Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, il me revient de conclure, pour aujourd’hui, ce débat sur la dette publique demandé par le groupe Les Républicains. Beaucoup a été dit et je souhaiterais profiter du temps qui m’est imparti pour proposer quelques grands principes qui pourraient guider notre stratégie budgétaire à venir.
Au terme de ce débat, il me semble que l’on peut s’accorder sur le fait qu’il existe deux motifs légitimes d’endettement.
Le premier, c’est de s’endetter pour investir dans l’avenir. Lorsque l’État finance à crédit un projet d’investissement, dont le rendement est supérieur à son coût de financement, il fait une bonne opération.
Le second motif légitime d’endettement, c’est de soutenir le tissu productif en cas de choc économique. La politique budgétaire doit alors être mobilisée pour atténuer ce choc et éviter que la croissance ne soit trop durablement pénalisée.
Quel regard porter sur la dette française au regard de cette grille de lecture ?
Pour reprendre la distinction de Mario Draghi entre la « bonne » et la « mauvaise » dette, il me semble qu’un large consensus existe pour considérer que la dette d’avant-crise était en grande partie de la « mauvaise » dette.
Si les pouvoirs publics ont toujours soutenu l’économie en phase de ralentissement, une réelle volonté de retrouver des marges de manœuvre budgétaires en sortie de crise a manqué. Ainsi, l’actuelle majorité n’a pas profité de l’embellie conjoncturelle du début de quinquennat pour réduire notre déficit structurel. Je vous épargnerai la comparaison, cruelle, avec l’Allemagne…
En outre, la hausse continue de l’endettement depuis les années 1980 ne s’est pas accompagnée d’un effort particulier en faveur de dépenses utiles à la croissance. En réalité, l’endettement a simplement financé des dépenses courantes.
Si la dette pré-covid était donc de la « mauvaise » dette, la dette covid me paraît constituer, à l’inverse, de la « bonne » dette.
En effet, si l’État n’avait pas soutenu les entreprises et les ménages, les faillites auraient atteint des niveaux jamais observés, ce qui aurait grevé les recettes publiques en sortie de crise au risque de compromettre notre capacité de remboursement.
Ce soutien massif a été d’autant plus opportun que la dette covid a été contractée, vous le savez, à taux négatif : elle ne commencera donc à nous coûter que lorsqu’elle sera refinancée sur les marchés, soit dans un peu moins de dix ans en moyenne. Dès lors, gardons-nous de débats inutiles sur la nécessité de cantonner ou d’annuler cette dette qui demeurera encore longtemps « gratuite » pour la France.
Si ce diagnostic est largement partagé, les avis sont plus divergents concernant l’avenir de notre stratégie budgétaire.
Il faut à mon avis distinguer deux temps.
Le premier temps est celui de la crise qui, malheureusement, n’est toujours pas terminée.
Soutenir temporairement le tissu productif et les ménages à court terme reste la bonne stratégie sur le plan économique et budgétaire. Il ne faut pas chercher à redresser les comptes publics avant que l’économie retrouve ses capacités de production au risque, sinon, de casser l’appareil productif, puis la reprise, ce qui nous amène en fait à 2023. En cas d’aggravation de la crise, il ne faudrait pas hésiter à réviser encore à la hausse les mesures de soutien et de relance.
Une fois la crise surmontée viendra le second temps, celui du redressement des comptes publics.
Sur ce plan, l’objectif du prochain quinquennat devrait être de stabiliser l’endettement pour rassurer les marchés. Avec une croissance nominale de 2, 5 % et un endettement de 120 % du PIB, une telle stabilisation suppose de ramener le déficit autour de 3 % du PIB, alors que le déficit structurel devrait être de l’ordre de 5 % à 5, 5 % en sortie de crise. Cela représentera un effort d’économies significatif de l’ordre de 50 à 60 milliards d’euros.
En la matière, trois axes pourraient nous guider.
Tout d’abord – nous l’avons déjà dit souvent avant la crise dans cet hémicycle –, l’effort devra passer par une maîtrise de la dépense et non par une hausse des prélèvements obligatoires, qui sont déjà fort élevés en France.
Ensuite, il faut dès maintenant réfléchir aux réformes structurelles susceptibles d’entraîner des économies, car elles mettent toujours du temps pour produire leurs effets budgétaires. Je pense par exemple à la réforme des retraites, dont le Sénat a toujours rappelé l’impérieuse nécessité, quand bien même la popularité d’une telle mesure n’est pas très grande…
Enfin, il nous faudra à tout prix préserver les dépenses utiles à la croissance. Tirons les enseignements du passé ! S’il faut réaliser des économies, en traquant les dépenses courantes inefficaces, il ne faut pas pour autant sabrer dans les investissements publics.
Permettez-moi enfin d’insister sur la nécessité d’investir pour la transition écologique. Notre débat d’aujourd’hui ne doit pas occulter notre dette climatique : chaque euro non dépensé aujourd’hui en investissements en faveur du climat est reporté de facto sur les générations futures.