Madame la présidente, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord vous remercier de m'accueillir au Sénat pour répondre à vos questions. C'est un honneur et également une opportunité de vous présenter Meridiam, ses réalisations, ses missions, ses capacités et ses engagements pour Suez Eau France si l'opération de rachat de Veolia aboutit.
J'ai fondé Meridiam il y a quinze ans, fermement convaincu qu'un outil de long terme était nécessaire pour investir dans les territoires avec l'ensemble des parties prenantes et les élus, après une carrière d'ingénieur des Ponts, commencée au sein du groupe Lyonnaise des eaux, sous l'égide de Jérôme Monod, puis au service du bien public à la Caisse des dépôts et consignations en qualité de maître d'ouvrage, de maître d'oeuvre et de gestionnaire de services publics de transport. La Caisse des dépôts m'a offert l'opportunité, à l'âge de 31 ans, de diriger l'une de ses filiales d'ingénierie et de services de plusieurs milliers d'employés.
Depuis, Meridiam a investi plus de 65 milliards d'euros et opère dans 26 pays. Le fonds contrôle un portefeuille de 90 sociétés employant environ 8 000 personnes dans la mobilité des biens et des personnes, l'environnement, la transition écologique et les équipements publics sociaux, grâce à une équipe interne de 300 personnes, dont une grande majorité de spécialistes et d'ingénieurs venant de l'industrie et du service public, notamment de l'eau.
En France, nous avons investi plus de 12 milliards d'euros dans des entreprises de toutes tailles et dans des projets parmi lesquels le vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines, le port de Calais, les lignes à grande vitesse Tours-Bordeaux ou Nîmes-Montpellier, dont nous sommes l'actionnaire contrôlant et majoritaire, la rocade L2 qui a permis le désenclavement des quartiers Nord de Marseille, mais aussi au plus près des collectivités et des agriculteurs avec le premier réseau de production et de service de méthanisation territoriale en France, opéré par la société Evergaz que nous accompagnons dans son développement depuis plusieurs années.
Nous sommes une société à mission et un acteur engagé dans le développement durable. Nous plaçons la performance extra-financière au même niveau que la performance financière. Comme vous l'avez souligné, nous n'avons vendu aucun actif depuis 15 ans.
Ce que nous voulons pour Suez Eau France, c'est un projet centré sur la transparence du service aux collectivités, sur l'innovation au service du consommateur et sur la gestion de la ressource eau, qui est la principale préoccupation des élus locaux et une priorité face au changement climatique.
Nos engagements, quels sont-ils ?
C'est d'abord un projet industriel pour Suez Eau France. C'est la construction d'un acteur international, un champion de l'eau, différencié dans son secteur. L'eau et l'environnement font partie d'une stratégie nationale, portée par la France avec force depuis la COP 21. La France pourra alors compter sur un acteur et un champion français de l'eau. Le climat est un enjeu essentiel pour le service public de l'eau, qui devra s'adapter. Lors des Assises de l'eau qui ont eu lieu dernièrement, il a été relevé que nous ne sommes pas prêts et que des investissements massifs étaient requis.
Notre engagement est également que l'épargne des Français que nous investissons grâce aux institutions qui la collectent et nous la confient - assureurs, caisses de retraite, mutualistes - représente 60 à 70 % du capital de Suez pour 25 ans au moins. C'est donc un projet français, possédé par l'épargne française.
L'eau est un secteur dans lequel nous croyons et que nous connaissons bien. J'y ai commencé ma carrière et, depuis 2007, nous nous appuyons sur une quinzaine de collaborateurs spécialisés qui travaillent dans le secteur de l'eau et de l'environnement, ce qui nous a valu des succès, notamment aux États-Unis et également en Europe, mais aussi des échecs puisque nous avons été finalistes non gagnants du rachat de la société Saur.
Nous allons préserver les emplois et les compétences et nous souhaitons porter ce projet avec le management et le corps social de Suez Eau France. Nous sommes un actionnaire investisseur qui accompagnera l'entreprise dans son développement. Nous ne sommes pas un opérateur à sa place. L'actionnaire qui a vendu sa part de 29 % ne participait pas directement à l'activité ; nous serons plus actifs que lui. Nous sommes un actionnaire actif car nous sommes capables de nous impliquer au coeur des problématiques stratégiques mais aussi des problématiques opérationnelles et sociales. Nous avons également la capacité de mettre à disposition de Suez Eau France - notre réseau international d'innovation et d'activités connexes.
Au sein de Suez Eau France, tous les emplois seront préservés pendant une durée minimale de 5 ans. Nous nous engageons à créer un centre de formation national dans un objectif de transmission des savoir-faire et des compétences et à embaucher 1 000 apprentis supplémentaires dès la première année.
Nous sommes un investisseur de long terme, très patient, indépendant des résultats trimestriels boursiers et regardant notre rentabilité à 25 ans. Nous ne sommes pas des spéculateurs en quête de plus-values rapides. Nous considérons que les territoires les plus ruraux ont autant besoin d'investissements et des services de l'eau que les métropoles. En ce sens, aucun arbitrage de rentabilité ne se fera sur la base de l'opposition entre ruralité et métropole. Nos projets dans les territoires ruraux au service de la transition écologique, en Mayenne, dans le Morbihan, en Vendée, dans les Deux-Sèvres, pas loin de Toulouse ou dans les Ardennes, sont les meilleurs témoins de notre attachement au développement des services publics sur l'ensemble du territoire.
Nous sommes de farouches opposants à tout endettement excessif, que d'autres opérateurs que j'ai cités plus haut ont pu subir. Suez Eau sera une société souveraine, maîtresse de son destin industriel, précisément car nous allons la soutenir de manière privilégiée avec des fonds propres de très long terme. La dette de la société sera donc maintenue à un niveau soutenable selon les critères des agences de notation afin de ne pas obérer ses capacités d'investissement. Nous faisons un pari industriel ambitieux en investissant 860 millions d'euros supplémentaires sur une période de 5 à 7 ans pour l'innovation dans l'outil industriel de Suez, le développement technologique, la recherche, le cycle de l'eau et la ressource. Si cette opération se réalise, nous allons garder et développer le Centre international de recherche sur l'eau et l'environnement (CIRSEE), le laboratoire bordelais du LyRE ainsi que toutes les capacités de Degrémont et Suez International pour la construction afin d'assurer aux collectivités une offre diversifiée qui réponde à nos défis collectifs, en particulier sanitaires et écologiques. Nous intégrerons aussi Suez Smart Solutions et Suez Organique, entité spécialisée sur la valorisation des biodéchets et des boues des stations d'épuration des eaux usées (STEP), métier où nous sommes déjà leaders en France.
J'ai eu l'occasion d'échanger pendant plus d'une dizaine d'heures cumulées ces dernières semaines avec les représentants des CSE des différentes entités. Leurs craintes dans cette période incertaine sont légitimes et nous avons eu des discussions franches et ouvertes : notre ambition, après cela, est toujours intacte. Nous leur avons proposé de contrôler la tenue des engagements que nous avons pris par écrit en adressant un courrier à Engie et à l'État lors de la première transaction d'octobre. Nous souhaitons que les CSE mettent en place un observatoire pour contrôler la tenue de nos engagements au cours du temps. Cet observatoire pourra être aussi l'organe de pilotage de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au sein du nouveau groupe.
Je vous remercie et je suis disposé à répondre à vos questions.