Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons un impératif : la lutte contre la pollution de l’air et ses conséquences sanitaires désastreuses.
Les zones à faibles émissions (ZFE), les dispositifs de restriction de circulation des véhicules les plus polluants, sont donc des leviers nécessaires qui doivent être maniés de façon suffisamment ferme pour donner des résultats.
Pour autant, d’autres impératifs de service public, d’intérêt général, justifient que soient ménagées des dérogations, par exemple pour les services de police ou les services d’incendie et de secours. Tout le monde le comprend.
Les voitures de collection méritent-elles une dérogation ?
Oui, si l’on considère que l’intérêt général nécessite aussi la préservation de notre patrimoine et la pérennité des savoir-faire d’une filière artisanale de maintenance et de rénovation. Oui, si l’on considère que leur usage réel, quand il est raisonnable, en fait une source d’émissions marginales. En termes de santé publique et de qualité de l’air, leur interdiction n’améliorerait quasiment rien.
Comme alsacien, je connais un peu le fameux modèle allemand d’exemption : celui-ci est effectivement cohérent, pratique et donne satisfaction. Ce modèle nous montre qu’il est possible de bien cadrer, en jugulant les effets d’aubaine par une labellisation rigoureuse, un dispositif permettant de concilier lutte contre les motorisations polluantes et maintien d’une culture populaire de préservation et d’usage récréatif des belles voitures d’autrefois.
Cette proposition de loi va donc dans le bon sens. Le souci est qu’elle n’emprunte pas la bonne voie. On le sait, puisque Mme la rapporteure nous l’a rappelé en commission, puis le président Longeot tout à l’heure, la loi prévoit que les dérogations pour les zones à faibles émissions sont accordées par voie réglementaire. C’est ce qu’ont fait toutes les ZFE actuelles, puisqu’elles ont concédé des dérogations aux voitures de collection. C’est ce que le ministère prépare éventuellement, les discussions à ce sujet étant en cours.
Notre groupe préfère la voie réglementaire qui nous semble être le bon levier pour atteindre l’objectif. Voilà pourquoi nous ne voterons pas ce texte.
Et puisqu’il est question de patrimoine, je conclurai en paraphrasant ce petit bijou qu’est la chanson de Charles Trenet À la porte du garage, chanson qu’évoquait dernièrement notre collègue Gérard Lahellec en commission. Charles Trenet était prophétique : oui, vivement que dans nos zones à faibles émissions apaisées et respirables, les vélos rencontrent parfois une poétique voiture d’époque « en freinant bien pour ne pas la dépasser » !