Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, toutes les minutes, l’équivalent d’un camion poubelle de plastique est déversé dans les mers et les océans, bien triste réalité !
Le texte que nous examinons aujourd’hui est le résultat d’une longue réflexion personnelle, confortée par un travail parlementaire sur la pollution par le plastique que j’ai mené avec le député Philippe Bolo dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).
Cette proposition de loi présente des mesures préventives et ciblées qui permettraient, dès à présent, de diminuer cette contamination diffuse, invasive et persistante.
Je tiens à remercier la rapporteure, ma collègue Martine Filleul, de son implication et de son travail, qui ont permis d’enrichir ce texte. Je remercie également le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Jean-François Longeot, et l’ensemble des membres de la commission. Avoir adopté ce texte à l’unanimité en commission, c’est avoir acté l’importance des défis environnementaux que pose le plastique, c’est avoir agi collectivement et en responsabilité. Une nouvelle fois, merci !
Le plastique est devenu l’un des maux de notre siècle, une véritable bombe à retardement. La polyvalence des plastiques les a rendus omniprésents dans notre quotidien. Paradoxalement, alors qu’ils avaient été conçus pour être résistants, ils sont devenus le produit star de l’usage unique et du tout jetable.
La production de matière plastique connaissant aujourd’hui une croissance exponentielle, les usages se sont multipliés ces dernières années. Au rythme actuel, si l’on ne fait rien, cette production devrait doubler d’ici à 2050. S’ajoute à cela le fait qu’on estime aujourd’hui que 81 % des plastiques mis en circulation deviennent des déchets en moins d’une année d’utilisation.
Il y a une multitude de plastiques. Chacun d’entre eux a sa formulation, qui consiste en un polymère de base – polyéthylène, polypropylène, polystyrène, par exemple – auquel on a ajouté des charges – du mica, ou encore de l’argile –, des plastifiants, comme les phtalates, et des additifs tels que colorants, anti-UV, antioxydants ou retardateurs de flamme.
L’appellation générique de « plastique » est en cela l’arbre qui cache la forêt : il existe des centaines de formulations possibles et différentes. Chaque industriel met au point une formulation qui convient à l’usage, à l’apparence et aux propriétés spécifiques de l’objet qu’il souhaite fabriquer. L’élément central et qui explique son usage exponentiel est le triptyque faible coût, légèreté, résistance.
Le plastique ne fait pas exception à la règle : il a les défauts de ses qualités. Comme il est peu coûteux, on le veut vierge plutôt que recyclé ; comme il est léger, il s’éparpille dans la nature ; comme il est résistant, il va y persister des centaines d’années, car le plastique ne se décompose pas, mais va seulement se fragmenter.
C’est à ce constat que nous nous heurtons. Ce que nous découvrons jour après jour, c’est combien cette pollution par le plastique est diffuse et insidieuse. Elle ne se limite pas aux déchets visibles que sont les macroplastiques, mais consiste aussi en microplastiques et même en nanoplastiques.
Les microplastiques proviennent soit de la fragmentation des plastiques, soit d’un ajout intentionnel, comme celui de microbilles dans les cosmétiques, les peintures, ou encore les détergents, ce que les consommateurs ignorent d’ailleurs généralement.
Pour finir de dresser l’état des lieux, je veux évoquer les images marquantes et choquantes d’animaux étouffés par ingestion, ou enchevêtrés dans du plastique. Oui, la biodiversité se meurt de notre inaction. On dénombre plus d’un million d’oiseaux et 135 000 mammifères tués tous les ans par le plastique.
Non moins choquante, l’extrême pollution de la Méditerranée lui vaut de se hisser au triste rang de mer la plus polluée au monde. Elle ne reçoit pas moins de 600 000 tonnes de déchets de plastique par an. À vrai dire, nos mers sont devenues des déversoirs. Il existe cinq gyres de plastique dans les océans. On parle même de « continent plastique », véritable soupe de microplastiques. Plus récemment, des recherches ont relevé la présence de microfibres dans les glaces de l’Everest, des microplastiques dans les eaux de l’Antarctique et même dans l’air au sommet du pic du Midi.
Citons quelques chiffres éloquents : 200 millions de tonnes de déchets de plastique se sont accumulées dans les océans à ce jour, 8 millions étant déversés chaque année. En France, 80 000 tonnes sont rejetées chaque année sur le littoral et dans la nature. Un Français produit environ 66 kilogrammes de déchets de plastique par an.
Chacun d’entre nous ingérerait environ 5 grammes de plastique chaque semaine, soit la quantité contenue dans une carte de crédit. Si les microplastiques ingérés sont souvent excrétés, il n’en est pas de même pour les nanoplastiques, qui pourraient franchir par translocation les barrières cellulaires, ce qui est pour le moins inquiétant. Dans le cas où le déchet n’est pas excrété, par exemple un bouchon de plastique dans l’estomac d’un oiseau, il va y séjourner, créer de la satiété, affaiblir l’animal et finir par le tuer.
Ces perspectives de contamination de l’ensemble de la chaîne alimentaire et du vivant sont déjà alarmantes, alors même que tous les effets n’ont pas encore été mesurés.
Dans l’environnement le plastique va connaître trois types d’échanges.
Premièrement, il se charge des polluants hydrophobes, comme les polychlorobiphényles (PCB) et les hydrocarbures, qu’il rencontre lors de son séjour dans l’eau, l’air ou les sols. Ainsi, en cas d’ingestion, un animal va absorber non seulement le plastique, mais aussi les polluants dont il s’est chargé.
Deuxièmement, le plastique est colonisé par des microalgues et des microorganismes. Ainsi, tout au long de leur périple dans l’environnement, qui dure des centaines d’années, les matières plastiques vont potentiellement disperser des espèces invasives, des virus et des bactéries dans d’autres écosystèmes, y créant de nouveaux déséquilibres. Par exemple, des années après le tsunami de Fukushima de 2011, des espèces invasives transportées par des plastiques japonais ont été répertoriées aux États-Unis. Cette colonisation biologique donne par ailleurs au plastique une odeur qui leurre les animaux, ces derniers le confondant avec de la nourriture.
Enfin, troisième type d’échange, les plastiques larguent de nouveau les plastifiants et les additifs dès que leur surface s’abîme en se fissurant, ou lorsqu’ils se fragmentent. Certains de ces composés sont aussi des perturbateurs endocriniens, qui affectent durablement, même à très faibles doses, le système nerveux, la fertilité ou encore le développement cérébral des espèces vivantes.
Vous comprendrez sans peine que ces matières plastiques nuisent de façon irréversible aux écosystèmes marins et terrestres, portant ainsi atteinte à la biodiversité.
À ce stade, la mise en place de politiques publiques de sensibilisation, de prévention et, récemment, d’interdiction ne suffit pas à endiguer le flux et, surtout, l’accumulation de déchets dans l’environnement.
J’ai rédigé cette proposition de loi en me fondant sur ces constats et dans le but principal de limiter les fuites dans l’environnement.
Les deux premiers articles reprennent des amendements que le Sénat avait adoptés lors de l’examen de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Il est urgent de se saisir de la problématique des pertes industrielles, tout comme il est nécessaire de sensibiliser le consommateur à la portée de ses actes.
Cette proposition de loi répond donc à une urgence qui nous impose d’agir concrètement et de commencer à endiguer ces arrivées de plastique dans l’environnement. Préserver notre environnement et notre santé est l’affaire de tous et implique non seulement une prise de conscience collective, mais aussi des politiques publiques volontaristes et des mesures législatives fortes.