Intervention de Jean-Baptiste Djebbari

Réunion du 11 mars 2021 à 14h45
Création d'une vignette « collection » pour les véhicules d'époque — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Jean-Baptiste Djebbari :

Mesdames, messieurs les sénateurs, qui parmi nous n’a pas déjà tourné la tête, émerveillé par le ballet des 2 CV, des DS, des Delage, des véhicules militaires ou des engins de secours qui, régulièrement, défilent sur les quais de Seine ou qui sont exposées sur les places des villages ?

Les véhicules de collection sont une part de notre patrimoine, une tradition populaire, une trace de la place centrale qu’ont eue la France dans le développement de l’automobile et l’industrie automobile dans le développement de la France.

Comme vous, le Gouvernement souhaite les préserver. Comme vous, le Gouvernement souhaite qu’ils puissent continuer de circuler. Nous sommes d’accord sur l’objectif ; il nous reste à nous accorder sur les modalités.

Premièrement, votre texte pose le principe d’une dérogation nationale pour la circulation des véhicules de collection dans les zones à faibles émissions.

Créées par la loi d’orientation des mobilités et renforcées par le projet de loi Climat et résilience, ces zones sont nécessaires pour améliorer la qualité de l’air dans les centres urbains les plus denses. C’est une question de santé publique.

Vous craignez que leur mise en place dans plusieurs agglomérations françaises n’ait pour conséquence de limiter la circulation des véhicules de collection. Or ces derniers ne sont pas laissés sur le bord de la route : les ZFE mises en place ou en cours de l’être prévoient toutes, sans exception, des dérogations locales pour les véhicules de collection. Aucun problème n’a pour l’instant été décelé.

Il revient aux collectivités de mettre en place les règles de restriction de circulation. Il paraît donc logique qu’il leur revienne aussi de définir les dérogations.

Actuellement, la seule dérogation nationale concerne les véhicules d’intervention, comme les camions de pompiers, les ambulances et les véhicules de police. Pour ces véhicules, nous ne pourrions en effet envisager qu’un délai pour la mise en place des dérogations empêche leur circulation, même temporairement.

Je tiens par ailleurs à préciser que, dans le projet de loi Climat et résilience, nous prévoyons de simplifier encore le dispositif.

Le pouvoir de mise en place des ZFE sera transféré au niveau du président de la métropole. Ainsi, pour toute dérogation, d’un arrêté pris au niveau de chaque mairie – soit presque une centaine au sein de la métropole du Grand Paris, par exemple –, nous passerons à un seul arrêté pour l’ensemble de la métropole.

Deuxièmement, votre texte vise à créer une « vignette » collection. Là encore, nous approuvons l’idée de mieux protéger les véhicules de collection, mais nous divergeons sur les modalités de mise en œuvre.

Pour mieux les protéger, il faut d’abord mieux définir ce qu’est un véhicule de collection. Or le texte ne répond pas à cette question, puisqu’il renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser les critères. S’il était adopté, nous en resterions ainsi au même point qu’aujourd’hui.

Les critères actuels permettant d’obtenir la qualification de « véhicule de collection » ne sont pas assez restrictifs. Les normes européennes indiquent que tout véhicule de plus de 30 ans n’ayant pas été modifié peut y prétendre, en adressant une demande de « certificat collection » à la Fédération française des véhicules d’époque. Cela englobe les premières Renault Espace et bientôt les Renault Twingo. L’appellation de « véhicule de collection » a-t-elle vocation à s’appliquer à ces modèles ? La question se pose.

Le Gouvernement s’est attelé à définir des critères plus précis. Nous avons engagé un travail avec la Fédération française des véhicules d’époque en ce sens. Étant donné que ces véhicules sont plus anciens, ils sont aussi plus émetteurs au kilomètre parcouru, comme certains d’entre vous l’ont dit. Si nous voulons leur accorder une dérogation de circulation, il est nécessaire de réfléchir à des critères qui permettraient de confirmer qu’ils roulent peu, et qu’ils sont donc peu émetteurs dans les faits. C’est précisément ce à quoi nous travaillons.

Nous réfléchissons par exemple à restreindre l’âge des véhicules, pour n’accorder une dérogation qu’aux plus anciens, dont le caractère de collection semble pertinent ; à ne pas autoriser les trajets du quotidien pour ces véhicules, par exemple ceux entre le domicile et le lieu de travail ; à exclure de la dérogation certains types de véhicules plus polluants, comme les véhicules diesels ou les véhicules utilitaires ; à définir un kilométrage maximal annuel ; ou encore, à mettre en place un contrôle technique adapté pour assurer la sécurité de ces véhicules.

Ces travaux embryonnaires doivent être poursuivis, et je suis très ouvert aux contributions du Parlement.

Enfin et surtout, nous avons un troisième point de divergence, car tous les aspects de cette proposition de loi sont de nature réglementaire, tant la qualification des véhicules de collection que le niveau de dérogation aux ZFE. Il n’est donc pas nécessaire d’inscrire ces points dans la loi. Un décret en Conseil d’État suffira lorsque nous aurons trouvé un point de convergence sur les modalités d’application.

Pour toutes ces raisons, et dans la lignée de l’avis que Mme la rapporteure a donné en commission, le Gouvernement ne soutient pas cette proposition de loi. Nous restons en revanche à disposition pour poursuivre le travail de qualification de ces véhicules avec la Fédération française des véhicules d’époque, et en lien étroit avec les parlementaires qui le souhaiteraient.

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