Intervention de Julien Bargeton

Réunion du 2 mars 2021 à 14h30
Réforme en cours de l'éducation prioritaire — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Julien BargetonJulien Bargeton :

Deuxième avancée, bien connue : le dédoublement de classes en REP. Désormais, 300 000 élèves de CP et de CE1 sont concernés. Cette politique a rencontré un succès important.

Troisième élément : le dispositif Devoirs faits, dont bénéficient désormais 50 % des collégiens de zone prioritaire. Là encore, c’est, me semble-t-il, un motif de satisfaction, même s’il faut poursuivre nos efforts.

Enfin, la formation des personnels est très tournée vers l’amélioration des apprentissages en mathématiques et en français, parce qu’il faut renforcer les compétences pédagogiques de nos professeurs dans ces matières.

Certes, les résultats de la lutte contre les inégalités scolaires ne sont pas à la hauteur, et cela d’un double point de vue.

Premièrement, dans la lutte contre les ghettos scolaires, qui était l’objectif premier de cette politique. On a créé des dispositifs spécifiques à destination de certains collèges et lycées en très grande difficulté, à défaut de réussir à s’attaquer aux inégalités à leur racine. Or les différents rapports montrent que ces dispositifs sont encore insuffisants pour corriger ces inégalités, à tel point que certains posent la question de leur maintien et s’interrogent sur les moyens permettant de renforcer la mixité sociale.

Ainsi, je me souviens de ce maire du XVIIIe arrondissement de Paris disant préférer à la construction d’un lycée généraliste public – cet arrondissement n’en compte pas –, que les élèves résidant sur son territoire, notamment ceux de ses quartiers populaires, soient scolarisés dans les IXe ou XVIIe arrondissements.

Deuxièmement, il existe des trous dans la raquette, comme le souligne notamment le rapport Azéma-Mathiot. Ainsi, certaines écoles situées en zone rurale ou certains lycées professionnels ont été oubliés, parce que les dispositifs se sont concentrés, disons-le, sur les lycées situés dans les quartiers en difficulté à la périphérie des grandes villes. De fait, certains établissements qui mériteraient d’être pris en compte ne le sont pas.

En définitive, l’objectif de correction des inégalités scolaires n’est pas parfaitement atteint. L’éducation nationale est aussi le réceptacle d’une réalité sociale, et l’on ne peut pas demander à nos professeurs de contrecarrer les logiques de ghetto urbain.

Il faut le souligner, les risques attachés à ce dispositif ne sont pas si élevés. Ce qui nous est proposé est intéressant ; je pense notamment aux contrats locaux d’accompagnement, les CLA, qui permettent une plus grande équité et une meilleure progressivité. L’idée, c’est de pouvoir s’adapter aux situations locales et faire du sur-mesure jusqu’au « dernier kilomètre » – c’est souvent cela qui fait défaut dans ces dispositifs.

Par ailleurs, il faut partir des acteurs de terrain, des projets pédagogiques et de l’analyse qui est faite de la situation. Cela fait écho à un thème qui nous est cher ici au Sénat, celui de la différenciation, à propos duquel un grand texte nous sera bientôt soumis. Cette différenciation passe, bien sûr, par le dialogue social, par la prise en compte des propositions des uns et des autres, donc par la concertation. Différenciation, concertation, sur-mesure : tel est le triptyque ici.

Enfin, je le rappelle, nous parlons là d’une expérimentation, laquelle, évidemment, fera l’objet d’une évaluation, notamment via un comité de suivi qui sera chargé de dire s’il faut, ou non, la généraliser ou la modifier. Par conséquent, il n’existe aucun risque qu’elle vienne perturber les dispositifs en vigueur à ce jour.

Madame la secrétaire d’État, vous pourrez certainement nous rassurer à ce sujet et apporter les clarifications nécessaires au débat, notamment en nous confirmant que les zonages ne seront pas modifiés avant que les résultats de cette expérimentation n’aient été analysés, c’est-à-dire à la rentrée de 2022, donc pour 2023.

Le principe qui sous-tend cette expérimentation, par extension, c’est de combler ces trous dans la raquette dont je parlais, de corriger les insuffisances constatées et non pas de réaffecter les moyens, car cela pourrait susciter d’autres types de débats.

En effet, le risque serait de vouloir se concentrer uniquement sur les établissements les plus en difficulté. Bien sûr, attaquer les inégalités à la racine consiste à donner plus à ceux qui ont moins. Pour autant, selon le principe extrêmement important de la progressivité, il faut également veiller, me semble-t-il, à créer des dispositifs gradués, prenant en compte la réalité de chaque situation. Autrement dit, il faut éviter le tout ou rien, à savoir la politique du REP ou du non-REP, qui a parfois eu cours.

Le contrat local d’accompagnement tend à corriger cette logique du tout ou rien et, en cela, il me paraît être un apport utile.

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