Intervention de Gil Delannoi

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 2 mars 2021 à 17h40
Projet de loi confortant le respect des principes de la république — Audition de M. Gil delaNnoi chercheur au centre des recherches politiques à sciences po

Gil Delannoi :

Le problème se pose en effet à l'échelle mondiale - c'est certain -, avec des acteurs politiques nationaux, internationaux, transnationaux, qui, pour certains d'entre eux, sont loin d'être pauvres ; certains ont des moyens y compris militaires. Ce problème ne peut donc être traité uniquement à l'échelon national.

Je note une certaine incompréhension de la part de certains médias aux États-Unis notamment - nos révolutions ont eu lieu à peu près en même temps, mais nos rapports respectifs à la religion, depuis lors, ont divergé. Les plus sévères avec la politique française sont parfois les éditorialistes du New York Times. Il existe donc aussi une division au sein des démocraties occidentales, la liberté de ne pas avoir de religion étant par exemple très peu reconnue aux États-Unis.

Dans le contexte européen, c'est différent : les pays européens, a fortiori depuis le Brexit, ont des conceptions relativement homogènes. Il existe des divergences - je pense à la présence du Vatican en Italie ou à l'intervention de l'État ou des Länder dans ces questions en Allemagne. Mais le sécularisme et ce qu'on appelle, en France, la laïcité ont abouti à une solution de compromis qui semblait acceptable jusqu'à ce que des transferts de population et l'essor d'un certain fondamentalisme viennent quelque peu brouiller les pistes.

Il serait sans doute très utile de porter ces questions devant le Parlement européen et la Commission européenne, sans en laisser le monopole aux tribunaux européens qui censurent ou approuvent ce que fait tel ou tel pays. Les Européens ont des valeurs et des intérêts communs.

Quant à la liberté de changer de religion, la loi n'a en effet pas à créer une sacralisation à l'envers en disposant que chez nous tout le monde peut changer de religion quand il veut. Cela, c'est plutôt le modèle américain : l'émiettement des confessions et le libre marché des religions. Je pensais plutôt à nos principes fondamentaux : nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses ; changer de religion, c'est tout simplement changer d'opinion. Nous n'avons pas besoin d'inventer un texte : il existe. Mais il faut avoir le courage de rappeler aux acteurs qu'ils sont en France, où la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a une valeur constitutionnelle, voire supraconstitutionnelle.

La loi a ses limites ; c'est heureux, d'ailleurs : elle ne pourra jamais complètement régler les comportements. Et toutes les religions du monde essaient de garder leurs fidèles ou d'en conquérir.

Il est vrai que le débat est difficile, car les problèmes soulevés concernent principalement une religion. Mais il ne faut pas tomber dans l'écueil de ne parler que d'une seule religion - il y a dans toutes les religions des comportements qui peuvent être contraires aux valeurs de la République. En même temps, il ne faut pas mettre hypocritement tout le monde au même niveau.

Vous avez mentionné un exemple qui ne va pas dans le sens de ce que j'ai dit, mais qui reste, en France, assez marginal : celui des sectes évangéliques. On sait l'importance de ce phénomène aux États-Unis ou au Brésil.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion