Intervention de Dominique Senequier

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 février 2021 à 8h30
Travaux du comité de suivi veolia-suez — Audition en commun avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de Mme Dominique Senequier présidente d'ardian

Dominique Senequier, présidente d'Ardian :

Permettez-moi de rappeler le paysage financier. Nous ne sommes pas un fonds, je le répète, mais un groupement de sociétés de gestion. C'est très important.

Si l'on assimile Ardian à un fonds, je rappelle dans ce cas que Veolia est détenue - c'est le jeu de la bourse - à 90 % par des fonds, dont 83 % sont étrangers. Suez, avec l'achat du bloc de 29,9 %, s'est retrouvée affiliée à Veolia et est détenue par des fonds à 50 %. Nous ne sommes pas un fonds, mais ce qu'on appelle des sociétés de gestion, autrefois dénommées organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), souvent dépourvus de personnalité morale. C'est en ce sens que j'ai indiqué tout à l'heure qu'Ardian était comparable à Amundi, même si nous sommes moins gros et plus spécialisés sur des investissements de long terme.

Engie est, quant à elle, détenue à 70 % par des fonds - je parlerais quant à moi de sociétés de gestion - dont 64 % sont étrangers et dont les volumes sont beaucoup plus importants que les sociétés de gestion françaises.

Ces sociétés ont quelquefois un dialogue difficile avec leurs actionnaires du fait de la présence de spécialistes de la gestion active - fonds dits activistes ou hedge funds -, qui ne font que de l'arbitrage. La différence entre Ardian et ces actionnaires dont le métier est l'achat en bourse réside dans la durée de détention des actifs. C'est un point essentiel. Ardian investit à long terme, alors que les sociétés de gestion traditionnelles font tourner leur portefeuille rapidement ou gèrent des fonds dits indiciels qui ne regardent que le poids de chaque entreprise dans un indice boursier, sans se préoccuper de la stratégie de l'entreprise.

Nous avons dit au management et à l'intersyndicale de Suez que l'entreprise pourrait revenir à la Bourse de Paris d'ici quelques années.

Il est très important de comprendre que nos métiers d'investissement sont des métiers à long terme, amicaux, en partenariat avec les dirigeants des entreprises et, bien évidemment, les syndicats.

S'agissant de Photonis, nous avons initié le processus de cession de cette entreprise française, spécialiste de l'optronique, que nous détenons depuis dix ans. On ne peut nous accuser d'agir à court terme. Nous avons impliqué tous les acteurs industriels français lors du début du processus de cession - Thales, Safran, etc. Ils ont tous refusé de s'intéresser au rachat de cette société, qui est pourtant une très belle entreprise.

Nous avons travaillé depuis le départ en étroite collaboration avec les services de l'État pour les tenir informés tout au long du processus de cession et nous avons obtenu le feu vert du Trésor et de la direction générale de l'armement (DGA), ce qui nous paraissait, au bout de dix-huit mois, être très favorable.

L'entreprise Teledyne France, qui est présente en France, filiale de Teledyne Technologie Inc., a fait part de son intérêt d'acquérir Photonis en apportant toutes les garanties demandées par l'État pour préserver ses intérêts, avec droit de véto et présence de Bpifrance, celle-ci proposant un taux garanti pour sa participation. Teledyne est déjà fort bien ancrée dans le paysage français, puisqu'elle fournit des pièces pour les sous-marins nucléaires français, les Barracuda, et a obtenu, en juillet 2019, une autorisation du Gouvernement pour acheter une entreprise en France, Oldham Simtronics, présente à Arras. Cette société est spécialiste des détecteurs de gaz et flammes à hautes performances, et fournit également la DGA. Vous comprenez donc bien que nous avons été surpris du veto qui a été opposé à la vente à Teledyne.

Je puis par ailleurs affirmer que la société n'a en aucun cas un montant de dettes de quatorze fois l'EBITDA. Je ne sais d'où proviennent ces chiffres, mais ce n'est absolument pas le cas puisqu'il est question de la vendre environ neuf fois l'EBITDA. Les chiffres ne concordent donc pas.

S'agissant de l'État, celui-ci a joué un rôle tout à fait positif dans le dossier Veolia-Suez. Il a été demandé aux sociétés Veolia et Engie de prendre plus de temps. Je pense que cela a été un élément essentiel. Je n'ai eu de contact à l'époque qu'avec le ministère de l'économie, lorsque l'on a compris, vers la mi-septembre, qu'il pouvait y avoir une place pour une offre alternative. Il n'y avait aucune volonté de l'État de précipiter la cession de ce bloc, ce qui explique l'attitude de ses représentants, le 5 octobre, lors du conseil d'administration d'Engie.

Bien que connaissant personnellement Gérard Mestrallet, je n'ai pas eu de contact direct avec lui, mais je sais qu'il était très désireux de voir une solution amicale se dégager, en concert avec la direction et les syndicats de Suez.

J'ajoute que Meridiam est une société qui gère des fonds dans l'infrastructure. Nous pensons que son investissement moyen dans les sociétés est de l'ordre de 65 millions d'euros. Cela ne semble pas significatif par rapport à une société comme Suez. Nous-mêmes, chez Ardian, avons investi 16 milliards d'euros dans les entreprises d'infrastructure dans lesquelles nous sommes présents depuis quelques années. C'est donc substantiellement supérieur. Je m'interroge sur le dimensionnement respectif de Meridiam et de Suez.

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