Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je défendrai à titre personnel, avec le soutien d’une très large majorité du groupe Les Républicains, la proposition de loi présentée par notre collègue Jean-Pierre Moga.
Nous observons une très grande solidarité de l’ensemble de nos collègues sénateurs à propos du patrimoine que constitue, pour notre pays, la passion des 250 000 collectionneurs qui rassemblent des centaines de milliers de véhicules et animent chaque année des milliers d’événements sur l’ensemble du territoire français, dont certains sont certes extrêmement prestigieux, mais dont l’immense majorité traduit une mobilisation populaire, un véritable engouement pour ce qu’a été l’histoire de cette technique dans notre pays.
En réalité, ce qui importe avec ces véhicules, c’est de les voir fonctionner et, donc, de les faire circuler. Rien n’est plus triste pour ceux qui sont passionnés par ces voitures que les musées où celles-ci restent inertes. C’est un bonheur de visiter le musée de Mulhouse, mais la véritable passion pour ce produit de l’intelligence humaine, du savoir-faire, de l’habileté industrielle et technologique, issu de la main-d’œuvre que constituent les carrossiers, les selliers et les soudeurs qui ont travaillé pour construire ces véhicules, s’exprime quand on les voit vivre.
À l’issue de ce débat, nous devrons offrir un cadre législatif à cette passion pour que le passé, notre histoire automobile si riche d’enseignements – je pourrais y revenir –, ait un avenir. Si les propriétaires de ces véhicules n’ont pas la certitude de pouvoir rouler, c’est toute une filière qui sera remise en cause.
À partir du moment où l’on ne trouvera plus d’artisans, d’ouvriers et de professionnels s’engageant, inquiets de leur avenir, à perpétuer ce savoir-faire, c’est peu à peu tout ce patrimoine qui s’étiolera et disparaîtra.
À écouter les interventions des uns et des autres, il me semble que personne ne rejette cette idée. Personne sur ces travées n’y est franchement opposé, mais réfléchissons ensemble : qu’apporte la proposition de loi ? Elle crée une base législative, qui n’apparaît pas nécessaire de prime abord, mais qui l’est profondément.
En effet, les comportements sociaux ne sont plus les mêmes. En ma qualité d’ancien ministre de l’industrie, il m’arrive souvent de dire que, si le principe de précaution avait été opposé aux frères Farman, à Louis Blériot ou à Louis Bréguet, jamais aucun avion n’aurait volé dans notre pays et jamais ces personnages n’auraient marqué l’histoire aéronautique. Il y a donc toujours eu, à chaque époque, une évolution des comportements et des attentes.
Jean-Pierre Moga a soulevé la question très précise des ZFE. Sur le plan juridique, monsieur le ministre, je suis assez d’accord avec la commission : c’est l’affaire des collectivités locales. De plus, à un moment où l’on demande des efforts à nos compatriotes, notamment de renoncer aux facilités qui étaient les leurs, peut-on créer une sorte d’exception ?
Il y a même beaucoup plus grave. De ZFE en principe de sécurité, en confort, en comportements restrictifs, nous pourrions demain rencontrer des gens qui, à juste titre, se diront que ces véhicules n’ont simplement aucun intérêt, puisque nous n’aurons même plus la joie limitée, exceptionnelle, parfaitement marginale dans les statistiques, notamment celles de la circulation et des accidents, de voir ces véhicules rouler, non pas parce qu’on ne les aime pas – tous les intervenants qui se sont exprimés ici sont très favorables à ces témoignages du passé –, mais parce que, règlement après règlement, nous allons interdire de fait leur utilisation, sauf dans des conditions très exceptionnelles, en vertu d’autorisations préalables et sans doute de plans de circulation avalisés par des ingénieurs compétents, tous regroupés dans des comités d’approbation…
Il faut en rester à un principe de liberté. Monsieur le ministre, c’est très bien que cette liberté soit encadrée et que le pouvoir réglementaire fixe des limites – après tout, il est là pour cela, comme le code de la route nous le rappelle…