Intervention de Jean-François Longeot

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 février 2021 à 8h30
Travaux du comité de suivi veolia-suez — Audition en commun avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de Mme Dominique Senequier présidente d'ardian

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable :

Madame la présidente, la presse vous présente comme le « chevalier blanc » de Suez. Vous présidez Ardian, une société privée française d'investissement qui gère plus de 110 milliards de dollars d'actifs, ce qui fait de votre groupe un des grands acteurs mondiaux du non-coté.

Vous annonciez, le 17 janvier, avoir noué une alliance avec le fonds américain GIP et remis à Suez une lettre d'intention pour un projet alternatif à celui de Veolia, en précisant qu'il s'agissait d'une solution amicale et non concurrente.

Votre société a créé en 2005 un pôle infrastructure - mais il ne s'agit pas du coeur de vos actifs. Vos expériences passées dans le secteur de l'eau n'ont pas toujours été couronnées de succès, comme en témoigne votre investissement dans la Saur, passée à côté de la faillite en 2013, avec une dette de près de 2 milliards d'euros. Vous comprendrez que les parlementaires que nous sommes nourrissent à juste titre des inquiétudes quant à l'intérêt que vous manifestez à l'égard de l'activité Eau de Suez.

Cela nous conduit à une première série de questions : quel projet industriel portez-vous aux côtés de Suez ? Quel est votre horizon d'investissement, dans un secteur où la temporalité se mesure en décennies ? Pourquoi vous être allié avec GIP, un fonds d'investissement américain à la recherche de taux de rentabilité élevés, ce que ne procure pas le marché de l'eau en France ?

L'eau n'est pas un actif comme les autres : elle est essentielle pour nos territoires, essentielle pour nos collectivités. La qualité et le prix de l'eau sont des enjeux majeurs pour les élus locaux. Leur bilan est évalué à l'aune de l'évolution de la fiscalité et des services rendus à la population, mais également à l'aune de la modération de la hausse des prix en la matière. Les maires et présidents d'intercommunalités y sont très sensibles, et la bataille de l'eau qui a cours actuellement les inquiète à bon droit.

Quelle est votre approche en tant qu'investisseur ? Comment comptez-vous rentabiliser cet investissement et quels engagements prenez-vous pour l'emploi, la qualité de service et le prix de l'eau payé par le consommateur ?

Vous avez manifesté un intérêt dans cette opération en septembre dernier, pour finalement ne pas donner suite et laisser Veolia acheter les parts que détenait Engie dans Suez. Le 17 janvier 2021, vous avez remis une lettre d'intention à Suez, dans le cadre d'une proposition amicale - ce sont vos termes. Celle-ci n'a pas été rendue publique. En quoi consiste-t-elle et comment s'articule-t-elle avec l'offre de Veolia ?

Comment avez-vous travaillé avec Suez ? Quels sont vos objectifs dans ce dossier ? Quelle lecture faites-vous des dernières actualités, à savoir l'offre publique d'acquisition de Veolia en vue d'acheter la totalité du capital de Suez à 18 euros par titre, et la décision du tribunal de commerce de Nanterre ? Quel sera le calendrier à venir ?

Nos inquiétudes concernent également les coûteux investissements dans les infrastructures nécessaires pour assurer la continuité du service et l'amélioration de la qualité de l'eau, tout en garantissant un réseau encore plus performant, avec moins de fuites, des contrôles performants en temps réel, de la captation à la distribution.

Un opérateur financier tel que vous, allié à un fonds américain, sera-t-il en mesure de garantir l'accroissement de la qualité de la distribution et de l'assainissement de l'eau ? La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable est très attachée à ce que l'« école française de l'eau » continue à prospérer et conserve son expertise et son savoir-faire, au service des territoires, des élus et, en un mot, de nos concitoyens.

La souveraineté économique a fait un retour en force dans le discours politique à la lumière de la crise sanitaire. Nous ne voulons pas que le savoir-faire français dans le secteur de l'eau soit vendu à la découpe, d'ici plusieurs années, à des groupes étrangers.

Nous souhaitons vous entendre sur ces nombreux sujets, connaître votre sentiment quant aux craintes qui s'expriment et dont nous sommes les relais. Ce sujet comporte de nombreuses zones d'ombre sur lesquelles, je l'espère, madame la présidente, vous ferez toute la lumière.

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