Pour répondre à monsieur le président Woerth, le contrôle de recevabilité financière des amendements exercée par le président de la commission des finances du Sénat nous aurait vraisemblablement empêchés de doter expressément l'Orias d'effectifs supplémentaires pour réaliser toutes ces nouvelles missions : ceci nous a contraints à rechercher d'autres solutions.
Lors de l'examen de ce texte par la commission des finances du Sénat, j'ai exprimé clairement ma conviction selon laquelle ce dispositif ne permettra pas de « révolutionner » la régulation du secteur de l'intermédiation de l'assurance, principalement pour deux raisons.
D'une part, il n'apporte pas de solution aux dysfonctionnements de la libre prestation de services - je pense notamment aux scandales dans le domaine de l'assurance-construction.
D'autre part, il ne mettra pas fin aux pratiques commerciales déloyales parfois observées, compte tenu du fait que les associations professionnelles ne seront pas habilitées à exercer un pouvoir de contrôle envers leurs adhérents dans ces domaines, ce qui serait contraire à la directive européenne.
Ces deux limites s'expliquent donc par les contraintes du droit de l'Union européenne.
En dépit de ces deux regrets, je pense que ce texte constitue une avancée, modeste peut-être, mais qui va dans le bon sens.
Le dispositif est complémentaire aux missions de l'ACPR qui, compte tenu de la diversité et de l'atomicité du secteur, ne peut pas contrôler l'ensemble des courtiers. L'ACPR effectue en effet chaque année environ soixante-dix contrôles alors qu'il existe des dizaines de milliers de courtiers : étendre ces contrôles nous aurait donc conduit à accroître considérablement les moyens de l'ACPR.
Le système proposé reprend celui en vigueur pour les conseillers en investissements financiers, en donnant à des associations la mission d'accompagner les intermédiaires, de vérifier leurs conditions d'exercice ou encore d'offrir un service de médiation. Ces missions seront très utiles pour un secteur soumis à une forte rotation, auquel accèdent et que quittent, chaque année, des milliers d'intermédiaires, notamment beaucoup d'entrepreneurs individuels et de très petites entreprises.
Au-delà de nos divergences initiales, nous sommes parvenus à un compromis avec la rapporteure de l'Assemblée nationale qui permet de conserver trois apports significatifs du Sénat, en plus de modifications rédactionnelles.
Premièrement, les alinéas 29 et 58 offrent la possibilité, pour toute association, de notifier à l'ACPR et aux autres associations sa décision de refus d'adhésion. Il s'agit donc d'une possibilité d'alerter en amont dans le cas où un intermédiaire contreviendrait, de manière particulièrement grave, aux conditions d'adhésion.
Deuxièmement, les alinéas 33 et 62 donnent la possibilité aux associations de formuler des recommandations à leurs membres en matière de pratiques commerciales et de prévention des conflits d'intérêts, dans la limite de ce que permet le droit de l'Union européenne. Cette disposition est essentielle pour donner plus de consistance aux associations professionnelles.
Troisièmement, le I. A de l'article unique vise à mieux encadrer le démarchage téléphonique en matière de distribution de produits d'assurance. Ce dispositif, adopté au Sénat à l'initiative du Gouvernement et modifié par un sous-amendement, permet une meilleure protection du consommateur, compte tenu des nombreux abus constatés pour certains produits assurantiels. Je pense à des exemples de pratiques de démarchage très agressives pour des produits d'assurance santé ou obsèques proposés à des personnes âgées.
En revanche, le texte que nous vous proposons ne retient pas la disposition adoptée par le Sénat consistant à transférer à l'Orias, plutôt qu'aux associations professionnelles, le contrôle du respect des conditions d'honorabilité des salariés, donc du casier judiciaire.
Nous avions privilégié ce mécanisme pour des raisons de fiabilité, l'Orias disposant d'un accès informatisé au casier judiciaire pour les dirigeants. Après un échange avec les acteurs concernés, il a semblé préférable d'écarter cette piste à ce stade en raison, notamment, de la forte rotation des personnels du secteur, qui aurait pu retarder les embauches.
Ce sujet mérite d'être approfondi pour l'ensemble des intermédiaires. Le nombre de faux documents en circulation incite à faciliter les contrôles automatisés plutôt que de demander la communication d'extraits du casier judiciaire. Nous y reviendrons.
S'agissant du démarchage téléphonique, le texte de compromis qui vous est proposé prévoit plusieurs ajustements par rapport à la version adoptée par le Sénat en première lecture. En effet, il nous a semblé nécessaire de faire évoluer le dispositif pour le rapprocher davantage des recommandations figurant dans un avis du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) publié le 19 novembre 2019.
Je vous rappelle qu'il s'agit d'encadrer le démarchage abusif en créant un cadre législatif sécurisant pour le consommateur.
Nous vous proposons donc une distinction entre les appels sollicités et non sollicités. Les dispositions encadrant le démarchage téléphonique, notamment l'obligation d'enregistrer les communications, ne s'appliqueront pas dès lors que l'adhérent éventuel a sollicité l'appel ou a consenti à être appelé, en engageant une démarche expresse en ce sens, ou encore lorsque le souscripteur éventuel est lié au distributeur par un contrat en cours. Il reviendra au distributeur de tenir à la disposition des autorités de contrôle les justificatifs permettant de vérifier le respect de ce cadre.
Je partage un certain nombre des réserves du président Woerth mais je considère néanmoins qu'il y a des avancées, bien qu'elles n'épuisent pas totalement le sujet.