Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 février 2021 à 8h30
Travaux du comité de suivi veolia-suez — Audition en commun avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de M. Thierry Déau président-directeur général de meridiam

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques :

Monsieur le Président-directeur général, votre fonds est devenu depuis de nombreuses années un acteur incontournable dans les infrastructures et le développement durable, à tel point que vous préférez la dénomination « fonds d'infrastructures » à celle de « fonds d'investissement ». Meridiam a acquis sur la place de Paris une réputation d'investisseur patient, puisque vous n'avez, pour l'heure, encore vendu aucune de vos participations. Votre horizon se situe, dites-vous, à 25 ans. Dans l'affaire qui nous occupe aujourd'hui, cet horizon est un atout considérable.

Comme l'a rappelé le président Longeot, vous êtes mêlé depuis plusieurs mois à une « guerre fratricide » au sommet de deux grandes entreprises françaises, opposant Veolia à Suez. À la fin de l'été 2020, en effet, Veolia annonçait son projet d'acquisition de Suez, projet auquel vous êtes étroitement associé puisque vous vous porteriez acquéreur de la branche Suez Eau France - dont Veolia serait obligé de se séparer pour respecter les règles de concurrence. Vous étiez déjà partenaire de Veolia et de Suez dans d'autres projets d'infrastructures. Quelles motivations vous ont donc porté à sortir de votre positionnement d'ordinaire plutôt prudent pour devenir partie prenante d'une OPA qualifiée d'hostile désormais aussi bien par Suez que par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ? Elles tiennent, nul n'en doute, à un projet mûrement réfléchi. Il faudra toutefois que vous nous exposiez ce projet.

Vous disposez d'une expérience et d'une expertise unanimement reconnues dans le champ des infrastructures. Aussi, je ne vous apprendrai rien en rappelant que Suez Eau France, dont vous seriez le repreneur, est l'un de nos fleurons français. Il est l'héritier de la Lyonnaise des eaux et de ce que l'on appelle, un peu pompeusement mais non sans certains motifs de fierté, l'« école française de l'eau ».

Seulement, si cette opération venait à aboutir avec Veolia, après le temps de l'association viendra celui de la compétition. Il vous faudra résister à la concurrence d'un acteur plus grand que vous et peut-être plus puissant que vous - et devenir, à l'inverse, son meilleur ennemi ! C'est donc d'abord de vos performances à la tête de l'ancien Suez Eau France que dépendra la structure concurrentielle du marché. Vous aurez la responsabilité d'empêcher l'émergence de ce que nous redoutons - un quasi-monopole dans l'assainissement et l'approvisionnement en eau, services ô combien essentiels pour nos territoires et la transition écologique. Et comme il ne vous aura pas échappé que, dans cette maison, les collectivités nous tiennent à coeur, nous serons très heureux de vous entendre sur ce sujet.

Des interrogations existent quant à la capacité d'un fonds de gestion d'actifs comme le vôtre à passer à la gestion directe d'un bien public comme l'eau. Il s'agit d'un projet industriel, comme M. Frérot le dit souvent. Comment vous êtes-vous préparé en interne à cette opération d'ampleur, qui vous coûtera la bagatelle de 3 milliards d'euros et peut-être plus puisque les dernières discussions parlent d'un élargissement de l'accord de cession à des actifs d'une valeur de 5 ou 6 milliards d'euros ? Disposez-vous de l'expérience suffisante pour gérer l'approvisionnement en eau de millions de foyers ? En somme, aurez-vous les reins assez solides face à Veolia ?

Ces dernières semaines, vous n'avez eu de cesse que de souligner les paradoxes de la contre-offre montée en janvier par Suez avec Ardian et GIP. M. Frérot dit, à ce sujet, qu'il y a, d'un côté, un projet industriel français et, de l'autre, un projet financier américain.

Face à cette contre-offre, vous avez à plusieurs reprises évoqué des engagements que vous prendriez en cas de rachat de la branche Eau de Suez. Quand il s'agit d'infrastructures aussi essentielles que l'eau, il ne suffit pas de donner des arguments, il faut aussi de solides assurances. Au vu des dossiers économiques récents, nous savons que ces promesses n'engagent que ceux qui les croient... Pourriez-vous nous répondre précisément sur la nature juridique de ces engagements ? S'agit-il uniquement de déclarations publiques, ou avez-vous signé un document avec Veolia ou l'État français qui les liste de manière détaillée ? Seriez-vous prêt à signer un tel contrat lors de la cession, sous peine de nullité de l'opération ?

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