Intervention de Marie-Pierre Monier

Réunion du 10 mars 2021 à 15h00
Fonction de directrice ou de directeur d'école — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Marie-Pierre MonierMarie-Pierre Monier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école.

Je me réjouis que nous ayons ainsi l’occasion d’évoquer la situation de ces femmes et de ces hommes qui sont des rouages indispensables de nos écoles du premier degré, encore mis à l’épreuve par la gestion récente de la crise sanitaire.

La disparition tragique en 2019 de Christine Renon, directrice d’école à Pantin, avait jeté une lumière crue sur une réalité trop longtemps ignorée : accumulation des tâches administratives jusqu’à l’épuisement, carences matérielles, turnover incessant des remplaçants, accompagnement insuffisant de l’académie. Autant de points sur lesquels l’éducation nationale peut et doit s’améliorer, particulièrement dans ses pratiques quotidiennes.

Alors que nous étions mobilisés lundi autour de la journée du 8 mars, je souhaite rappeler que 71 % des postes de direction d’école sont occupés par des femmes, majoritaires comme dans bien d’autres champs de l’éducation nationale. Il est plus que temps de reconnaître à leur juste valeur leur travail et leur engagement.

Si nous nous rejoignons toutes et tous sur la nécessité de mieux reconnaître et valoriser les directeurs et directrices d’école dans l’exercice de leurs missions, nous différons en revanche sur la meilleure façon d’y parvenir.

Les directeurs et directrices d’école n’ont de cesse de dire qu’ils manquent avant tout de temps de décharge, d’aide administrative et de formation. Nous estimons, au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que c’est par de tels leviers que nous pourrons répondre à leurs attentes, et non par l’affirmation d’une position d’autorité, dont ils ne sont pas demandeurs, sur leurs collègues.

L’école du premier degré s’inscrit en effet dans une vision collective incarnée par le conseil des maîtres, dont fait partie le directeur ou la directrice d’école. Son appartenance au corps enseignant est un atout, car elle constitue un gage de sa bonne compréhension des ressorts du métier.

Les amendements que nous avons déposés sur l’article 1er de cette proposition de loi qui vise à délimiter le rôle du directeur d’école tendent à réaffirmer cette vision, en énonçant explicitement que le directeur d’école n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école et en délimitant la portée de la délégation de compétences par l’inspecteur d’académie.

Les directeurs ne souhaitent pas non plus que leur soient dévolues de nouvelles missions ne relevant pas du cadre actuel de leur fonction. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement de retrait de la mention des « missions de formation » évoquées à l’article 2.

Nous avons souhaité préciser dans ce même article 2, qui traite de la fonction des directeurs d’école, le rôle du directeur en matière de projet pédagogique.

Nous aurions aimé profiter de l’examen de cette proposition de loi pour faire avancer concrètement les conditions matérielles d’exercice de la fonction de directeur, notamment sur la question des décharges. Nous sommes malheureusement freinés dans cette ambition par l’article 40 de la Constitution. Il est cependant essentiel d’affirmer l’importance de ces temps de décharge et la nécessité de garantir qu’ils sont bien ouverts et effectifs pour l’ensemble des directeurs.

L’aide administrative est une autre question charnière pour les directeurs d’école. Nous regrettons, à ce titre, la formulation ambiguë de l’article 2 bis, qui comporte le risque d’entraîner un désengagement de l’État en la matière.

Nous saluons en revanche la création d’un « référent direction d’école » dans chaque direction des services départementaux de l’éducation nationale introduite par l’article 3. Nous espérons que ce nouvel interlocuteur sera en mesure de jouer un rôle d’appui auprès des directeurs qui font état d’une certaine solitude dans l’exercice de leurs missions.

Nous ne saurions trop insister sur la nécessité de circonscrire le cadre de ces missions et de ne pas alourdir la charge de travail des directeurs par de nouvelles prérogatives.

À cet égard, la possibilité, prévue à l’article 4, pour les directeurs et directrices d’être chargés de l’organisation du temps périscolaire nous paraît ouvrir une brèche dangereuse, alors que cette organisation revient aujourd’hui aux collectivités qui les financent.

Le texte suspend certes cette possibilité au consentement du directeur, mais il est facile d’imaginer un scénario où il se retrouverait contraint d’endosser cette responsabilité, sans même évoquer les difficultés matérielles et juridiques soulevées par une telle évolution. Les collectivités, qui financent ce temps périscolaire, sont aguerries à cette organisation qui relève d’abord d’une question de gestion de personnels. C’est la raison pour laquelle nous défendrons la suppression de cet article.

Nous ferons par ailleurs preuve de prudence quant à la possibilité, introduite par l’Assemblée nationale, pour le directeur d’école de recourir à un scrutin par voie électronique lors des élections des représentants des parents d’élèves. Si cette modalité d’organisation apparaît souhaitable, nous devons en effet nous poser la question de l’accès de l’ensemble des parents à un tel scrutin, d’autant que la crise sanitaire nous a démontré à quel point la fracture numérique demeure vivace.

J’aimerais en conclusion saluer l’avancée positive que constitue l’article 6 : celui-ci prévoit que l’élaboration du plan particulier de mise en sûreté, le PPMS, relève du ressort de l’autorité académique et des personnels compétents en matière de sécurité, ce qui permettra de soulager les directeurs de cette tâche très chronophage.

Vous l’aurez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain salue quelques petites avancées introduites par ce texte ; en revanche, il reste très dubitatif sur sa capacité à répondre dans son ensemble aux nombreuses attentes. Nous craignons de surcroît que la rédaction du texte ne franchisse la ligne de crête quant au rôle et aux missions du directeur à l’égard de ses pairs enseignants et de l’inspecteur d’académie.

L’école est un creuset républicain, un vecteur d’émancipation pour l’ensemble de notre société. Soutenons les directeurs et directrices, qui en sont le cœur battant, et offrons-leur des moyens à la hauteur de cette ambition !

1 commentaire :

Le 15/11/2021 à 13:58, aristide a dit :

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Donc hiérarchiser le directeur d'école va émanciper l'ensemble de la société ? Ce sera plutôt l'exemple de la rigidité sociale qui sera offert aux élèves. Mais peut-être est-ce cela le but réel cherché : aliéner le plus possible les élèves, en faire de petits robots serviles destinés à se soumettre à un ordre hiérarchique implacable.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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