Une partie de ce que vous évoquez ne concerne pas la loi de 1905, comme vous le suggérez, mais plutôt des éléments de droit public et de droit privé : on doit protéger la liberté de conscience, de pratique, d'expression. Ces questions se posaient au XVIIIe siècle, à l'époque de l'affaire Calas ou de la condamnation à mort du chevalier de La Barre. Elles relèvent moins du rapport de l'État avec les cultes que de la protection du droit individuel pur et simple.
Tout le problème est de savoir où l'on met le curseur. Concernant l'appel à la haine ou à l'extermination, nous avons un arsenal juridique qui permet d'y parer. Mais il y a des formes de harcèlement qui ne vont pas jusqu'à l'appel à la haine - je pense à l'affaire des caricatures. Si un journal décide de ne plus publier de caricatures parce qu'il estime que c'est trop dangereux, c'est une forme de défaite. Il faut réussir par la loi à défendre la liberté d'expression non pas sans limites, mais en trouvant l'équilibre entre le droit au respect et le droit à l'irrespect. Il y a en tout cas une différence entre l'art de l'insulte dans sa dimension littéraire et la volonté de déstabiliser une personne jusqu'à lui rendre la vie impossible.
Si le problème du séparatisme religieux pose bien cette question du harcèlement, celle-ci peut être soulevée pour d'autres motifs : elle dépasse le cadre strict de ce projet de loi et de la religion ; toute parole publique y est exposée.