Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a déjà souligné Annick Billon, nous ne pouvons que constater les lacunes de l’éducation prioritaire, quarante ans après sa création. La nécessité d’en repenser le système se fait pressante pour mieux répondre aux besoins des élèves et des établissements concernés.
L’expérimentation proposée s’inscrit dans cette logique : améliorer, sans pour autant les déstabiliser, les dispositifs existants, qui ont beaucoup apporté à l’édifice.
Les situations économiques et culturelles, sociales et familiales sont si diverses qu’elles doivent être abordées de façon protéiforme. C’est le seul moyen de s’y adapter et de trouver des solutions. Dès lors, ce projet de réforme, qui vise une approche plus territorialisée et plus large, peut apporter une réponse.
En effet, s’il a permis d’identifier des territoires exigeant des moyens renforcés, le zonage porte en lui-même la difficulté d’un effet frontière.
Au-delà du périmètre défini, l’éducation prioritaire ne serait plus si utile. Or, on le sait, il n’en est rien. La perte du label pour un établissement ou sa fermeture peut faire perdre le statut prioritaire des élèves qui le composaient : c’est absurde !
Qu’importe la structure, ce sont bien les élèves qui ne doivent jamais être perdus de vue ; le véritable enjeu, c’est l’accompagnement individualisé. Ainsi, une approche plus fine, en proximité, est judicieuse afin de n’oublier ni écoles, ni établissements, ni élèves de cet accompagnement renforcé.
Des points de vigilance existent néanmoins, car cet objectif ambitieux est difficile à atteindre à moyens constants.
Le premier écueil a trait à la répartition des moyens dans les contrats locaux. Les caractéristiques des établissements, des élèves, des enseignants et enfin des académies restent pour l’heure des critères théoriques, donc d’un maniement complexe.
Il ne faut pas diluer l’enjeu de lutte contre les inégalités sociales en matière de scolarité en diluant les moyens. Les problématiques des territoires ruraux et celles des quartiers ne sont pas les mêmes. Et s’il serait préjudiciable de les aborder de manière uniforme, la différenciation ne peut être menée qu’à la marge.
Un deuxième point de vigilance porte sur l’évaluation de cette expérimentation : qui l’effectuera, sur la base de quelles observations et quand ? Madame la secrétaire d’État, sur ce dernier point, vous avez indiqué que le bilan serait dressé au bout d’un an et qu’il serait possible d’étendre l’expérimentation à d’autres académies au-delà de ce délai.
Cette voie de l’extension est indispensable, car, si l’expérimentation est prometteuse, il est pertinent de l’adapter à d’autres territoires : cette réforme pourrait offrir une plus grande souplesse organisationnelle sur le terrain et un accompagnement plus large que le système actuel.
En parallèle, comment articuler ces initiatives et le zonage en vigueur, avec ses seuils REP et REP+ ? Les territoires éducatifs ruraux, les TER, que vous avez mis en place, visent à accompagner globalement l’enfant en mobilisant tous les acteurs en milieu rural, à savoir la communauté éducative et les élus locaux.
Cette approche transversale de contractualisation a fait ses preuves pour accompagner l’enfant dans son parcours et renforcer son environnement éducatif. Néanmoins, comment sera-t-il possible d’articuler ces expérimentations avec le maintien du zonage actuel et, ainsi, de faire progresser l’ensemble ?
La question du cas par cas se posera. Elle impliquera des arbitrages si les moyens sont constants, et vous le savez.
Enfin, l’accompagnement individualisé des enfants exige de réfléchir à une organisation complète avec les collectivités territoriales. Ces dernières n’ont pas toutes les mêmes facilités budgétaires : tout dépend de leur taille et de leurs ressources, particulièrement en milieu rural, et la réforme ne peut reposer sur elles seules.
Il a bien fallu trouver des postes pour dédoubler les classes : il faudra que l’État fasse de même pour assurer un accompagnement plus individualisé et plus territorialisé, afin de renforcer l’égalité.
Madame la secrétaire d’État, l’objectif à atteindre prend tout son sens dans l’école de la République : nul ne peut se satisfaire de la situation actuelle. C’est pour cela que nous suivrons avec attention les initiatives en cours de déploiement. Rien ne serait pire qu’un échec de cette réforme, faute de moyens adaptés et de temps. C’est un enjeu que nous faisons nôtre : il est, sans mauvais jeu de mots, prioritaire !