte tenu des caractéristiques mêmes de ces espaces, confinés, et comportant de nombreuses interconnexions...

Mais ce problème se pose désormais avec une acuité toute particulière. Comme l'a souligné devant notre commission, le 10 février dernier, Mme Valérie Pécresse, les rues et les voies publiques se sont clairsemées sous l'effet des confinements successifs et, désormais, du couvre-feu et la délinquance s'est déportée dans les gares, les enceintes et les véhicules de transports. Les opérateurs de transport que j'ai entendus confirment ce glissement et observent, pour certains d'entre eux, une agressivité accrue de la part des personnes contrôlées.

Les agressions sont aussi plus violentes, car les auteurs de vols simples ou à la tire semblent avoir fait évoluer leur mode opératoire, compte tenu des mesures de distanciation physique et de la quasi-absence de touristes qui sont - en règle générale - les cibles privilégiées de ce genre d'atteintes. Ainsi, alors même que la fréquentation des transports publics a chuté de 30 à 40 % en 2020, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer constate, par rapport à 2019, une hausse de 17 % des vols commis avec violence ou sous la menace.

Au-delà des agressions, les agents assermentés des entreprises de transport, qu'il s'agisse des contrôleurs ou des agents de la Suge ou du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) - les services de sécurité interne respectifs de la SNCF et de la RATP - rencontrent d'importantes difficultés à recueillir l'identité des personnes qui commettent des infractions au code des transports, ce qui peut donner un sentiment d'impunité aux contrevenants et ne permet de recouvrer qu'une part infime du produit des amendes. Le manque à gagner représenterait 600 millions d'euros par an.

Face à ces évolutions, les usagers semblent exprimer une nouvelle demande de sécurité. Il s'agit d'un véritable changement de nature, que l'on n'aurait pas imaginé il y a seulement une dizaine d'années. L'équilibre entre sécurité et protection des libertés publiques ou privées semble s'être déplacé. Au cours de nos auditions, les associations d'usagers ont indiqué privilégier très clairement la sécurité et sont prêtes à accepter avec moins de réserves des dispositifs de vidéosurveillance qui auraient été jugés excessifs dans un passé proche. Je souligne ce point fondamental pour le législateur, car il fait parfois apparaître un certain décalage entre les réflexes juridiques élémentaires et la réalité.

Enfin, il faut rappeler que, en plus du risque terroriste, qui reste prégnant, s'ajoutent, pour nos forces de sécurité nationales et les agents de sûreté des opérateurs de transports, des défis inédits à venir pour notre pays, avec l'accueil des Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024, et donc, si la sortie de crise sanitaire nous le permet, de 11 millions de spectateurs.

Au total, et comme le souligne opportunément le dernier rapport sur la sûreté publié par l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), il faut, pour des raisons écologiques évidentes, combattre la baisse de la fréquentation des transports publics et faire revenir les usagers dans les transports publics. Le risque « insécurité » doit donc à tout prix être écarté.

Dans cette perspective, le volet « transports » de cette proposition de loi répond à un certain nombre de demandes remontées du terrain. Je pense, par exemple, à l'extension du périmètre de compétence de la Suge - elle pourrait désormais intervenir au sein des commerces présents en gare ou alors dans les emprises immobilières nécessaires à l'exploitation des cars utilisés en substitution de certaines lignes ferroviaires - ou encore à l'élargissement du spectre des emplois qui pourront faire l'objet d'enquêtes administratives à ceux occupés au sein du gestionnaire d'infrastructure. Je suis également favorable à la fluidification des échanges d'images entre les forces de sécurité en présence, dans le respect des libertés publiques et privées. J'ai déposé à cet effet plusieurs amendements identiques à ceux des rapporteurs de la commission des lois.

Les neuf amendements que je vous soumets, dont six sont identiques à des amendements des rapporteurs de la commission des lois, reposent sur une conception équilibrée : il s'agit de prendre en compte la composante structurelle de la nouvelle demande de sécurité dans les transports, tout en pariant sur la réversibilité de la composante sécuritaire liée à la pandémie et en ajoutant certaines garanties.

Un point m'a particulièrement frappé au cours des auditions que j'ai conduites : le défaut de coordination entre les nombreuses forces de sécurité en présence. L'exemple de la gare du Nord est emblématique, puisqu'y interviennent neuf acteurs de la sûreté : la brigade des réseaux franciliens, la direction centrale de la police aux frontières, les douanes, la mission « Sentinelle », la police du Xe arrondissement, la Suge, le GPSR, ainsi que deux entreprises de sécurité privée. J'en profite pour relever l'augmentation du recours à des agents de sécurité privée qui nous a été signalée, notamment pour assurer une présence humaine, c'est-à-dire contribuer au sentiment de sécurité.

Certes, cette proposition de loi vise à faciliter les échanges d'images issues de la vidéoprotection, ou encore à renforcer la sécurité dans les zones d'interconnexion, mais il me semble indispensable de renforcer le dialogue sur ce sujet au niveau départemental et de faire en sorte que les différentes parties prenantes s'articulent et se coordonnent de manière plus efficace. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à rendre obligatoire, dans les départements de plus de 1 million d'habitants, la conclusion d'un contrat d'objectif départemental de sûreté dans les transports. Malheureusement, cette possibilité n'a été que trop peu exploitée depuis la loi dite « Savary » de 2016 : un seul contrat a été signé, dans les Bouches-du-Rhône. C'est dommage, car elle permet de meilleurs échanges et une coordination plus efficace entre forces de sécurité.

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