Intervention de Antoine Flahault

Mission commune d'information Effets des mesures en matière de confinement — Réunion du 4 mars 2021 à 10h35

Antoine Flahault :

Pour revenir sur la question du plein air, il n'y a pas, selon moi, dans la littérature scientifique, de clusters survenus en plein air. Je n'ai pas connaissance de l'existence de tels clusters, ni après la Fête de la musique en France, ni après les manifestations Black Lives Matter dans le monde, notamment aux États-Unis. Dans des pays qui tracent beaucoup comme l'Australie, il n'y a pas eu non plus, à ma connaissance, de clusters rapportés en plein air. Le plein air doit être promu comme un lieu permettant des pratiques à très faible risque de circulation du virus. L'essentiel des contaminations dans les stades de foot, par exemple, sont survenues lors de la « troisième mi-temps », et non dans le stade stricto sensu. Le problème des grands rassemblements est sans doute cette fameuse « troisième mi-temps », c'est-à-dire ces partages conviviaux de repas et de boissons sur place dans des bars ou des restaurants, ou même chez soi après l'événement.

Quant aux spectacles dans des espaces clos, l'expérimentation conduite à Barcelone montre que l'on peut avoir des concerts debout, y compris sans distance physique, si le masque est bien porté. Il n'y a donc pas tellement de raisons, en plein air, d'imposer d'être assis. La seule route de transmission qui subsiste en plein air, est la route, si je puis dire « balistique », directe, c'est-à-dire le cas où vous postillonnez sur quelqu'un situé trop près de vous. La distance physique en plein air doit donc assurer une sécurité quasiment totale. Et, si vous avez un masque ainsi que vos voisins, en plein air vous ne risquez rien. Les aérosols ne sont pas un objet de contamination en plein air, pas plus que le plein air n'est un cadre de risque de tabagisme passif. Si la densité est très forte, le port du masque et la distanciation physique sont des mesures de précaution supplémentaires qui doivent permettre la tenue de festivals en plein air.

Pour la question de la restauration, s'il est possible de manger et de boire à distance des gens qui ne sont pas de votre foyer, alors cela ne représente pas non plus de risque supplémentaire. Le plein air devrait être promu, et selon moi, ne présente pas de risque.

Concernant le pass sanitaire et les QR codes, je suis conscient du problème des personnes électro-sensibles, même s'il ne s'agit pas d'une question clairement documentée sur le plan scientifique aujourd'hui ; les gens le rapportent et c'est cela qui est important. Je suis également sensible à l'argument selon lequel certains de vos publics ne sont pas toujours équipés de smartphones. Cela dit, et dans un premier temps, comme accompagnement de mesures de déconfinement, je pense qu'il est de l'intérêt des milieux du spectacle d'adhérer à des méthodes de traçage modernes rendues possibles par le smartphone. Il sera intéressant et important de documenter l'absence de clusters d'une part, et d'autre part, en cas de clusters, de rechercher rapidement les personnes à l'origine de la chaîne de contamination afin de comprendre ce qu'il s'est passé. Cela permettra également de ne pas jeter le discrédit sur la profession à nouveau, si des clusters non contrôlés, des « méga clusters », apparaissaient, comme cela a pu arriver par le passé, et comme cela pourrait encore arriver.

Je suis aussi très sensible à la question éthique dans le cas de la mise en place d'un pass vaccinal. Je crois cependant qu'il est plutôt envisagé, en France, la mise en place d'un pass sanitaire qui permettrait d'accéder à des événements, en cas d'anticorps ou de test négatif. Il est bien entendu qu'il ne devra pas s'agir d'un test coûteux comme un test PCR, mais d'un test rapide et non coûteux afin de ne pas pénaliser les personnes qui souhaiteraient assister à un spectacle.

En ce qui concerne la jauge, si un taux de remplissage de 80 ou 90 % est probablement trop élevé pour les spectacles en salles à ce jour, je pense qu'il est possible d'aller au-delà de la jauge de 50 %. Pour reprendre l'exemple espagnol, à l'Opéra royal de Madrid, la jauge retenue est de 66 %. J'ignore la composition exacte de votre public, mais si on part d'une jauge de 50 % et qu'on y ajoute les personnes d'un même foyer qui sont autorisées à s'asseoir côte à côte, on remplit davantage les salles de spectacle. Vous pourriez travailler sur ce type de mécanisme, où vous acceptez que les gens qui vivent ensemble puissent être assis les uns à côté des autres, avec une distance vis-à-vis des personnes ne vivant pas dans le même foyer. Cela vous permettrait sans doute d'avoir des taux de remplissage de l'ordre de 66, voire 70 %. Il n'y a donc pas une nécessité d'être à 50 %, me semble-t-il.

Pour les salles de cinéma, on peut imaginer qu'elles puissent faire l'objet d'investissements en systèmes de ventilation. Cela leur sera, en tout état de cause, très utile dans le futur, car tous les virus respiratoires ont une composante de transmission par aérosols. Il s'agit donc d'un investissement dont les bénéfices ne se limiteront pas à la seule lutte contre la covid-19.

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