Je me suis, pour ma part, plus particulièrement occupé des articles relatifs à la sécurité privée, à la vidéoprotection et à la captation d'images et à la sécurité dans les transports.
Je commencerai par évoquer le volet « sécurité privée », qui regroupe différents métiers régis par le livre VI du code de la sécurité intérieure : surveillance humaine et gardiennage, surveillance à distance par des systèmes d'alarme, transport de fonds, gardes du corps, protection des navires, détectives privés et formation à ces métiers.
Ce secteur a un poids économique non négligeable puisqu'il compte aujourd'hui 177 000 salariés et 11 500 entreprises, pour un chiffre d'affaires global de 7,5 milliards d'euros. Les activités de surveillance humaine et de gardiennage prédominent puisqu'elles assurent à elles seules 70 % du chiffre d'affaires.
On observe cependant un émiettement du secteur, avec 8 000 entreprises unipersonnelles, et un fort turn-over - 80 % des contrats sont des CDD - qui nuisent à la qualité des prestations fournies. Les salaires et les niveaux de qualification sont faibles. Des dérives sont observées en matière de sous-traitance, avec un abus de la sous-traitance « en cascade » qui dilue les responsabilités et complique les contrôles que le donneur d'ordre est censé effectuer.
En 2012, un établissement public administratif, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), a été créé pour contribuer à professionnaliser et à moraliser le secteur. Il assume des fonctions de police administrative puisqu'il délivre, suspend et retire les autorisations, agréments et cartes professionnelles nécessaires à l'exercice d'une activité de sécurité. Il assure également une mission disciplinaire, qui le conduit à infliger des sanctions aux entreprises, aux chefs d'entreprise ou aux salariés.
À l'approche de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux Olympiques en 2024, la proposition de loi ambitionne de professionnaliser encore davantage le secteur, afin qu'il soit en mesure de prendre toute sa place dans le continuum de sécurité, notamment à l'occasion de ces grands événements.
La proposition de loi tend d'abord à encadrer le recours à la sous-traitance pour mettre fin aux dérives dans les activités de surveillance et de gardiennage : le texte adopté par l'Assemblée nationale tend à interdire à une entreprise de sous-traiter 50 % ou plus d'un marché et n'autorise que deux rangs de sous-traitance.
Ensuite, elle vise à renforcer les prérogatives du CNAPS : ses agents pourraient ainsi constater par procès-verbal certaines infractions, des sanctions pécuniaires pourraient être appliquées aux salariés, les sanctions les plus graves pourraient être publiées sur son site internet et l'exigence d'agrément serait étendue aux dirigeants de succursales et aux chefs des services internes de sécurité des grandes entreprises. Le Gouvernement demande par ailleurs à être habilité à réformer par ordonnance les modalités d'organisation et de fonctionnement du CNAPS.
Par ailleurs, la proposition de loi cherche à garantir la qualité du recrutement et de la formation des agents privés de sécurité : toute mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire deviendrait incompatible avec un emploi dans la sécurité privée ; pour les ressortissants étrangers, seraient exigées une attestation de maîtrise de la langue française, une durée de séjour régulier sur le territoire national d'au moins cinq ans et une connaissance des valeurs de la République ; la validation des acquis de l'expérience (VAE) ne permettrait plus d'obtenir les certifications requises pour disposer d'une carte professionnelle ; le Gouvernement demande en outre à être habilité à réformer par ordonnance les modalités de formation, d'examen et de certification professionnelle.
Enfin, le dernier objectif est d'apporter aux agents privés de sécurité davantage de considération et une meilleure reconnaissance de leur travail : une circonstance aggravante serait introduite dans le code pénal pour sanctionner plus lourdement les violences exercées à l'encontre ou par les agents privés de sécurité ; sur un plan plus symbolique est prévu l'ajout d'éléments d'identification communs sur les tenues afin de renforcer le sentiment d'appartenance à une profession ; pour favoriser un meilleur respect de la législation sociale, le CNAPS serait autorisé à constater les infractions de travail illégal.
En contrepartie, le texte prévoit de confier de nouvelles responsabilités aux agents privés de sécurité, mais de manière très ponctuelle : ils seraient ainsi autorisés, aux abords des biens dont ils ont la garde, à détecter les drones et à conduire des missions de surveillance sur la voie publique contre les actes terroristes ; l'activité cynotechnique de prédétection d'explosifs leur serait ouverte, assortie d'une nouvelle exigence de certification.
Sur ces différents points, je vous proposerai des amendements qui visent à rendre plus opérationnelles les dispositions tendant à limiter le recours à la sous-traitance et à mieux concilier le souci de contrôler strictement l'accès aux professions de la sécurité privée avec celui de ne pas empêcher l'accès à l'emploi de personnes peu qualifiées. Je vous proposerai également de ne pas retenir la sanction pécuniaire pour les salariés, qui me paraît disproportionnée, et de conserver la VAE, qui peut sans doute être mieux contrôlée, mais qu'il me semble excessif d'écarter complètement.
J'en arrive au volet du texte consacré à la vidéoprotection et à la captation d'images. Caméras fixes, mobiles, embarquées dans des véhicules ou sur des drones : tous ces outils technologiques sont concernés par la proposition de loi, qui entend faciliter leur usage et le sécuriser juridiquement.
Concernant d'abord la vidéoprotection « classique », par caméras fixes, le texte vise à faciliter la transmission de ces images aux forces de sécurité. Cela concerne notamment la surveillance des halls d'immeubles et celle des transports urbains.
Concernant ensuite les caméras mobiles, les fameuses « caméras-piétons » qui équipent désormais la police, la gendarmerie, mais aussi les polices municipales, le texte assouplit également leur usage : il permet la transmission en direct des vidéos vers les centres de commandement en cas de danger, ce qui est parfaitement légitime ; il autorise le visionnage immédiat des images pendant l'intervention, ce qui est utile, mais soulève certaines questions ; et il permettrait désormais aux forces de sécurité de participer à une véritable « guerre médiatique » en diffusant les images de leurs propres interventions directement dans les médias ou sur les réseaux sociaux, ce qui est beaucoup plus discutable.
Enfin, la proposition de loi donne une nouvelle base légale aux caméras aéroportées, les fameux drones, pour mettre fin au flou juridique entourant leur usage. L'an dernier, deux arrêts du Conseil d'État et une décision de la CNIL ont interdit les vols de drones.
Sur tous ces enjeux, je vous proposerai une approche équilibrée : ne pas refuser le progrès technique quand il renforce l'efficacité de nos forces de l'ordre, mais toujours vérifier que ces innovations ne menacent pas les libertés publiques auxquelles nos concitoyens sont légitimement attachés.
Je tiens ici à remercier le président Buffet d'avoir saisi la CNIL ; son avis nous a inspiré plusieurs amendements tendant à renforcer les garanties encadrant le recours aux captations d'images.
Nous voulons nous assurer que ces captations répondent à des nécessités opérationnelles précises : les finalités doivent être bien établies. La formation des personnels destinataires de ces images est également un enjeu important. La sécurité des enregistrements et la traçabilité des accès doivent à chaque fois être garanties.
Concernant les caméras mobiles, je suis très réservé sur la disposition qui ferait participer nos forces de l'ordre à une véritable « guerre médiatique ». N'oublions pas qu'à l'origine le recours aux caméras mobiles a été autorisé dans l'objectif d'apaiser les relations entre la police et la population et d'assurer la sécurité de nos forces de l'ordre... À l'inverse, la disposition proposée risque d'alimenter le cycle médiatique, qui se nourrit d'images de violences. Les images captées par la police doivent garder un caractère probatoire dans le cadre de la procédure pénale ou disciplinaire, et non polémique ou illustratif. Au surplus, les choix qu'effectueraient les services parmi les images qu'ils décideraient, ou non, de diffuser risquent d'ouvrir de nouvelles polémiques et de conduire à de véritables « feuilletonnages » nuisant à la sérénité des enquêtes.
Concernant les drones, ils peuvent évidemment être utiles - c'est un élu de montagne qui vous parle -, et le secours aux victimes a tout à gagner de ces outils qui permettent d'épargner les vies de nos sauveteurs. Mais les modes de surveillance policière par drones risquent aussi d'être beaucoup plus intrusifs : contrairement aux caméras fixes que nous voyons aux coins de nos rues, les drones filment en hauteur, avec une grande précision, peuvent enregistrer des milliers de personnes, suivre leur cible, zoomer sur les visages et à l'intérieur des bâtiments, et certains sont furtifs, voire équipés de caméras thermiques...
Les garanties doivent donc être d'autant plus fortes que les risques pour les libertés sont importants. Nous vous proposerons notamment de mieux encadrer les finalités justifiant l'usage de drones, de réserver leur usage à certaines circonstances dans lesquelles ils sont particulièrement adaptés, et de prévoir un régime souple d'autorisation par le préfet ou le procureur, selon les cas, qu'il s'agisse de la protection de l'ordre public ou de la recherche d'infractions.
Pour finir, le projet de loi comprend de nombreuses avancées visant à renforcer la sécurité dans les transports. Les amendements que je vous proposerai de retenir se concentrent sur deux objectifs principaux : d'une part, faciliter l'intervention des forces de sécurité intérieure dans les réseaux de transports tout en garantissant la sécurité juridique des dispositifs ; d'autre part, accorder des pouvoirs encadrés aux services de sécurité de la RATP et de la SNCF.
Concernant l'accès des forces de sécurité intérieure aux images de vidéoprotection des entreprises ferroviaires, un juste équilibre doit être trouvé. Nous pouvons accepter d'étendre la possibilité de recourir à ces dispositifs à toute situation faisant redouter la commission d'une atteinte aux biens ou aux personnes, mais en sécurisant juridiquement les conditions encadrant la transmission des images de vidéoprotection, qui doit rester limitée dans le temps.
L'expérimentation des caméras mobiles dont bénéficiaient les services internes de sécurité de la RATP et de la SNCF est pérennisée ; le bilan, que nous avons fini par obtenir, est très positif. Je souhaite sur ce point mettre en cohérence le périmètre de l'expérimentation avec le périmètre d'intervention de leurs services de sécurité, qui est étendu par la proposition de loi.
En outre, la proposition de loi renforce les prérogatives des gardes particuliers assermentés en matière de constat d'infractions routières et assouplit les modalités de contrôle par les forces de sécurité intérieure de l'état alcoolémique des conducteurs. Si l'on ne peut que souscrire aux objectifs de renforcement de la sécurité routière de la proposition de loi, je vous proposerai néanmoins d'adopter deux amendements pour réserver la simplification des modalités de vérification de l'état alcoolémique aux situations les plus graves et encadrer plus strictement l'extension des prérogatives des gardes particuliers assermentés.
En conclusion, je souhaite souligner que nous avons travaillé, dans l'élaboration de ces amendements, en parfaite coopération avec le rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, notre collègue Etienne Blanc.
Avec Marc-Philippe Daubresse, nous avons fondé nos propositions sur des auditions nourries auxquelles nombre de collègues de la commission ont participé, et je les en remercie. Ce texte soulève de nombreuses interrogations et inquiétudes auxquelles nous avons essayé de répondre.