Le SNDPT regroupe des entreprises de création, production et diffusion de spectacles de théâtre intervenant à l'échelle nationale : théâtres-producteurs, producteurs-tourneurs et salles de spectacles. Ses adhérents assument le risque de la création. Ils représentent 85 % de la fréquentation théâtrale à Paris, soit plus de trois millions de spectateurs et 50 % des spectacles d'initiative privée en région, soit près d'un million de spectateurs dans les territoires.
En temps normal, le chiffre d'affaires annuel de nos adhérents est de l'ordre de 250 millions d'euros, dont une majorité provient de la billetterie sur les spectacles de théâtre et, de façon plus marginale, de la billetterie sur les spectacles d'humour et musicaux et de la location de salles pour des événements ou de quelques captations.
Nos adhérents emploient près de 6 000 salariés dont 1 500 emplois permanents. Les 4 500 artistes et techniciens intermittents employés par nos adhérents ont pour caractéristique d'être salariés sur de longues périodes (80 dates en moyenne).
Lorsque l'activité a été stoppée nette à la mi-mars 2020, les entreprises étaient déjà dans une situation économique déstabilisée. La fin d'année 2019 avait été compliquée en raison des manifestations contre le projet de réforme des retraites et de leur impact sur les transports, à Paris notamment. La mise en place du volet 1 du fonds d'urgence pour le spectacle vivant, dont la gestion a été confiée à l'Association de soutien au théâtre privé (ASTP), n'a, dans un premier temps, compensé que dix semaines d'inactivité et soutenu uniquement une partie des charges fixes des entreprises. Les entreprises ont eu recours à l'activité partielle pour la majeure partie de leurs salariés permanents et également pour les intermittents, avec un reste à charge important pour ceux-ci et notamment les congés spectacle.
Seuls quelques théâtres ont été en mesure de rouvrir en juin en raison des contraintes sanitaires, mais aussi faute d'être en capacité de relancer une programmation. L'impact du premier confinement représente une perte de chiffre d'affaires de mi-mars à fin mai estimé à près de 60 millions d'euros.
Les théâtres privés ont relancé leur activité en septembre, lorsque cela a été possible, malgré les jauges dégradées et les surcoûts liés à l'application des protocoles sanitaires. La compensation mise en place via le fonds de compensation de la billetterie, géré par l'ASTP, l'a été dans des conditions moins généreuses que celles du fonds de compensation musique-variétés géré par le Centre national de la musique (CNM). Ce dispositif a surtout rapidement trouvé ses limites avec l'instauration du couvre-feu à 21 heures en octobre, qui a condamné les multiprogrammations pourtant essentielles à l'économie des petites salles et rendu impossible pour tous les théâtres la programmation des spectacles plus de quatre fois par semaine, contre une moyenne de six fois en temps normal, nécessaire à l'amortissement des coûts de création des spectacles.
Le deuxième confinement décidé fin octobre a mis un nouveau coup d'arrêt à l'activité théâtrale. Un second volet du fonds d'urgence a été mis en place, toujours géré par l'ASTP, pour soutenir une partie des charges fixes des entreprises du secteur hors masse salariale, cette fois pour seize semaines.
Quant aux producteurs-tourneurs, ils sont dans une situation d'extrême fragilité. La quasi-totalité des tournées et des dates en régions ont été annulées depuis mars 2020. Ils ont été aidés seulement à concurrence de 15 % des coûts de cession de leurs spectacles annulés et non reportés. Or, la plupart des théâtres de régions qui accueillaient leurs spectacles reportent leur programmation au mieux au dernier trimestre 2021, lorsque ce n'est pas en 2022.
Contrairement aux espoirs suscités par les propos de la Ministre concernant une possible réouverture des théâtres en décembre, les salles de théâtres sont restées fermées pendant cette période de l'année qui constitue habituellement la plus forte période d'activité. Le secteur regrette vivement l'absence d'une véritable concertation avec les professionnels. Les salles de spectacles ont le sentiment d'avoir été sacrifiées, alors qu'elles sont pourtant fondamentales, si on ne veut pas les qualifier d'essentielles. Une étude allemande a encore très récemment démontré que les salles n'étaient pas des lieux à risque. Ce sentiment d'injustice perdure, même si le soutien financier de l'État a été maintenu et renforcé via les aides générales et sectorielles.
Notre secteur espère une reprise prochaine, sur la durée. Mais, il est indispensable de nous laisser du temps en amont pour préparer cette réouverture : a minima, trois à cinq semaines pour nous donner le temps nécessaire afin de relancer les programmations et de commercialiser les spectacles. Par ailleurs, il faut absolument éviter le « stop and go » dont les effets sont dramatiques pour l'économie des entreprises de notre secteur. On constate en effet que les mesures sanitaires prises à l'automne 2020 - le couvre-feu du 17 octobre, puis le confinement du 30 octobre - ont eu un effet de ciseau pour les entreprises du fait des dépenses importantes engagées pour relancer l'activité en septembre et de l'absence, au final, de recettes engrangées. Les entreprises n'ont pas pu amortir et rentabiliser par des recettes de billetterie suffisantes les coûts fixes et variables qu'elles avaient pris en charge pour la reprise des spectacles et des productions. Certains établissements estiment que leurs pertes, sur cette période, sont deux fois plus élevées que s'ils n'avaient pas repris leur activité.
Quelles sont les perspectives pour la reprise ? Après plus d'un an de crise sanitaire, la quasi-totalité des entreprises ont une trésorerie négative, hors prêts garantis par l'État (PGE). Elles n'ont plus aucun matelas pour assurer leurs besoins de trésorerie d'exploitation et encore moins pour financer la reprise d'activité. Elles ne pourront pas rembourser leur PGE, ni leurs autres emprunts en cours. Par ailleurs, le crédit d'impôt théâtre, mis en place dans le cadre de la loi de finances pour 2021, n'est pas encore opérationnel.
Il n'est pas concevable pour le théâtre privé de reprendre son activité avec le maintien des mesures de couvre-feu à 18 heures ou à 20 heures. Une reprise avec couvre-feu à 21 heures pourrait être envisagée dans un premier temps, sous réserve qu'une tolérance soit appliquée pour permettre aux spectateurs de rentrer chez eux sur présentation de leur billet de spectacle.
Il nous parait également indispensable que des mesures financières d'accompagnement de la reprise perdurent et soient même étoffées pour sauver le théâtre privé. Je pense au maintien de l'activité partielle avec une compensation financière de 100 % versée par l'État jusqu'au 31 décembre 2021 ; au maintien de l'accès au fonds de solidarité en complément des aides sectorielles ; au maintien du fonds de compensation de la billetterie durant toute la période où une jauge réduite sera imposée, avec un alignement de ses conditions sur celles fixées par le Centre national de la musique ; à la nécessité de doter le fonds de sauvegarde sectoriel d'un montant permettant de sauver l'ensemble des entreprises ; ou encore à la mise en place d'aides à l'emploi pour les artistes afin de relancer l'activité et les distributions nombreuses. Ces mesures devront être activées et dotées en fonction de l'évolution de la pandémie et « quoi qu'il en coûte », pour reprendre l'expression du Président de la République.
Je me permets de vous adresser un message de la part du CAMULC, le syndicat des cabarets et music-halls, auquel nous sommes associés au sein de la fédération SCÈNES. Il déplore de ne pas avoir été invité à participer à cette table ronde, au sein de laquelle il considère qu'il avait toute sa place au regard de la nature des autres organisations invitées. Il comprend mal cette exclusion, qui lui donne le sentiment que les cabarets, au nombre de 200 en France, dont 170 en région, sont les oubliés du spectacle vivant, malgré le fait qu'ils irriguent l'ensemble du territoire. Leur activité présente des particularités qui auraient justifié qu'ils soient représentés aujourd'hui, notamment la possibilité pour les spectateurs de consommer pendant le spectacle. Le CAMULC se tient à votre disposition pour vous présenter la situation de son secteur, aujourd'hui confronté aux mêmes problèmes et aux mêmes angoisses que tous les établissements représentés dans cette table ronde.