Je partage totalement votre constat. La question des parents qui décrochent dans l'accompagnement des élèves, sont démunis ou ne s'impliquent pas assez sur la question des projets d'orientation n'est toutefois pas spécifiquement rurale. Dans certaines grandes métropoles, les cadres sont, eux, sensibilisés à ce sujet et accompagnent les jeunes dans la réalisation de leur parcours parce qu'eux-mêmes ont suivi des études supérieures. Au-delà de ce phénomène, la question cruciale du rôle des parents se retrouve dans plusieurs types de territoires, notamment dans les quartiers sensibles.
Chez Chemins d'avenirs, les parents interviennent dès l'origine, puisque quand le jeune rejoint le programme, il signe un contrat d'engagement, que signent également son chef d'établissement et sa famille. Il ne peut donc rejoindre le programme Chemins d'avenirs sans que ses parents ne le sachent. Nous n'observons pas de résistance manifeste à ce moment. Ensuite, nous incitons le parrain ou la marraine, dès le début du programme, à prendre contact avec les parents au moment de la visioconférence, pour se présenter, décrire sa démarche, indiquer qu'il ne prétend pas prendre la place de l'établissement scolaire ou du parent, etc. Les parents sont généralement extrêmement reconnaissants de cet accompagnement et souhaitent rencontrer les parrains, participent à des activités, envoient leur enfant réaliser un stage chez le parrain ou la marraine aux vacances scolaires, etc. Nous sommes confrontés à des difficultés lorsque les voeux d'orientation sont formulés et que le parrain a parfois joué un rôle déterminant : les familles lui font alors comprendre que la décision ne lui appartient pas, si elles-mêmes ne souhaitent pas que leur enfant poursuive des études supérieures. Nous menons alors un travail avec le parent, l'établissement, le parrain et le jeune. Chemins d'avenirs, par son positionnement annexe, parvient parfois à dénouer des freins que l'école ne peut dénouer. Il s'agit donc d'une véritable collaboration avec l'Éducation nationale et la famille.
Je travaille en outre sur la façon dont nous pourrions, de façon systématique, envoyer une lettre aux parents, peut-être en début d'année ou lors de l'octroi de certaines aides, pour les revaloriser dans leur rôle en matière d'orientation. Nous avons proposé aux établissements d'organiser des réunions d'information avec les familles, ce à quoi il nous est souvent répondu qu'il est déjà difficile de mobiliser les familles pour des réunions parents-professeurs. Dans le cadre des leviers de transformation que nous actionnons pour démultiplier notre impact, parmi lesquels le travail de terrain avec les équipes de l'Éducation nationale, la question de la labellisation d'autres structures associatives, celle du collectif Mentorat, qui associe huit associations de mentorat et a vocation à permettre d'expérimenter une politique publique du mentorat dans les prochains mois, se pose avec acuité de même que la question numérique et celle de la mise en place d'un certain nombre de formations auxquelles les jeunes pourraient accéder. Le 18 février prochain, un documentaire sera diffusé sur France Télévisions. Intitulé Ici tout est loin, produit par Mélissa Theuriau et réalisé par Jean-Thomas Ceccaldi, il restitue le suivi des jeunes de Chemins d'avenirs et, plus largement, celui des jeunes ruraux. Le rôle des parents y est très bien mis en évidence. Je pense notamment à un jeune collégien qui souhaite devenir écrivain, à qui il est toutefois indiqué qu'il devra également trouver un « vrai » emploi, si possible dans les environs. Ce documentaire pourra vous intéresser, par son regard très incarné et non caricatural sur le rôle des parents, qui restent très bienveillants, mais globalement souvent démunis.