Intervention de Salomé Berlioux

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 4 février 2021 : 1ère réunion
Audition de Mme Salomé Berlioux fondatrice et directrice générale de l'association chemins d'avenirs

Salomé Berlioux, fondatrice de l'association Chemins d'Avenirs :

S'agissant des profils, sept bénéficiaires sur dix sont des filles, ce qui peut être interprété de trois façons. D'abord, lorsque nous parlons d'autocensure en intervenant dans les collèges et lycées, les filles sont les premières à se reconnaître dans nos propos. Ensuite, ce programme repose sur la motivation. Or elles sont très motivées et le restent dans toute la suite de leur parcours, qu'elles suivent de façon très assidue, comme le montrent nos témoignages d'Alumni. Enfin, je constate une différence de maturité, notamment au collège. Les garçons, en quatrième, s'intéressent moins à leur avenir que les jeunes filles qui se projettent déjà au lycée.

En outre, je suis très attachée à la notion de réalisation du potentiel. Bien que je salue le travail d'une structure comme la fédération Des territoires aux grandes écoles, la question des parcours sélectifs et élitistes est un aspect seulement du sujet. Aux États-Unis, ce n'est pas parce qu'une élite noire américaine a émergé que la question noire a été réglée. La notion de potentiel permet de considérer qu'une jeune fille, si elle souhaite reprendre l'exploitation agricole de ses parents, devenir diplomate, chef d'entreprise ou artisane dans son territoire peut le faire, sous réserve que cela corresponde à ses envies profondes et que ses vraies aspirations aient pu s'exprimer. Parmi nos bénéficiaires, nous avons un tiers d'élèves à haut potentiel scolaire, qui ont envie d'aller plus loin d'un point de vue académique, un tiers de décrocheurs et un tiers correspondant au milieu de classe, sur lequel le système ne parie pas nécessairement mais qui, en étant accompagné, peut aller beaucoup plus loin.

Sur la question de l'âge auquel intervenir, initialement, j'avais conçu le dispositif pour les lycéens. En travaillant avec des acteurs de l'Éducation nationale durant l'année d'expérimentation, nous avons considéré qu'en intervenant dans la ruralité, nous avions aussi besoin d'un dispositif pour les collégiens, parce que la quatrième et la troisième sont un premier cap décisif en termes de changement d'orientation. Je partage votre analyse concernant le besoin d'intervenir dès l'école primaire, mais une association doit réaliser des choix et ne peut accompagner tout le monde. En revanche, ce sujet touche à l'implication des familles dans la sensibilisation à la question du choix de l'orientation, qui est une question cruciale.

S'agissant de la mobilité et de l'ouverture aux établissements, le rapport de Martin Hirsch sur la question de l'ouverture sociale des grandes écoles recouvre désormais la dimension de l'ouverture territoriale, en partie grâce à une audition de Chemins d'avenirs. Cette question de la diversité territoriale se pose dans les grandes écoles, les formations sélectives, mais aussi en entreprise. De nombreux dispositifs, comme à l'ESSEC ou à Sciences Po, sont déjà ouverts à une forme de diversité, mais n'intègrent pas la ruralité. En 2016, lorsque je me suis rapprochée de Sciences Po, la direction m'a indiqué être tributaire de son action auprès des réseaux d'éducation prioritaire, qui se situent en zone urbaine sensible. Il reste donc à penser des dispositifs dans les deux sens, pour que les jeunes se sentent autorisés à bouger et que les formations viennent jusqu'à eux. Il en va de même pour la fonction publique et la haute fonction publique. Je travaille actuellement sur ce point avec le cabinet d'Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, afin que, dès le plus jeune âge, ces métiers soient présentés au sein des établissements, puis à l'université.

Vous m'avez interrogée sur les pistes positives. Je trouve que les « campus connectés » sont une solution sur laquelle il est possible de capitaliser. Dans mon rapport remis à Jean-Michel Blanquer, j'essayais de réfléchir à la façon d'approfondir ces dispositifs pour qu'un jeune qui bénéficie d'une possibilité d'étudier une année de plus au sein de sa commune ou de la commune avoisinante ne soit pas pour autant cantonné à l'enseignement « à distance » mais puisse avoir accès à des rencontres avec des professionnels, des échanges avec d'autres étudiants, et puisse choisir de rejoindre d'autres dispositifs en présentiel.

S'agissant des autres programmes, le programme « Culture et écriture » vise à permettre aux jeunes ruraux de faire venir la culture au sein de leur établissement et d'apprendre à écrire des CV et lettres de motivation attractifs. Nous avons également un programme « Vert l'avenir », qui a vocation à permettre aux jeunes de ces territoires de travailler sur les questions écologiques et d'en faire une force dans leur parcours. Le programme « Elles osent », à destination des jeunes filles, part quant à lui de l'idée du triple déterminisme que j'évoquais tout à l'heure, en mettant en place un double système de mentorat, y compris avec des mentors du quotidien et des mentors prestigieuses (Clara Gaymard, Nathalie Rykiel, Delphine O, etc.) qui viennent témoigner de leur parcours, participent à des ateliers avec les jeunes femmes et incarnent des chemins de réussite pluriels. Nous organisons actuellement une série de webinaires à destination de ces jeunes filles, l'un d'entre eux s'inscrivant dans le cadre de la journée des droits des femmes. Enfin, le programme Alumni a vocation à suivre nos bénéficiaires jusqu'à leur insertion professionnelle. Un bénéficiaire de Chemins d'avenirs peut intégrer le programme dès la classe de quatrième, pour dix-huit mois renouvelables, donc potentiellement jusqu'à la fin du BAC+1, soit pendant six ou sept ans au total.

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