Permettez-moi quelques mots en introduction pour présenter le PRODISS, premier syndicat d'employeurs du spectacle vivant privé en matière de représentativité patronale. Il se compose de plus de 400 entreprises - producteurs et diffuseurs de spectacles, exploitants de salles, et organisateurs de festivals -, dont 84 % sont de très petites, petites ou moyennes entreprises, réparties sur l'ensemble du territoire. Le PRODISS compte également parmi ses membres les syndicats représentant les théâtres privés et les cabarets. Le PRODISS représente ainsi 90 % du spectacle vivant privé.
Vous avez souligné à juste titre que l'activité dans notre secteur est intégralement à l'arrêt depuis maintenant un an. Contrairement à d'autres secteurs d'activités, le spectacle vivant n'a pas été autorisé à reprendre ses activités et nous n'avons, à ce stade, aucune perspective.
Avant la crise, le secteur du spectacle vivant contribuait très directement à la vitalité de nos territoires. Une étude a montré qu'un euro généré par le coeur de l'industrie créait un euro supplémentaire parmi les prestataires et au sein de l'économie touristique. Le secteur du spectacle vivant représentait, avant la crise, 30 millions de spectateurs annuels et près de 5 milliards d'euros de retombées économiques directes et indirectes par an.
La crise a généré d'importantes pertes. La perte de chiffre d'affaires du spectacle vivant musical et de variété en 2020 est estimée à 84 % du chiffre d'affaires habituel, pour un montant qui s'élève à 2,3 milliards d'euros. Les entreprises affichent des pertes nettes très élevées. Dans une étude que nous lui avons commandée, le cabinet EY a estimé qu'il leur faudrait sept ans, soit jusqu'en 2028, pour récupérer ces pertes nettes, ce qui obérera leur capacité d'investissement pendant cette période. Une entreprise sur deux est menacée de faillite, même si aucune n'est encore à déplorer grâce aux dispositifs d'aide mis en place depuis le début de la crise.
Nous avons besoin de perspectives de reprise, mais celles-ci restent incertaines. Cette incertitude n'est plus tenable pour notre secteur pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'il est maintenant à l'arrêt depuis plus d'un an, ce qui le place dans une situation plus critique que d'autres secteurs qui ont eu la possibilité de poursuivre ou de reprendre leur activité. Ensuite, parce qu'il s'agit d'un secteur fragile, essentiellement composé de TPE-PME. Aussi, parce que son modèle économique repose exclusivement sur la billetterie et que celle-ci est totalement atone, privant les établissements de toutes recettes. Enfin, parce que son mode de fonctionnement et de préparation des événements rend certains délais incompressibles. Décréter la réouverture des lieux est une chose, mais elle ne pourra pas se traduire par une reprise d'activité immédiate. La remise en route des spectacles, tournées et festivals nécessite des temps de préparation : pour remettre en mouvement les équipes artistiques et techniques, pour commercialiser les spectacles, etc. Ce temps de préparation est proportionnel à la taille des projets. Il est de l'ordre de trois mois et demi pour les plus petits projets et peut aller jusqu'à deux ans pour l'organisation des grandes tournées qui irriguent l'ensemble de la France.
Les récentes annonces de la ministre de la Culture au sujet des festivals illustrent ce problème de visibilité et d'anticipation. Certes, Roselyne Bachelot a annoncé qu'il y aurait des rassemblements cet été jusqu'à 5 000 personnes, en position assise et distanciée, sans buvette ni restauration. Mais elle a aussi dit que les règles seraient évolutives en fonction de la situation sanitaire et qu'il faudrait nous revoir chaque mois pour adapter les protocoles. Ce n'est pas une vraie date de reprise, puisque nous ne savons pas quand ces règles commenceront à s'appliquer, alors que la saison des festivals commence pour nos adhérents dès le mois de mai.
Nous demandons un calendrier de reprise avec des dates glissantes de reprise. Nous avons travaillé avec le ministère sur des phasages, mais jamais aucun critère ni aucune date n'y ont été associés. Nos entreprises sont incapables, dans ces conditions, de programmer et d'investir.
Reconnaissons néanmoins que le secteur a bénéficié d'un accompagnement de l'État important au travers des dispositifs transversaux mis en place : l'activité partielle exceptionnelle, dont nous espérons qu'elle sera prolongée au-delà du 30 juin 2021 si la situation devait se poursuivre ; le fonds de solidarité renforcé ; les exonérations de cotisations sociales patronales. Nous avons également bénéficié de mesures de soutien sectorielles gérées par le Centre national de la musique. Mais ces mesures ont été conçues à un moment où l'on s'attendait à ce la reprise soit effective en 2021. Il faudra s'interroger sur l'opportunité de prolonger et de renforcer ces aides, dans un premier temps pour la sauvegarde des entreprises, puis ensuite pour leur relance. Le crédit d'impôt pour le spectacle vivant nous parait pouvoir être un autre levier de la relance. Malgré le vote du Sénat lors de l'examen de la loi de finances pour 2021, l'Assemblée nationale a refusé de bonifier ce dispositif. Nous avons absolument besoin d'un outil fiscal pour restaurer notre capacité à investir dans la production de spectacles.
Face aux réticences du Gouvernement à envisager la reprise des spectacles en jauge debout, nous sommes à l'initiative, avec le soutien de la Mairie de Paris, d'un projet scientifique de concert test, qui se tiendra à l'Accor Arena en avril. Nous travaillons en partenariat avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Les ministères de la Culture et de la Santé sont associés à son organisation. Nous espérons que ce concert permettra d'entamer des discussions autour des conditions de reprise de ce type de spectacles, qu'ils aient lieu en salles ou dans le cadre de festivals. Les spectacles en jauge assise reprendront sans doute plus rapidement.