Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du 10 mars 2021 à 15h00
Fonction de directrice ou de directeur d'école — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Jean-Michel Blanquer :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier tous les orateurs, parce que l’on voit déjà de grandes lignes directrices se dégager de leurs propos.

Il s’agit tout d’abord, évidemment, de reconnaître le rôle éminent des directeurs et des directrices d’école. Peu de parents d’élèves savent, en les voyant travailler tous les jours, que ces professionnels n’ont en réalité pas de statut et que le titre de « directeur d’école » ne recouvre pas vraiment une fonction de direction.

Il y a également un consensus pour affirmer que nous devons certainement conserver ce qu’il y a d’excellent dans leurs manières de pratiquer leurs fonctions aujourd’hui. Je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice Brulin, quand vous indiquez que nous ne devons pas nous diriger vers une conception gestionnaire de ce rôle. Nombre de directeurs d’école nous disent, au travers d’enquêtes, qu’ils veulent garder le contact avec l’élève – être professeur, tout simplement –, et je pense qu’ils ont raison.

Aussi, ce que nous sommes en train de faire ne doit pas abîmer cette magnifique dimension de leur mission : être professeur et directeur. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas, parfois, prévoir des décharges complètes, parce que, lorsque l’école est très grande, la tâche est tellement immense qu’il faut avoir du temps, mais cela doit rester très souple.

Cela me semble d’ailleurs constituer un deuxième élément important, parmi ce que, les uns et les autres, vous avez dit, à savoir le pragmatisme. Nous devons considérer qu’il existe des écoles rurales et des écoles urbaines, qu’il y a des écoles petites, moyennes et grandes, que des écoles ont des difficultés particulières quand d’autres ont des atouts spécifiques.

Ainsi, nous avons l’unité de l’école de la République et, en même temps, une très grande diversité de situations. La fonction doit donc probablement s’adapter à chaque école, notamment à sa dimension, mais également à d’autres de ses caractéristiques. Et il faut le faire en tenant compte de la diversité des acteurs : il y a non seulement l’institution de l’éducation nationale, mais aussi les collectivités locales et les interlocuteurs sociaux de tous ordres, dont les partenariats nourrissent l’école.

Il est essentiel d’avoir cette vision complète et, pour ma part, je la perçois dans chacun de vos discours, que vous ayez été, ou non, critiques à l’égard de cette proposition de loi ou du Gouvernement.

En effet, il est très important que nous ayons une claire conscience de ce que nous avons là une fonction magnifique, qui atteint aujourd’hui des limites dans sa pratique quotidienne, une sorte de surmenage. Par conséquent, nous devons reconnaître tant ce qu’il y a de positif dans la trajectoire de cette fonction depuis plus d’un siècle que ce qui doit nécessairement changer.

En effet, prenons garde d’être, sous prétexte des difficultés que cette proposition de loi soulève, dans le statu quo, dans l’immobilisme. Il serait paradoxal de s’opposer à une évolution qui résulte de concertations très importantes, au nom de ces difficultés, car cela reviendrait à pérenniser celles-ci.

D’où l’importance des débats que nous allons avoir maintenant, afin de déterminer, point par point, comment nous allons résoudre ces difficultés. Cela dit, même si nous le faisons point par point, nous devons garder la vision d’ensemble qui s’exprimait dans vos propos et qui consiste à donner, à chaque directeur d’école et à l’équipe qui l’entoure, plus de possibilités d’agir, au service des élèves.

Enfin, dans la lignée de tout ce qui s’est dit dans le cadre du Grenelle de l’éducation et qui apparaît clairement dans un document que je vous incite à lire – le rapport intitulé Quels Professeurs au XXI e siècle ?, qui procède de concertations et de travaux scientifiques –, la formule qui domine, finalement, c’est l’esprit d’équipe.

Telle est la clé pour l’école primaire comme pour l’enseignement secondaire, et c’est également la clé pour remédier à certaines faiblesses de notre pays, notamment à un certain individualisme qui préside dans le travail quotidien, tant des enfants que des adultes, alors que nous avons besoin d’insuffler un esprit de coopération.

Or le directeur d’école est aussi quelqu’un qui permet à l’esprit d’équipe, entre professeurs, de vivre. Je suis donc très attentif aux propos qui s’expriment pour demander que l’on ne nuise pas à l’esprit d’équipe, qui peut être renforcé. À mes yeux, c’est ce que fait la proposition de loi de la députée Rilhac – je veux, à mon tour, rendre hommage à cette dernière, qui est présente dans les tribunes du Sénat –, et c’est ce que font certaines de vos propositions, mesdames, messieurs les sénateurs.

C’est dans cet état d’esprit que je participerai à nos débats sur ce texte. Je pense vraiment que ce qui en résultera constituera un progrès juridique, administratif et organisationnel pour l’école.

Bien évidemment, ce texte devra s’accompagner d’autres dispositions, qui ne sont pas d’ordre législatif, et il ne servirait à rien de préciser que certaines mesures sont inutiles si d’autres ne sont pas prises ; celles-ci soit sont en train d’être prises, soit le seront prochainement ; je pense par exemple à ce qui a trait aux décharges ou au soutien administratif des directeurs d’école.

En tout cas, pour ce qui concerne le domaine législatif, nous avons ce soir une très belle occasion de faire avancer une cause à laquelle – vous l’avez montré – vous êtes, au fond, unanimement attachés.

1 commentaire :

Le 15/11/2021 à 14:09, aristide a dit :

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"Peu de parents d’élèves savent, en les voyant travailler tous les jours, que ces professionnels n’ont en réalité pas de statut et que le titre de « directeur d’école » ne recouvre pas vraiment une fonction de direction."

Ils ont un statut moral qui leur suffit amplement. Vous voulez leur donner en plus un pouvoir disciplinaire, genre "je vais pouvoir sanctionner un prof qui ne me revient pas ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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