Intervention de Sabine Van Heghe

Réunion du 2 mars 2021 à 14h30
Réforme en cours de l'éducation prioritaire — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Sabine Van HegheSabine Van Heghe :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste d’avoir demandé ce débat sur la réforme en cours de l’éducation prioritaire.

Le zonage de l’éducation prioritaire ne concerne que 30 % des élèves en situation difficile. Ainsi, les écoles dites « orphelines », les lycées professionnels et les écoles rurales ne relèvent pas de ce dispositif ou n’en bénéficient que peu. Or – je le constate dans mon territoire du Pas-de-Calais – les écoles rurales ont un impérieux besoin de moyens supplémentaires.

Je suis favorable au renforcement des moyens dans des territoires pouvant connaître des situations conjoncturelles difficiles, liées à la fermeture d’usines par exemple. Malheureusement, le Pas-de-Calais connaît ces chocs conjoncturels et sociaux ; récemment encore, il a subi la fermeture du site Bridgestone de Béthune.

Madame la secrétaire d’État, l’annonce de votre expérimentation, en novembre dernier, a également suscité de nombreuses inquiétudes.

La Cour des comptes l’a souligné dans son rapport de 2018 : la politique d’éducation prioritaire est la seule politique nationale de lutte contre les inégalités sociales. Nous devons donc la réformer avec la plus grande prudence.

Pourquoi ne pas réviser la carte des REP et des REP+, qui laisse de côté 70 % des élèves défavorisés ?

Au fil de vos déclarations, le financement de cette expérimentation demeure incertain. Lors de la précédente révision des zones d’éducation prioritaires, en 2014, la majorité de gauche d’alors avait dégagé 350 millions d’euros de budget supplémentaires, dont 100 millions d’euros pour les indemnités de personnel.

Je crains que le renforcement des moyens pour les écoles rurales ne débouche sur le regroupement des établissements et, comme le redoutent les maires, sur des fermetures d’écoles. Il est d’ailleurs à noter que vous avez annoncé votre expérimentation sans concertation préalable avec les élus locaux.

Va-t-on assister à des transferts de moyens des ghettos urbains vers les zones rurales, alors que les problématiques ne sont pas du tout les mêmes ? Les écoles rurales ont besoin de moyens, mais de moyens spécifiques.

Les interrogations ont été renforcées par le lancement, en janvier dernier, d’une autre expérimentation : les territoires éducatifs ruraux, au sein des académies d’Amiens, de Nancy-Metz et de Normandie.

Ce dispositif entend englober le parcours de l’élève depuis sa petite enfance jusqu’à son insertion professionnelle. Le chevauchement de ces expérimentations augmente l’incertitude pour l’ensemble des acteurs concernés quant à l’approche privilégiée par le Gouvernement pour répondre aux enjeux spécifiques aux écoles rurales.

Les contrats locaux d’accompagnement, qui permettent aux recteurs d’octroyer des moyens supplémentaires à certains établissements, suscitent eux aussi des inquiétudes : si l’expérimentation est généralisée, elle signera la fin de la coordination nationale garantissant l’équité dans la répartition des moyens. Les moyens dévolus aux établissements pourraient varier selon la sensibilité de chaque recteur, ce qui nous exposerait, hélas, au risque de clientélisme.

Madame la secrétaire d’État, votre expérimentation a été lancée trop tardivement, et je m’interroge au sujet des critères de sélection des académies. Ainsi, je regrette que les outre-mer n’y soient pas représentés, compte tenu de leurs spécificités. Au reste, la Cour des comptes a récemment émis des critiques au sujet de l’éducation prioritaire dans les territoires ultramarins.

Cet embryon de réforme et la précipitation avec laquelle vous procédez suscitent de nombreuses interrogations et inquiétudes. Avec l’ensemble de mes collègues sénateurs socialistes, écologistes et républicains, je m’opposerai à toute tentative de détricotage de la politique menée en faveur des élèves les plus défavorisés !

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