Intervention de Max Brisson

Réunion du 2 mars 2021 à 14h30
Réforme en cours de l'éducation prioritaire — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe CRCE d’avoir proposé ce débat.

« Le français, la morale, le calcul ! », proclamait Jules Ferry. Sa devise illustrait alors la priorité de l’école élémentaire obligatoire et gratuite : l’égal accès de tous aux apprentissages fondamentaux et aux capacités citoyennes.

Puis, progressivement, l’école a suivi le cours de l’évolution de la société, marquée par le besoin de spécialisation et de qualification. L’école capable d’offrir à tous l’égalité des chances par le travail, par la motivation et par le mérite est venue charpenter l’image de l’école vectrice de l’ascenseur social.

La promesse scolaire était alors non plus celle de l’instruction élémentaire pour tous, mais plutôt celle de l’égalité des chances, par le mérite tout d’abord, puis de plus en plus par la différenciation et l’adaptabilité.

Ainsi est née en 1981 l’éducation prioritaire, chargée de corriger les maux de la société pour mieux parvenir à l’égalité des chances. Pourtant, quarante ans après sa création, force est de constater que l’éducation prioritaire n’a atteint ni son objectif de mixité ni, surtout, celui de limiter à 10 % les écarts de niveau entre les élèves des zones prioritaires et les autres.

Au contraire, plus les élèves empruntent les voies du succès et de la réussite et plus la société leur accorde une offre scolaire de qualité et coûteuse. Ainsi, un lycéen français coûte près de 30 % plus cher en moyenne que son camarade issu de l’un des pays membres de l’OCDE, alors que l’élève de l’école élémentaire coûte, lui, 20 % moins cher.

Je crois en fait très profondément que l’éducation prioritaire a souffert du non-respect de son principe initial, c’est-à-dire son caractère temporaire.

Prévue à l’origine pour quatre ans, sa pérennisation par le zonage a marqué au fer les établissements désignés, accélérant le départ des familles les plus favorisées et le turnover des enseignants.

Mes chers collègues, soyons clairs : cette politique était indispensable ; pour autant, nous nous devons de discuter aujourd’hui de la modestie de ses résultats, d’en trouver les causes et de proposer des solutions concrètes. Pour cela, je vous livre aujourd’hui les constats que j’ai dressés.

La réduction des effectifs des classes a été et demeure un moyen trop peu souvent utilisé. Les enseignants affectés sont les moins expérimentés, l’absentéisme y est le plus marqué et les contractuels le plus nombreux. De fait, les mesures d’amélioration de l’attractivité de postes et de stabilisation des équipes éducatives ont été atténuées par la rigidité de gestion des enseignants.

Il est également nécessaire de souligner l’absence d’autonomie des établissements et de marges de manœuvre pour les chefs d’établissement.

Enfin, la labellisation des établissements en réseau d’éducation prioritaire et l’octroi des dérogations à la carte scolaire ont encouragé les stratégies d’évitement des familles et ont contribué à réduire encore la mixité sociale.

Madame la secrétaire d’État, si votre souhait est d’ouvrir le chantier de l’éducation prioritaire, lancez-vous dans la refonte d’un dispositif vacillant et dépassé, en vous détournant d’une politique centralisée à laquelle on vient, pourtant, de vous inviter encore. Ne vous limitez pas à une simple réforme paramétrique du dispositif, faisant fi des erreurs passées.

Pour faire réussir l’éducation prioritaire, il vous faudra adapter les modalités de gestion et d’affectation des professeurs afin d’attirer, de stabiliser, de former et de soutenir les équipes.

Cette ambition renouvelée impliquera nécessairement une augmentation des postes à profil, le renforcement de la formation, l’affectation d’enseignants chevronnés, des conditions de rémunération plus attractives et des modalités d’affectation spécifiques. Il faudra entrer dans une école du contrat, contrairement à ce qui vous a été dit il y a un instant, avec des contrats de mission destinés à permettre aux professeurs chevronnés de venir servir dans ces territoires difficiles.

Pour faire réussir l’éducation prioritaire, il vous faudra aussi adapter l’école à la diversité des territoires et, pour cela, consulter les élus et les équipes éducatives, en les interrogeant sur leur réalité, leur spécificité, en échangeant avec eux sur leurs attentes, leurs difficultés et leurs réussites, en les invitant à partager leurs idées, leurs propositions et même leurs revendications.

Bref, pour réussir, il vous faut faire du sur-mesure, au plus près des établissements, en laissant la main aux acteurs de terrain. Il vous faut desserrer l’étau de la centralisation et du zonage descendant auxquels on vous a encore appelée, pour permettre aux équipes de terrain de prendre une part active aux esquisses de l’école républicaine de demain.

Voilà le chantier de l’éducation prioritaire !

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