Intervention de Mathieu Darnaud

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 11 février 2021 à 8h35
Audition de Mme Séverine Arsène chercheuse associée au médialab de sciences po et enseignante à l'université chinoise de hong kong sur le crédit social en chine

Photo de Mathieu DarnaudMathieu Darnaud, président :

Mes chers collègues, je suis heureux d'accueillir Madame Séverine Arsène, chercheuse associée au Médialab de Sciences Po et enseignante à l'Université chinoise de Hong Kong. Je vous remercie, Madame, de participer à cette audition en visioconférence depuis Hong Kong. Cette audition a lieu dans le cadre du rapport de trois de nos collègues sur le rôle des outils numériques dans la prévention et la gestion des pandémies, pour approfondir un sujet qui a suscité, ces derniers mois, beaucoup de fantasmes parfois d'incompréhensions, à savoir le système de crédit social chinois. Ce vaste programme vise à attribuer une note à chaque citoyen et à chaque entreprise, une sorte de respectabilité ou de crédibilité fondée sur de multiples critères, dont les conséquences peuvent parfois aller loin. On parle notamment de fortes amendes mais aussi de l'interdiction de voyager ou de passer des concours.

Je dis « fantasmes » car il est facile de crier immédiatement à la dictature numérique et au « Big Brother » d'Orwell sans autre forme de procès. La réalité est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, qu'il s'agisse des origines de ce système, de ses modalités précises ou de son efficacité.

La crise sanitaire nous présente une réalité pour le moins inconfortable : les pays qui ont le mieux réussi à contenir l'épidémie sont souvent ceux qui ont eu recours aux outils de contrôle social les plus intrusifs, notamment grâce aux technologies numériques. La Chine, à l'évidence, fait partie de ces pays et le système de crédit social a joué un rôle important dans la gestion de l'épidémie, même si on l'assimile souvent, à tort, à d'autres technologies numériques comme le QR Code en santé ou la reconnaissance faciale.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité vous entendre car vos travaux portent précisément sur le numérique en Chine et le système de crédit social.

Je voudrais rappeler que notre rôle, ici, n'est pas de faire de la politique mais bien de la prospective. Si le sujet nous intéresse, c'est parce qu'il nous renvoie à nos propres interrogations, parfois à nos propres contradictions. Si demain nous étions confrontés à une épidémie plus grave encore et que le recours à des technologies numériques intrusives apparaissait comme le moyen le plus efficace de la contenir, serions-nous prêts à suivre ce modèle chinois ? Quelles alternatives pourrions-nous alors construire ? C'est l'objet des travaux conduits par nos collègues Christine Lavarde, Véronique Guillotin et René-Paul Savary, les trois rapporteurs de la délégation qui auront sûrement des questions à poser à notre invitée une fois que celle-ci se sera exprimée.

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