Je précise mon propos. Je vous ai montré tout à l'heure des éléments indiquant les distributions des salaires des hommes, puisque la littérature est focalisée sur les liens entre la position des pères et des fils. L'écart de revenus entre les neuvième (D9) et premier (D1) déciles, c'est-à-dire le rapport entre les 10 % les mieux payés et les 10 % les moins bien payés, diminue au cours du temps. Dans le débat public, on a tendance à penser que toutes les inégalités augmentent, mais, sur le marché du travail, cela est peu flagrant. Dans les années 1990, en effet, certains secteurs concentrant de fortes inégalités avaient encore un poids important qui a plutôt diminué depuis.
Cependant, lorsqu'on examine ce rapport D9/D1, on ne regarde pas ce qui se passe tout en haut de l'échelle des salaires. On observe depuis une quinzaine d'années que les salaires les plus élevés augmentent de façon plus importante que les autres. Mais d'une part, cela ne joue pas fortement sur le niveau de mobilité sociale de l'ensemble de la population - car cela concerne une partie très restreinte du marché du travail - et d'autre part, pour le reste de la population, on observe plutôt une réduction des inégalités.
Je parlais ici des revenus et des salaires, mais l'analyse des patrimoines donne lieu à d'autres diagnostics. Il faudrait examiner plus en détail les données de Thomas Piketty et de ses coauteurs, qui analysent l'évolution des patrimoines et en particulier des plus gros d'entre eux. Encore une fois, en France, on observe certes une augmentation, mais elle n'est aussi importante que dans d'autres pays, comme les États-Unis. J'insisterai donc sur le fait que, de manière contre-intuitive, la France est un pays qui a fortement contenu les inégalités de patrimoine et a réduit les inégalités de revenu - même si elles demeurent à un niveau important. Il faut prendre garde à ne pas mélanger patrimoine et revenus et à essayer d'avoir un débat documenté sur ces questions.